Le faux suspense aura duré plus de trois mois. C’est, enfin, le lundi 28 mai 2018 que le Président de la République, IBK, s’est adressé à son peuple depuis sa résidence privée pour lui annoncer sa candidature pour un second mandat. Non seulement, il aura en face de lui une douzaine de candidatures mais, aussi et surtout, il aura à défendre un bilan qui n’est pas du tout reluisant. Quelles sont les forces et les faiblesses de la candidature du Président sortant ?
« Boua Ba Bla – Boua Ta Bla ». Le doute qui a longtemps plané a été levé le lundi par une déclaration solennelle de sa candidature pour un second mandat. IBK a décidé de se jeter dans l’eau avec l’hypothétique espoir de rejoindre encore l’autre rive. Si la traversée de 2013 a été faite sans coup férir, celle de 2018 semble être incertaine à cause de son bilan. Investi le 4 septembre 2013 pour un mandat de cinq ans qui tire vers sa fin, IBK aura de la peine à se faire réélire, malgré quelques avantages qu’il a sur ses adversaires, parmi lesquels on pourra citer trois :
1er avantage : il dispose de l’appareil d’Etat ; dans un pays où le Président de la République est omnipotent, il est au-dessus de toutes les autres institutions et ses désirs deviennent des ordres. L’administration, censée être neutre, travaillera selon ses consignes avec, à sa disposition, les ressources à la fois humaines et financières.
2e avantage : il est le Président sortant, malgré son bilan en deçà des attentes d’un grand nombre de citoyens, IBK est celui qui a marqué pendant cinq ans le subconscient du citoyen lambda. Pour certains, il vaut mieux donner une seconde chance à celui qu’on a vu plutôt que de choisir celui qu’on n’a pas vu à l’œuvre, ou qu’on ne connait pas ou peu.
3e avantage : son charisme ; parmi les candidats déclarés, il apparait comme l’un des plus charismatiques, sinon le plus. Donc, au-delà de son bilan, il serait celui qui séduit plus que les autres candidats par son aura et son style.
Ces trois qualités suffisent-elles pour faire élire un Président sortant ? La réponse sera connue le 29 juillet, mais d’ores et déjà, il n’a pas la faveur des pronostics à cause de trois grands obstacles qui sont les suivantes.
Premier obstacle à sa réélection : son bilan. Nombreux sont les observateurs qui pensent qu’IBK est le président qui a été le plus brillamment élu, mais qui a le plus déçu, aussi. Élu autour du slogan, Pour l’honneur du Mali, Pour le bonheur des Maliens, c’est paradoxalement sous son règne que la fierté des Maliens a été mis à mal le plus, avec comme paroxysme la déroute militaire de Kidal en mai 2014 et le repli de l’Administration de cette ville, depuis. De 2013 à ce jour, le quotidien des Maliens s’est détérioré ou précarisé en dépit des statistiques flatteuses, ambiguës ou maquillées. L’insécurité, limitée au Nord, s’est propagée dans tous les coins du pays. La corruption, le népotisme et le clientélisme ont pignon sur rue dans tous les secteurs de la vie publique.
Deuxième obstacle : c’est l’affaiblissement de son camp politique et le « Tout sauf IBK » de ses adversaires. En effet, le président sortant aura du pain sur la planche, car ceux sur qui il devrait compter pour rempiler ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Le groupement de partis qui le soutient n’est qu’un leurre, car parmi ces soixante-huit formations, il n’y a que deux grandes ; le RPM et l’ADEMA, les autres sont des compléments d’effectifs. S’agissant également des deux grands partis, IBK serait sûr d’avoir le RPM à 80 %, à cause des petites dissensions internes ; quant à l’ADEMA, il n’aura qu’une coquille vide, car la base est hostile à tout soutien à IBK. Pour ce qui concerne les autres partis de la plateforme, certains n’ont que leurs présidents comme militants.
Troisième obstacle : le contexte international défavorable. La communauté internationale semble designer IBK comme étant le problème du Mali. L’espoir qu’elle avait fondé sur lui est allé à vau-l’eau et le Mali s’enlise dans la crise. Elle estime qu’il faut un changement de paradigme et de leadership pour que ce pays progresse. Les pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger sont les premiers à ressentir les méfaits de la mal gouvernance au Mali. Ils sont tous arrivés à la conclusion que sans stabilité, sans leadership affirmé au Mali, les pays du Sahel ne connaitront jamais la sécurité.
Pour conclure, IBK devrait prêter attention à tous ces constats en tirant les conséquences de son échec à la tête du pays et passer la main à quelqu’un d’autre. Mais, si au lieu de cela, il a plutôt préféré se jeter à l’eau, sa chance d’atteindre cette fois-ci la rive, sain et sauf, est très maigre.
Youssouf Sissoko
Source: infosepte