De l’organisation d’élections crédibles à la refondation de l’État, du renforcement des moyens de l’armée à la croisade contre l’impunité… la tâche du gouvernement de Moctar Ouane est herculéenne. Il devra faire ses preuves et convaincre un chef de l’État exigeant et une opinion qui attend des résultats
Le président de la Transition, Bah N’Daw, a rappelé les exigences de la mission du gouvernement lors du premier conseil des ministres, tenu vendredi dernier dans la salle des banquets du Palais de Koulouba. Le chef de l’État a délivré au gouvernement de Moctar Oaune la teneur de sa lettre d’orientation.
Inspirées de la Charte et de la feuille de route de la Transition, les instructions du chef de l’État condensent les principales aspirations exprimées par les Maliens lors des journées de concertation nationale.
Les chantiers sont nombreux et si complexes que même le président lui-même s’est gardé de promettre de tout réussir. Il a mis le doigt sur l’organisation des élections référendaire, présidentielle et législatives. Ceci est un impératif à réaliser entièrement par le gouvernement car c’est «l’essence de la transition». Bah N’Daw a également engagé l’équipe gouvernementale à travailler quotidiennement à rapprocher le Mali de ces échéances électorales qui doivent mettre fin à la «fâcheuse tradition des crises post électorales».
À cet effet, le gouvernement doit repérer et corriger les insuffisances des textes, nettoyer le fichier électoral et surtout revoir le coût des élections en vue de l’adapter aux «maigres moyens d’un pays en guerre». Conscient du défi, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga, en charge de l’Administration territoriale, n’a pas attendu ce premier conseil pour se mettre à la tâche. «Nous avons déjà entamé les réflexions pour mener à bien notre mission», nous confiera-t-il.
Sur le registre des impératifs, figure aussi la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Le chef de l’État, à l’image de la population, veut «des victoires rassurantes», à défaut de gagner tout de suite cette guerre.
L’État mettra les ressources qu’il faut. Mais, en tant qu’officier supérieur à la retraite, Bah N’Daw sait que nos forces de défense et de sécurité ne souffrent pas que du manque de moyens. Elles ont aussi besoin de véritables stratégies pour enrayer cette dynamique terroriste. D’où la nécessité de corriger les faiblesses au niveau de la stratégie.
Autant l’armée doit se débarrasser de ses brebis galeuses, notamment ceux qui s’accommodent mal avec les droits humains. Il revient au ministre de la Défense et des Anciens combattants, le colonel Sadio Camara, de traduire en actions cette volonté du président Bah N’Daw. L’officier supérieur nous a révélé sa recette : «Mes trois priorités sont la formation des hommes, le renforcement des moyens et l’amélioration des conditions de vie et de travail des hommes».
S’il y a un terrain sur lequel ce gouvernement est également très attendu, c’est bien celui de la lutte contre la mauvaise gestion des deniers publics. Le président y accorde une importance capitale et les membres du gouvernement sont tenus de donner l’exemple, en faisant preuve d’intégrité et de probité.
Bah N’Daw a assuré que le combat contre le fléau de la corruption sera mené sans concession aucune. À cet effet, les reformes systémiques nécessaires seront engagées, comme «l’imprescriptiblité» du crime d’atteinte aux deniers publics et la suppression du privilège de l’immunité lorsque les biens publics sont en cause.
Par ailleurs, le pays a besoin d’apaisement, de réconciliation, de rassemblement. C’est le rôle du gouvernement d’y contribuer, à travers la redynamisation de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Il lui incombe aussi de jeter les bases d’une refondation nationale, conforme à la volonté des Maliens. Et puisque le Dialogue national inclusif a balisé le terrain, Bah N’Daw a instruit l’opérationnalisation des mécanismes de suivi de la mise en œuvre des recommandations de cet important forum.
Le ministre chargé de cette question, Mohamed Coulibaly, a assuré s’atteler à «capitaliser tous les efforts antérieurs consentis en la matière». Il revient au Premier ministre de mettre toutes les actions en musique pour une transition vertueuse.
Le chef de l’État a mis Moctar Ouane à l’aise en plaçant le gouvernement sous son «entière autorité». Il doit l’évaluer de manière régulière, méthodique et rigoureuse. Et ne devra point tolérer l’insuffisance de résultats, le manque de solidarité gouvernementale, l’inobservance des règles de la comptabilité publique.
Alors qu’il réunissait les ministres pour le premier conseil de cabinet, le chef du gouvernement avait donné ces trois principes directeurs : engagement, détermination et solidarité. Des principes intégrés par tous les ministres.
Celui en charge de la Communication et de l’Économie numérique a déjà rencontré les responsables de ses services rattachés et est en train d’identifier « tous les secteurs dans lesquels les technologies de la communication et de l’information vont intervenir». Et au niveau de l’Enseignement supérieur, les priorités dégagées sont la clarification des rôles des différents services, adapter les contenus des enseignements aux besoins des marchés d’emploi.
Issa Dembélé
Source : L’ESSOR