Du samedi au mardi 26 avril, le président du Haut Conseil Islamique du Mali a entrepris une tournée qui l’a conduit de KOLOKANI à NIORO, en passant par DIEMA, Kayes et YELIMANE. Partout, il a été accueilli avec la même ferveur. Il s’agissait pour l’Imam Dicko de rencontrer physiquement ses représentants locaux, de prendre connaissance de leurs préoccupations et de les rassembler autour d’un même idéal : la concorde.
C’est un Mahmoud Dicko conscient de ses responsabilités et de la charge attachée à sa fonction qui, à la tête d’une délégation très représentative des sensibilités musulmanes constituant les matériaux de l’institution religieuse, a effectué le voyagedans un contexte marqué par des dissensions sous-jacentes entre les frères en Islam de notre pays.
La première étape du périple a été KOLOKANI où la délégation de l’Emir des musulmans du Mali a rencontré les fidèles de la localité à la Grande Mosquée, en présence des élus communaux, des notabilités et imams, pour non seulement partager leurs soucis, mais aussi leur transmettre un message de paix et d’union.
Après les échanges de civilités habituels, l’Imam de KOLOKANI, non moins président local du Haut Conseil Islamique, a adressé un salut fraternel aux membres de la délégation avant de se réjouir de l’avancée considérable que connaît l’Islam dans ce milieu bambara, connu autrefois pour ses pratiques et cultures païennes : «
Avant, si un étranger venait prier ici, ses hôtes ramassaient la poussière sur laquelle il se tenait pour la jeter loin de la ville, car jugée porteuse de malheur. Dieu merci maintenant, la zone est à une dizaine de mosquées », a-t-il rappelé. Malgré cette percée significative, l’Imam Moulaye Bah a exposé devant le président du Haut Conseil Islamique du Mali les contraintes qui sont le quotidien des musulmans de sa contrée, ayant pour noms : la non- accessibilité à la formation islamique qui est capitale pour la meilleure compréhension des préceptes de l’Islam, les difficultés chez les croyants de se procurer le nécessaire pour le jeûne, entre autres.
Ainsi, l’Imam a dit clairement que pendant le mois sacré, il regrette le fait qu’une provision de dons pleut sur d’autres endroits du pays alors que KOLOKANI n’en bénéficie point. Pourtant, ses populations sont majoritairement moins aisées. Ces doléances ont reçu, visiblement, un écho favorable chez l’interlocuteur.
A DIEMA, c’est Moussa Magassa, fils du défunt président du bureau local du Haut Conseil Islamique du Mali, qui a pris la parole au nom de son regretté père pour souhaiter la bienvenue à la délégation. Celui-là se rappelle surtout que c’était la première fois qu’un président de l’institution musulmane rend visite aux fidèles de sa ville.
L’étape de Kayes a fait montre de la capacité de mobilisation des leaders religieux musulmans. Le temps fort a été le prêche organisé dans la nuit du samedi à dimanche à la tribune de la capitale des rails. Au présidium, le chef de cabinet du gouverneur de Kayes, le Maire de la commune urbaine, le président du Haut Conseil Islamique du Mali Imam Mahmoud Dicko, le président du bureau régional du HCIM Amadou Fofana, ainsi que le professeur YacoubDoucouré et Abdoul KadrSacko, devant une ribambelle de fidèles.
Dans son intervention riche en émotion, l’Imam Amadou Fofana n’a pas tari d’éloges pour Mahmoud Dicko. La qualité qui attire le plus son attention chez Dicko, c’est l’humilité et le sens de responsabilité qui s’apprécient dans ses actes. « La première fois que je l’ai appelé l’Emir des musulmans, il a fondu en larmes sous le coup de l’émotion », se souvient-il. Selon lui, cela témoigne à suffisance que l’Imam Dicko est bien conscient de la charge lourde qui pèse sur ses épaules en tant que leader des fidèles musulmans.
A sa suite, l’éminent professeur Yacoub Doucouré, dans son allocution, a porté une attention particulière sur les querelles de chapelles qui fragilisent de nos jours la communauté musulmane malienne. Selon lui, cet état de choses est consécutif à l’interprétation erronée des préceptes de la religion qui fait que certains se distinguent de leurs coreligionnaires sur des points les plus accessoires de doctrine.
En conséquence, les musulmans se sont dispersés en groupes rivaux, chacun répondant à un nom autre que musulman. Ainsi, Yacoub appelle ses coreligionnaires à se cramponner à l’Islam et à reléguer les autres considérations au second plan.
