Après les illusions patriotiques, souverainistes, panafricanistes, accompagnées d’une démolition systématique de la gouvernance de la meute d’assoiffés de pouvoir et d’argent facile agissant au nom d’une certaine démocratie obtenue à la faveur de la chute du régime dictatorial du général Moussa Traoré, les sauveurs du 18 août 2020 sont aujourd’hui confrontés à la dure réalité du pouvoir. Tout ce qui a été clamé haut et fort, au nom d’une fierté mal placée et d’une vengeance à géométrie variable, s’est effondré comme du beurre de Karité au soleil. Et le dernier retranchement, c’est l’imposition des mesures impopulaires au bout du fusil.Après l’euphorie des slogans creux, la réalité de l’exercice du pouvoir rattrape les autorités de la transition, dont le combat pour la refondation de l’État reste encore au stade des déclarations d’intention. La tension monte d’un cran. Les critiques acerbes fusent de tous les côtés. La gestion du pays est remise en cause. Les plus virulents se comptent parmi les soutiens de la transition. Ils se montrent plus exigeants dans leurs diatribes contre les militaires.
Ils exigent d’eux la réduction du train de vie de l’État, à un moment où le peuple souffre sous le poids de la flambée des prix des produits de première nécessité, du chômage, de l’insécurité, du manque d’opportunités pour une jeunesse tombée dans les travers de la vie et poussée à se jeter dans les eaux méditerranéennes à la recherche de l’eldorado, du mépris, de l’insolence et de l’arrogance de certains membres cooptés du Conseil national de transition (CNT). Ces derniers, aveuglés par les avantages indument perçus et sachant bien qu’avec les élections qu’ils ne pourront jamais siéger dans une mairie à plus forte raison une Assemblée nationale, sont devenus les bourreaux du peuple malien. Ils pensent rendent la monnaie à leurs bienfaiteurs qui se cherchent désespérément pour avoir mis le pays à genou.Tout porte à croire que le système politique de la transition, avec sa direction militaire, basée sur une administration bureaucratique et bourgeoise et qui n’autorise aucune forme de participation, est à la porte de Bérézina. Partout, c’est l’échec. Tout ce qui a été clamé haut et fort s’est effondré comme du beurre de karité au soleil. Le populisme, le patriotisme, le souverainiste, le panafricanisme, considérés comme des moyens de prise de conscience et de rejet de l’autre ne rêvent plus et se vendent plus. Ils sont presque à la poubelle de l’Histoire face aux mauvais exemples qu’offrent les dirigeants qui mangent à satiété dans les fonds publics et appellent les autres à la résilience. Elle semble atteint ses limites aujourd’hui, car le peuple ne souhaite plus entendre ce mot qui a permis à des femmes et des hommes de bien profiter des maigres ressources de l’Etat. Et à la moindre occasion, ils n’hésitent pas à jeter à la figure de ceux qu’ils appellent à la résilience: «Sacrifions-nous, le pays est en guerre».Pourtant, ils n’ont pas tort de parler de don de soi pour sauver la patrie assommée par les vrais faux démocrates et qui ne tient que par un fil du fait des menaces de toutes parts.
