Le combustible se fait de plus en plus rare. Si certains imputent la pénurie à l’hivernage, d’autres estiment plutôt qu’elle est due au départ des exploitants sur les sites d’orpaillage
Le charbon de bois est le combustible le plus utilisé par nos concitoyens. À Gao, il est incontournable dans la préparation des trois repas quotidiens. Outre les foyers, il fait partie des matières nécessaires aux tâches habituelles des restaurateurs, des blanchisseurs, des bijoutiers, des forgerons, des amateurs de thé vert de Chine.
Devenu indispensable dans la vie des ménages de la Cité des Askia, le charbon se fait actuellement rare sur le marché local. En conséquence, le prix est subitement passé de 3.500 Fcfa à 6.000 Fcfa. C’est presque le double. Depuis, chacun y va de son commentaire. «C’est la première fois à Gao que le sachet de charbon de bois qu’on achetait à 50 Fcfa est maintenant vendu à 100 Fcfa. Le prix du sac a grimpé de 3.500 Fcfa à 6.000 Fcfa», déplore Oumou Yattara. La vendeuse de brochettes et de sandwichs au 4è Quartier sur l’espace de «Certchila» pense que cette hausse inopinée est due à la spéculation à l’approche de la saison des pluies.
Mme Touré Alfadilatou Maïga, agent à la section administration du gouvernorat de Gao, pense plutôt que le problème est dû au fait que les exploitants de charbon de bois sont partis sur les sites d’orpaillage récemment découverts dans la région. Son collègue Aguissa Mohamed Touré se dit nostalgique de l’époque où le sac de charbon était vendu entre 2.500 Fcfa et 3.000 Fcfa. Souleymane Ongoïba, connu à Gao sous le nom de «Kada», en fait une autre analyse.
D’après lui, la cause de cette pénurie est que l’un des grands dépôts de charbon de bois, situé au 4è Quartier à Aljanabandia, a été réduit en cendre avec 20.000 sacs de charbon. C’était le 16 janvier dernier. Les pertes sont estimées à 100 millions de Fcfa. «Les clients potentiels de ce grossiste étaient les commerçants arabes qui exportent le charbon vers l’Algérie et les commerçants touaregs venant de Kidal», dit Souleymane Ongoïba qui accuse les spéculateurs de profiter de cette situation pour vendre le sac à 6.000 Fcfa.
Nous avons approché le directeur régional des eaux et Forêts de Gao qui fournit des explications sur la pénurie de charbon de bois à Gao. Le colonel-major Mamadou Bah soutient que les camions devant acheminer le charbon des sites de production pour la ville se sont reconvertis dans le transport de l’eau vers les sites d’orpaillage. En outre, dit-il, les bûcherons et les exploitants de charbon de bois retournent au bercail à l’approche de l’hivernage pour s’occuper des travaux champêtres. «Une grande quantité du charbon de bois qui arrive à Gao provient des Régions de Ségou, Mopti, Koutiala. Une partie vient de Gossi et Gao (Doro). La situation sécuritaire et l’état des routes pourraient décourager les transporteurs», ajoute-t-il.
Conséquence ? Toute la chaîne qui vit de cette activité semble broyer du noir. La boutiquière Fati Walet souligne à ce propos : «Auparavant, avec 100 Fcfa de charbon de bois, je pouvais préparer du riz à la sauce. à cause de la ruée vers l’or et de l’incendie qui a ravagé le dépôt de charbon de «Kada», le charbon de bois coûte plus cher que les céréales et la bombonne de gaz. Le paquet que j’achetais à 50 Fcfa est cédé à 100 Fcfa. Je suis alors obligée de débourser 300 Fcfa pour préparer la même quantité de nourriture».
Revendeur de charbon de bois au niveau du parcage à Gao, Ali Dicko est visiblement soucieux. Assis sur sa moto, il raconte : «Souvent, je pouvais acheter 100 sacs de charbon entre 3.500 et 4.000 Fcfa l’unité pour la revendre à 4.500 Fcfa. Je gagnais ma vie grâce à ce travail. à cause de la hausse du prix sur le marché, j’ai cessé cette activité pour le moment».
Rencontré près du dépôt d’Abdoulaye Maïga, Agaly Yattara est docker depuis plus de 27 ans. Avant, lui et ses collègues pouvaient décharger 300 sacs de charbon de bois à raison de 100 Fcfa l’unité. Chacun d’eux gagnait 3.500 à 5.000 Fcfa par jour. Mais avec la conjoncture, Agaly Yattara et ses compagnons passent toute la journée sans rien faire.
Abdourhamane TOURÉ
Amap-Gao
Source : L’ESSOR