Il a également invalidé la thèse des soi-disant djihadistes en ces termes : « Ceux qui font le djihad sont opposés au prophète », car l’une des conditions légitimant la guerre sainte, selon un hadith authentique, c’est l’existence d’un haut dignitaire religieux à la tête de la communauté.
Or « le seul qui peut ordonner aux musulmans du Mali, c’est le président du Haut Conseil Islamique du Mali. Il y a des présidents d’associations musulmanes, mais lui, il est le leader des musulmans du Mali ».
Quant à Son Eminence Mahmoud Dicko, dans un long discours, il a prêché le pardon et la cohésion, tout en décrivant les tristes réalités du pays. D’emblée, il a déploré le fait que certains musulmans peuvent traiter même avec les non-croyants, mais abhorrent leurs frères musulmans.
Et cela, tout simplement parce qu’on a créé des dénominations pour qualifier notre tendance et, hélas, semer la division. Alors dans la conjoncture actuelle, « n’importe qui agit négativement au nom de l’Islam. C’est pourquoi nous devons nous unir. Si on se disperse, notre religion sera sans contrôle, à la merci de tous », a prévenu l’Imam Dicko.
Par ailleurs, cette union est indispensable pour que même les prêches puissent faire l’objet de contrôle rigoureux, toujours selon l’Imam, car « le prêche n’est pas une plaisanterie et on ne peut pas permettre à n’importe qui de dire n’importe quoi parce qu’il le veut. Il faut qu’on ait le courage de le dénoncer et de réglementer ce secteur sensible ».
En plus, pour l’Imam Dicko, les rumeurs véhiculées via les réseaux sociaux avec le dessein cynique de distraire les musulmans, les suspicions et les méfiances sur la base des idées préconçues délibérément sont les germes de l’exaspération de la mésentente entre musulmans.
A ce propos, Dicko propose le pardon : « chacun doit accepter et pardonner ce qu’il a pu subir. C’est à la fois un devoir religieux et patriotique ». S’agissant des informations infidèles à la réalité répandues par les médias occidentaux sur l’Islam, l’Imam Dicko a rétorqué : « L’Islam est une miséricorde, Il ne saurait être une menace nationale, régionale, a fortiori internationale ».
Revenant à la situation du pays, il a évoqué l’état d’esprit pessimiste qui anime plus d’un malien, celui de penser qu’on n’est rien et qu’on ne peut rien sans le concours des occidentaux. L’Imam Dicko est convaincu que notre « pays n’est pas pauvre », mais qu’ « il y a une pauvreté mentale ».
Après Kayes, la délégation du Haut Conseil Islamique du Mali s’est rendue à YELIMANE où sa visite était demandée depuis trois ans. Dans chaque village traversé avant sa destination, l’Imam Dicko a été accueilli triomphalement par les habitants qui étaient agglutinés au bord de la route au passage du convoi.
C’est sous une escorte forte de la gendarmerie, de la garde nationale et de l’armée de terre que la délégation est entrée à YELIMANE, accompagnée du préfet et ses auxiliaires, ainsi que le député Mamadou Awa Gassama Diaby.
Là également, c’est le message de pardon et d’union que Mahmoud Dicko a livré à ses frères en religion. Il n’a pas oublié de rappeler aux populations, aux délégués et agents de l’Etat les recommandations de l’Eternel dont le fait de s’abstenir de causer du tort à son prochain, l’arbitraire, l’injustice, faisant ainsi implicitement allusion aux réalités qui prévalent dans la zone.
Renchérissant les propos de l’Imam, le préfet a invité ses populations à mettre en pratique les conseils prodigués parle dignitaire religieux. « C’est dans l’union et le pardon que l’on peut résoudre les problèmes de YELIMANE », a-t-il ajouté.
Quant au député de la circonscription de YELIMANE, Mamadou Awa Gassama Diaby, il a remercié l’Imam Dicko pour ses efforts consentis en faveur du Mali avant de l’apprécier à sa juste valeur : « Ce ne sont pas seulement les paroles de Dicko qui émeuvent, mais aussi ses actes vont droit au cœur ».
La dernière étape de la tournée a été NIORO où la délégation a rencontré le Grand Chérif et Saint M’Bouye Haïdara le mardi, après quoi,elle a regagné Bamako dans la soirée.
ABDOUL NIANG, envoyé spécial