Mais, à la seule condition que si les sauveurs du 18 août 2020 s’étaient servis en derrière position en renonçant aux avantages et privilèges des institutions légalement mises en place. Ce sacrifice n’est pas de trop et ne sera pas de trop pour eux. S’il est vrai qu’ils sont arrivés au pouvoir pour redresser la situation politico-économique, mise en lambeaux par la gestion d’une meute d’assoiffés de pouvoir et d’argent facile, dont le seul mérité a été de confisquer la victoire des vrais acteurs du changement en 1991 pour leur auto-promotion. Si cet exemple de haute portée historique était venu du sommet de l’État, les critiques acerbes qui fusent de tous les côtés n’allaient pas trouver d’échos dans l’opinion nationale. Ne touche pas à mon fonds de souverainetéMalheureusement, elles continuent de desservir la transition militaire. Au point que l’exemple de patriotisme du capitaine Ibrahim Traoré, chef de l’État du Burkina Faso, fait tache d’huile. Il est adulé par beaucoup de nos compatriotes qui pensent qu’il se soucie du sort de son peuple. Ils voient en lui un homme désintéressé, intègre et déterminé à rendre heureux ses concitoyens à travers des actes de développement qu’il pose tous les jours. Pour la petite histoire, il ne perçoit que sa solde de capitaine. Tout le contraire de ce qui se passe au Mali, où les fonds de souveraineté sont devenus la chasse gardée des tenants du pouvoir. Et chaque année, les budgets prennent l’ascenseur au détriment des autres composantes de la société malienne, appelées à serrer la ceinture pour la défense de la nation. Et dans cette course effrénée à l’argent facile, comme au bon vieux temps des démocrates prédateurs, le code secret semblerait être: «Ne touche pas à mon fonds de souveraineté et autres avantages».
Cela est d’autant plus vrai qu’on ne parle même pas de diminution de ces fonds, malgré le mécontentement général qui se profile à l’horizon contre le train de vie de l’État très élevé sous la transition militaire qui devrait donner le bon exemple dans la gestion des affaires publiques.Et l’imposition de la mesure de la taxe sur les services téléphoniques au bout du fusil ne semble pas arranger les choses. Cela intervient après l’échec de concrétiser les promesses propagandistes. La relance du train s’est arrêtée à la porte de Bérézina. La lutte contre la corruption, un terrain sur lequel l’espoir était permis, est devenue sélective. Le temps est donné aux proches du pouvoir de prendre la poudre d’escampette pour se mettre à l’abri de la justice. Les scandales financiers de la société Énergie du Mali (EDM-SA), de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), impliquant des parents de tel homme fort du pouvoir, font foi. À l’EDM-SA, 4 milliards de F CFA ont disparu. Quant à la CMDT, il y a eu plus de 6 milliards de F CFA volatilisés.Aussi, les rapports des structures de contrôle ne disent-ils pas que la corruption à plus prospérer sous la transition que sous l’ère des démocrates crapules. Et les personnes qui s’adonnent à ces pratiques mafieuses qui consistent à faire sortir des milliards du Trésor public ne sont nullement inquiétés.
Certainement, ils bénéficieraient de la protection d’en haut. Souvent, à la grande surprise, ils bénéficient de la promotion au sein de la même administration au vu et au su de tout le monde. S’agissant de la déclaration des biens de certaines personnalités de la République, c’est la déception totale. Elles ne sont que quelques-unes à le faire. En 2023, cinq (05) ministres ont déclaré leurs biens sur un total de vingt-huit (28). Et les autres ? Cacheraient-ils le butin de la corruption ? Ou bénéficient-ils de quelle protection ?Ces scandales financiers et le comportement hautain et méprisant de certains membres du CNT cristallisent aujourd’hui le mécontentement général des Maliens. Et pour désamorcer cette bombe sociale, il serait bon de réduire le train de vie de l’État. Avant que les syndicats se mettent dans la danse. Déjà, l’après fête de ramanda annonce l’ébullition de front social. Les syndicats des banques et de l’enseignement supérieur ont déclenché les hostilités pour le mois d’avril en déposant des préavis de grève. Le Syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC) est à l’affût. Dans les jours à venir, il se prononcera sur l’éventualité de préavis de grève.Pourtant, le gouvernement peut encore prendre la perche en réduisant de 20% les indemnités des membres du CNT, des membres du gouvernement. Quant aux fonds dit de souveraineté, ils pourraient être remplacés par d’autres avantages. C’est à la seule condition que la transition militaire pourrait contenir la colère des Maliens, toujours prêts au sacrifice pour sauver leur pays, le Mali.
Yoro SOW
L’Inter de Bamako