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Idriss Déby Itno : un parcours mouvementé à la tête du Tchad

NÉCROLOGIE. Le président tchadien Idriss Déby a été tué alors qu’il dirigeait ses troupes au front contre des rebelles. Retour sur son parcours.

30 ans au pouvoir ! Celui qui fut d’abord pilote d’avion, puis rebelle et enfin chef d’État, venait d’être élu pour un 6e mandat. C’est au front, alors qu’il dirigeait ses troupes contre des rebelles qu’il a été blessé et qu’il a perdu la vie. Idriss Déby est né le 18 juin 1952 à Berdoba, au nord-est du Tchad, dans une famille musulmane. Sa scolarité débute à l’École coranique de Tiné, puis il entre à l’école française à Fada. Il intègre ensuite le lycée franco-arabe d’Abéché, puis celui de Jacques-Moudeina de Bonghor. Après avoir obtenu son baccalauréat scientifique, il devient élève à l’école d’officiers de N’Djamena, puis s’envole en France pour terminer sa formation, où il devient pilote de transport et diplômé parachutiste.

Un acteur de la guerre civile tchadienne

Il retourne en 1979 au Tchad, en pleine guerre civile. Dans ce conflit, un personnage clé : Hissène Habré, chef des Forces armées du Nord (FAN), devenu Premier ministre le 29 août 1978, après plusieurs années de conflit au Tchad, entre le Nord musulman et le Sud chrétien. Pour mettre fin au conflit, le président sudiste Félix Malloum met en place un gouvernement bipartite et nomme Hissène Habré, nordiste, Premier ministre. Un accord de paix est signé à Khartoum en 1977. Des tensions apparaissent entre les deux anciens alliés. Habré accuse Malloum d’être la marionnette de la France, qui soutient depuis longtemps le président.

Cet accord vole en éclats lorsque des combats éclatent le 12 février 1979 dans la capitale N’Djamena. Les combats opposent les troupes de l’armée nationale tchadienne (FAT) du président Malloum aux forces du FAN (forces armées du Nord) du Premier ministre Hissène Habré. Ce même jour, le gouvernement français aide l’armée tchadienne à combattre les forces d’Hissène Habré. Ce dernier menace Paris de s’en prendre à des ressortissants français sur le sol tchadien, si la France continue de supporter Malloum. La France se souvient qu’Hissène Habré avait organisé l’enlèvement, en 1974 de l’archéologue Françoise Claustre, finalement libérée en 1977. Traumatisée, Paris finit par lâcher Malloum. À partir de 1979, le Tchad est dirigé par des chefs de guerre nordistes, qui ont pris le pouvoir par la force : d’abord par Goukouni Weddeye, jusqu’en 1982, puis par Hissène Habré, de 1982 à 1990.

L’alliance Hissène Habré-Déby contre Weddeye

Idriss Déby s’allie alors à Hissène Habré en mars 1980, contre Goukouni Weddeye. Historiquement Weddeye et Habré étaient membres d’un même mouvement, le Frolinat (Front de libération national du Tchad), né en 1966 au Soudan. Dans ce mouvement, deux tendances : le FAP (forces armées populaires) dirigé par Goukouni Weddeye, tandis qu’Hissène Habré est le leader du FAN (Forces armées du Nord). Les deux leaders finissent par se séparer, en raison de leur désaccord quant à l’intervention libyenne. La Libye de Kadhafi cherche à s’étendre au Tchad, et convoite notamment la bande d’Aozou, une zone qui revient de droit à la Libye, selon elle. Hissène Habré ne soutient pas la position de Weddeye, qui, lui, encourage l’intervention de Kadhafi. A contrario, Weddeye accuse Hissène Habré d’être de connivence avec le Soudan, qui craint l’impérialisme du colonel Kadhafi. En 1981, Idriss Déby est nommé chef d’état-major des FAN, à seulement 29 ans. Deux ans plus tard, il devient chef des Forces armées nationales tchadiennes (FANT, ancêtre des FAN). Passionné par le monde militaire, Idriss Déby décide de s’envoler à nouveau pour la France et d’intégrer l’École supérieure de guerre interarmées, de 1986 à 1987, avant de retourner au Tchad.

Le complot de Déby contre Habré

En 1982, Hissène Habré finit par renverser Goukouni, et devient ainsi le chef de l’État. Il met en place une dictature féroce qui fait des milliers de victimes. Kadhafi, qui n’a pas abandonné sa soif de conquête, poursuit ses visées expansionnistes au Tchad. Après avoir annexé la bande d’Aozou en 1973, il s’installe au nord du Tchad entre 1983 et 1987. En parallèle, le dirigeant tchadien Habré introduit de nouvelles lois vivement contestées. C’est le cas du concept de la responsabilité civile. Dès lors qu’un individu commet un crime, il est non seulement rendu responsable de ce crime, mais il rend aussi coupable toute sa famille. Pour de tels actes, le gouvernement saisit les biens familiaux, massacre et emprisonne les membres. Une loi qui a mené à plusieurs révoltes en 1986 et 1989.

