Les spécialistes nous compléteront mais déjà il suffit d’être avisé pour savoir que la grève des enseignants du public de l’enseignement du préscolaire, du fondamental et du secondaire n’est pas sans conséquence au plan social et économique. Quels sont les effets collatéraux de cet arrêt de travail d’un secteur clé de la vie socio-économique du pays ?
Depuis au moins quatre mois, l’école publique est paralysée, dans sa majorité, de Kayes à Kidal. Une grève d’un groupe de Syndicats appelés Synergie en est la cause. A cette grève liée surtout à une seule et ancienne revendication, l’application de l’article 39 de la loi 007 de 2018. A cette grève des enseignants, une autre cause, l’insécurité au nord et au centre du pays est aussi paralysante de l’école malienne. Mais quel est l’impact socio-économique de cette grève. L’environnent de Bamako a été notre champ de prospection. Socialement, la garde des enfants et des ados, la frange de population concernée, pose problème. L’école étant un paravent pour les parents qui, absorbés par la recherche de pain quotidien, n’ont plus le temps de s’occuper de cette bande juvénile. Les enfants et les ados majoritairement sont à la maison depuis au moins quatre mois. Très peu bénéficie d’encadrement ou de cours de soutien. Le pire, ils consomment sans produire et touchent à tout au propre comme au figuré. Dans les quartiers populaires comme à Lafiabougou en Commune 4 ou à Sananfara à Kati, ces enfants sont en vadrouilles. Ceux des campagnes en général peuvent être occupés dans les travaux maraichers ou fermiers mais dans les villes leurs dégâts sont inimaginables. Ils se lassent très vite des jeux et s’adonnent à des pratiques non éducatives comme la vision des vidéos obscènes, la conduite sans qualification des engins roulants, les jets des projectiles pouvant dégrader les véhicules stationnés dans les rues ou encore la consommation des stupéfiants. Autant de maladresse suscitée par l’oisiveté. L’absence d’école crée de nouveaux ‘’petits bandits’’ ou délinquants primaires.
Concernant l’impact économique, les domaines du transport et du petit commerce devant les écoles sont illustratifs (lire les propos d’enquête). Malgré la prolifération des motos et le très dangereux ‘’support à trois’’, les transports en commun notamment les Sotrama tiraient leur épingle du jeu. Surtout, entre 6h et 8h et 16h et 18h, ce qu’on appelle les heures de pointe. Les Sotrama font le plein, souvent même le surcharge. Il y avait peu de soucis de recette journalière. Pareil pour les vendeuses d’aliments (brochettes, sandwich, pâtés, atchéké, djouga…), ces braves femmes aussi en soutien de famille arrondissaient les angles par ces revenues. Pas d’école, pas de revenues pour ces femmes. Une perte pour ces secteurs d’activités. Mis bout à bout, toutes ces manques à gagner aiguisent la frustration et forment le lit d’une trouble sociale.
Un des plus grands perdants est le pays, à long termes. La qualité des ressources humaines peut en souffrir. Alors, Ce ne serait pas tôt de trouver une solution, car elle existe sans qu’elle soit la répression ni le non paiement des salaires, à cette grève des enseignants. Il faut espérer que la fermeture des établissements scolaires pour trois, à cause de la menace du Coronavirus, sera mise à profit par les gouvernants et les syndicats pour redémarrer l’école.
D. T. SANGARE
L’Analyste