Depuis une dizaine d’années, avec la prolifération des nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment le téléphone portable et ses multiples accessoires, on voit dans nos villes un type nouveau de fous différents de ceux du cabanon. Le matin et à toute heure de la journée, dans nos rues, déambulent des hommes et des femmes surchargés d’appareils sophistiqués reliés aux oreilles par des fils et parlant à eux-mêmes, ne distinguant personne à côté. Sans être contre le progrès scientifique et technologique, la façon de faire de certains de nos compatriotes qui se croient dans le vent de cette manière, mais en réalité dans le décor, donne à réfléchir et on peut penser qu’il y a péril en la demeure.
Des voyageurs venant d’Europe, d’Amérique et d’Asie disent ne pas y avoir rencontré d’individus ployant sous le poids d’autant de machines électroniques. Mais chez nous et probablement dans la plupart des métropoles africaines, la pathologie de la démence technologique s’est déjà introduite dans tous les milieux jusqu’à atteindre le seuil de non-retour. Il n’y a pas de statistiques mais il semble bien que les filles, surtout les analphabètes et les semi alphabètes dominent sur cette scène plus que les garçons. On note aussi que ce sont nos compatriotes issus des milieux ruraux qui font un usage hors normes de ces machins électroniques.
Dans les pays où ces engins sont conçus et fabriqués, on y fait selon les voyageurs, un usage plus discret à cause probablement de leurs effets négatifs à long terme. Des médecins et des physiciens ont démontré dans des études aux conclusions tenues secrètes pour des raisons commerciales que l’utilisation abusive de ces appareils sophistiqués au maximum peut à la longue produire un peuple de fous ou de malentendants inguérissables. Cela n’empêche pas évidemment la ménagère de chez nous d’ôter ses boucles d’oreilles traditionnelles et de fourrer à leur place dans ses conduits auditifs d’étranges minces fils qui lui permettent d’écouter sur son portable de la musique arménienne et des informations en langue arabe. Pareil pour l’apprenti-chauffeur de la sotrama qui croit qu’en faisant usage en désordre de cet appareillage de tous les dangers, il peut devenir respectable. Quand on ajoute à cette extravagance l’utilisation des psychotropes et des herbes fumantes, on n’est plus surpris que les places de transports en commun soient devenues des asiles pour fous où des batailles rangées attristent à longueur de journée les passagers.
Dans les bureaux de l’administration publique, la situation est tout aussi catastrophique. La secrétaire occupée par ses écoutes téléphoniques et ses branchements bizarres néglige l’usager dont les affaires sont urgentes. Même constat dans la circulation routière où la situation est encore plus compliquée. Des hommes et des femmes s’amusent au volant de leur voiture ou au guidon de leur grosse cylindrée, les oreilles collées au portable, sans se soucier le moins du monde de l’accident mortel qu’ils peuvent provoquer par cette audace.
Facoh Donki Diarra
(écrivain, Konibabougou)
Source: Mali Tribune