C’est dans ce contexte qu’Idriss Déby fomente un complot contre le chef de l’État Hissène Habré. C’est un échec. Idriss Déby doit fuir le pays. Il réussit à rejoindre la Libye, puis le Soudan. C’est là qu’il crée en mars 1990 le Mouvement patriote du salut (MPS). Le 1er décembre 1990, dans la capitale N’Djamena, les combats font rage, entre les rebelles d’Idriss Itno Déby et Habré, qui finit par quitter la capitale précipitamment. Il se réfugie au Sénégal. Le 4 décembre 1990, le Mouvement patriote du salut (MPS) désigne Idriss Déby chef d’État. Ce dernier a reçu l’appui du chef d’État voisin, Omar el-Béchir, dirigeant du Soudan.

Derrière le processus de démocratisation, la corruption

Officiellement nommé président de la République le 2 mars 1991, Idriss Déby reçoit le soutien de la France, et adopte une charte nationale, qui préfigure les contours de la future Constitution en avril 1996. Il choisit Jean Alingué Bawoyeu comme Premier ministre. Le nouveau chef d’État autorise la création de plusieurs partis politiques. En juillet 1996, Idriss Déby remporte les élections présidentielles au suffrage universel, avec 69 % des voix contre Wadal Abdelkader Kamougué. Mais les résultats sont contestés, et des rumeurs de fraudes se propagent. L’opposition conteste l’implication de la France, qui aurait favorisé Déby.

La Constitution de 1996 prévoit la limitation du mandat présidentiel à 5 ans, mandat qui peut être renouvelé une fois. Dans le processus de démocratisation, le peuple est autorisé à adopter la Constitution par référendum. Mais derrière ce processus, Déby est accusé, encore une fois, de fraudes. En 2001, Idriss Déby gagne quand même les élections et est reconduit dans ses fonctions présidentielles. En 2006, il fait modifier la Constitution, pour lui permettre de se représenter à l’élection présidentielle, la même année. Il est réélu, même s’il est de plus en plus détesté par son peuple.

De nombreuses tentatives de renversement

Depuis son arrivée au pouvoir, il est confronté à de multiples tentatives de renversement. En 2004, une tentative de coup d’État au sein même de son gouvernement a été déjouée ! Un an après, plusieurs groupes rebelles armés naissent, et prennent naissance au Darfour, région du Soudan voisin. Des mouvements qui eux-mêmes s’appuient sur des rivalités ethniques et religieuses. En février 2008, il échappe de justesse à une autre tentative de renversement aux portes du palais présidentiel. Idriss Déby sollicite l’aide de la France. Le 4 février 2008, le Conseil de sécurité de l’ONU donne le feu vert à Paris pour qu’elle intervienne au Tchad. Le Conseil de sécurité adopte une déclaration, qui condamne les attaques rebelles contre le régime de Déby. Kadhafi, allié de la France de Sarkozy, fait livrer des armes au président Déby. Malgré un contexte politique interne et régional plus qu’instable, Idriss Déby est réélu en 2011 puis en 2016 pour un cinquième mandat. En 2018, il promulgue une nouvelle Constitution, dénoncée haut et fort par l’opposition, qui accuse Idriss Deby de vouloir rester au pouvoir jusqu’en 2033.

Un règne autour du pétrole

En octobre 2000, le président lance de grands travaux de construction, grâce à l’aide notamment de la Banque mondiale. Celle-ci cofinancera 13 % du projet. En retour, Idriss Déby s’engage à promulguer une loi sur l’encadrement des revenus pétroliers. Sur l’ensemble des revenus pétroliers, 80 % seront investis dans le budget de l’État, et destinés à l’éducation, à la santé, ou encore aux infrastructures. L’oléoduc Tchad-Cameroun, entre Komé (Tchad) et Kribi (Cameroun), est inauguré en 2003. Le gouvernement lancera à l’été 2003 le début de l’exploitation pétrolière. Grâce à ce projet, le pays est considéré comme un pays producteur de pétrole, et intègre l’Association des producteurs de pétrole africains (APPA). Son taux de croissance a même bondi de 1 % en 2001 à 8 % en 2005 grâce à l’oléoduc ! Les recettes pétrolières lui permettent de s’équiper. Entre 2002 et 2012, le budget de l’État a été multiplié par 4, et le secteur a rapporté plus de 10 milliards de dollars. Grâce à la manne pétrolière, le pays s’est lancé dans la construction d’une cité internationale des affaires à N’Djamena mais il y a une ombre au tableau : en janvier 2012, l’ONG française CCFD-Terre solidaire publie un rapport qui pointe du doigt la gestion des recettes pétrolières. Elle accuse Déby d’avoir utilisé l’argent du pétrole pour l’achat d’armes.

