Depuis plus de quatre ans, Tiébilé Dramé ne cesse de porter de graves accusations de corruption, de détournements d’argent et autres malversations directement contre le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, IBK, et son entourage immédiat. Depuis quatre ans, le Président de la République se tait.
De l’achat des matériels militaires en 2014 et de l’Avion présidentiel, du scandale autour des engrais dits frelatés et celui des tracteurs mis à la disposition de certains agriculteurs maliens, au tout nouveau dossier d’achat d’aéronefs au profit de l’Armée malienne, IBK et son Gouvernement ont constamment été la cible du Président du Parti pour la Renaissance Nationale (PARENA). Il est des situations où le silence peut-être plus parlant que le verbe. Mais lorsque l’honneur d’un homme et celui d’un pays sont en jeu, la parole devient une exigence, un devoir, surtout pour un élu.
Au départ, en 2014, lorsque Tiébilé Dramé avait multiplié les sorties médiatiques pour dénoncer ce qu’il considérait, déjà, comme une vaste opération de magouille et de corruption jusque dans l’entourage immédiat du Président IBK, nombreux étaient les Maliens qui s’irritaient car croyant le Chef de l’État au-dessus de tout soupçon. En effet, en 2014, IBK avait la confiance de la majorité des Maliens quant à son honorabilité. Il était perçu comme l’homme de la rigueur sur tous les plans, le Kankelentigi dont le slogan de campagne, « Pour le Bonheur des Maliens », était encore sur les affiches publiques. Les 77,66% des électeurs qui ont porté leur choix sur lui en 2013, ne juraient que par lui. D’autant plus que ses fréquents baga-baga à la télévision nationale laissaient entrevoir une détermination farouche à redresser le Mali et les Maliens égarés.
Or non seulement Tiébilé Dramé n’arrêtait pas, mais ils brandissaient de plus en plus des documents officiels qui attesteraient de la véracité de ses accusations qui se faisaient plus précises. Étaient-ce des gesticulations d’opposant en mal de popularité ou le Président du PARENA avait-il découvert le visage caché de la Gouvernance d’IBK ? Beaucoup de Maliens étaient partagés entre le doute et l’incrédulité. Se pouvait-il que cet homme que tous, ou presque, prenaient pour le sauveur du Mali, le modèle même du patriote soit corrompu ou couvre des corrompus ? Toutes ces questions et bien d’autres encore qui ne trouvaient pas de réponses du fait du silence lourd du Chef de l’État et de son entourage avaient créé un certain malaise d’autant plus que la corruption ne cessait de prendre, impunément, des propositions inquiétantes jamais égalées au Mali.
Ce n’est pas un hasard, loin s’en faut, si Tiébilé Dramé reprend du service pour charger encore plus le Président de la République sur des dossiers dont certains datent de 2015. Les tournées présidentielles à l’allure de campagne électorale et les manifestations de sympathie et de soutien à IBK, un peu partout, font prendre à celui-ci plusieurs longueurs d’avance sur les autres candidats à l’élection présidentielle du 29 juillet 2018. D’autant plus que le Chef de l’État ne cesse de clamer, partout où il passe, son patriotisme et son amour du Mali et des Maliens. Privée d’antenne à l’ORTM et pressée par la Haute Autorité de la Communication de ne rien entreprendre qui ressemblerait à une campagne anticipée, l’Opposition politique ne peut s’exprimer qu’à travers des conférences de presse, comme ce fut le cas ce mercredi, 25 avril 2018, à la Maison de la Presse.
Cependant il faut se garder de considérer la sortie de Tiébilé Dramé comme un coup politique. En effet, le Président du PARENA a été ministre de la République et Député à l’Assemblée nationale du Mali et est aujourd’hui un homme politique membre de l’Opposition politique reconnue par la Constitution du Mali. À ce titre il est le porte-parole d’une partie du peuple malien. Le traiter de « petit monsieur » ne saurait suffire pour dissiper le doute qu’il fait naître dans le cœur de tous les Maliens, toutes sensibilités confondues. A défaut du Président de la République, il revient au Premier ministre ou au Ministre de la Défense de répondre à toutes les accusations portées par le Président du PARENA à propos de l’achat de matériels militaires, sans mettre sur la place publique ce qui relève de la sureté nationale.
Tiébilé Dramé a joué son rôle d’opposant en informant les Maliens sur ce qu’il considère comme de graves manquements à la bonne gouvernance et au devoir de respect et de vérité vis-à-vis des Maliens. Il appartient maintenant au Président de la République, à travers les canaux appropriés, d’éclairer l’opinion publique nationale. Se taire ici c’est se compromettre et donner raison à la rumeur publique qui ne manquerait pas de se manifester. Cependant, il y a fort à parier qu’IBK se taise comme il l’a fait depuis maintenant cinq ans que son régime est soupçonné de couvrir une vaste opération de corruption. La communication a été le maillon faible de ce quinquennat finissant.
Excepté les occasions officielles, le Président de la République parle très peu à son peuple, celui qui l’a élu à 77,66% et qu’il s’apprête à solliciter pour un second et dernier mandat. Certains ont vite fait d’assimiler cela à du mépris. Ils ne sauraient avoir totalement tort. Dans un pays véritablement démocratique où existe le vote-sanction, on se serait hâté de répondre à des accusations relevant de la sécurité nationale, des accusations qui entachent l’honorabilité du Président de la République. Lorsqu’on est un élu du peuple, comme le Président, on a une exigence, un devoir de parole pour expliquer à celui-ci ce qui est fait en son nom avec son argent. L’estime de soi est ici dangereuse car il s’agit de l’argent public dont on dit qu’il a pu être détourné. Tiébilé Dramé a fait son boulot d’opposant politique. La parole est dans le camp présidentiel. Saura-t-on la prendre à la faveur de la campagne présidentielle ? Le peule du Mali attend.
Diala Thiény Konaté