Déby et le temps de la crise économique

La filière cotonnière reste prépondérante dans le pays, même si elle reste peu rémunératrice et très dépendante des aléas climatiques. En 2015, Idriss Déby voit les prix du pétrole chuter, ce qui entraîne une diminution des recettes. Il ne peut plus financer sa société cotonnière, Coton Tchad. Le dirigeant a dû faire appel au géant asiatique Olam, qui a accepté de racheter 60 % de l’entreprise en 2018. En 2015, avec la crise économique due à la chute des prix de l’or noir, Idriss Déby contracte un prêt de plus d’un milliard de dollars auprès de la société suisse Glencore, société qui commerciale ses hydrocarbures. Pour rembourser son prêt, le dirigeant mise sur une politique d’austérité sévère. Le budget consacré à la santé diminue de moitié. Les salaires des fonctionnaires sont réduits alors que les impôts augmentent. En 2017, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) classe le Tchad à la 52e place sur 54.

Déby et le Tchad au cœur d’une région instable

Depuis l’indépendance du Tchad, le pays connaît des épisodes d’instabilité politique. Idriss Déby cherche un moyen de stabiliser son pays, enclavé en Afrique centrale et sans accès à la mer. Ce pays, pauvre, reste fragile, en proie à des rivalités ethniques, religieuses et culturelles. S’il est enclavé, il occupe tout de même une position stratégique clé. La guerre du Darfour en 2003, région du Soudan, s’étend au Tchad. Ce conflit provoque une augmentation du nombre de réfugiés soudanais au Tchad qui atteignent le nombre de 230 000. La même année, Idriss Déby soutient la prise de pouvoir de François Bozizé en Centrafrique. En 2013, le Tchad participe activement à l’envoi de troupes au nord du Mali, dans le cadre de l’opération Serval – devenue opération Barkhane. Objectif : lutter contre le groupe terroriste Boko Haram, très implanté dans la région. En 2016, il est élu président de l’Union africaine, où il succède à Robert Mugabe. En janvier 2019, Idriss Deby crée la surprise en renouant diplomatiquement avec Israël alors que les relations étaient rompues depuis 1972. Netanyahou et Idriss Déby ont en fait trouvé un terrain d’entente : la lutte commune contre les extrémistes djihadistes. De quoi conduire Netanyahou à affirmer que « le Tchad est un pays important pour Israël car le futur de l’Afrique dépend du futur du Sahel ».

Déby dans le combat contre la désertification

Idriss Déby concentre aussi ses efforts pour alerter la communauté internationale sur le lac Tchad, en proie à une forte désertification. Le 23 septembre 2019, lors du sommet climat des Nations unies à New York, le président tchadien alerte sur « les principales conséquences du changement climatique au Tchad, entre autres la baisse et la variabilité pluviométriques, les sécheresses, la baisse des productions agricoles, l’assèchement et le rétrécissement des cours d’eau comme le lac Tchad, les inondations, les vagues de chaleur, les vents violents, l’avancée inquiétante du désert, la famine et l’exode rural faisant le lit de la menace terroriste ».

La dernière bataille commencée le jour du scrutin présidentiel

Le 11 avril dernier, alors que le scrutin présidentiel était organisé, des informations ont fait état du fait que « plusieurs colonnes de véhicules, lourdement armés, en provenance de Libye, ont fait une incursion à l’intérieur du Tchad pour attaquer » dimanche « le poste frontalier de douane de Zouarké », dans la province du Tibesti, à environ 1 000 kilomètres de la capitale N’Djamena ». l’information avait été donnée par un communiqué du porte-parole du gouvernement. À ce moment, le gouvernement tchadien avait assuré que la « situation entièrement sous contrôle ». « Fixés et traités par l’aviation de l’armée de l’air tchadienne », les rebelles « sont en débandade et pourchassés par nos vaillantes forces de défense et de sécurité », avait-il affirmé, assurant que « la situation est entièrement sous contrôle ». Manifestement, la réalité du terrain était plus complexe. Elle a exigé que le président se déplace et aille au front. C’est là qu’il a été blessé et qu’il a trouvé la mort, mettant ainsi fin à 30 ans d’un pouvoir agité.

Source: lepoint

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