rendez-vous a regroupé plusieurs chefs d’Etat dont le président Ibrahim Boubacar Keïta, autour des questions liées à la violence confessionnelle en Afrique
Le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta est arrivé vendredi après-midi à Bahir-Dar en Ethiopie. Il a été accueilli à sa décente d’avion par le président régional d’Amara, Gedu Andargachew, en présence de l’ambassadeur du Mali en Ethiopie, Boubacar Gourou Diall.
Le chef de l’Etat a confié à la presse qu’il a le plaisir de se retrouver dans ce pays berceau d’une grande civilisation pour parler et échanger avec d’autres chefs d’Etat de laïcité et de religion. Ces sujets, expliquera-t-il, sont aujourd’hui d’actualité dans les débats nationaux sur le continent africain voire dans le monde. Notre pays, dira-t-il, est toujours partant pour ce genre d’échange et de débat sur un sujet qui nous préoccupe actuellement. Echanger avec les autres, nous permet de mieux nous situer dans un débat général, a souligné le président Keita qui était accompagné notamment du ministre des Affaires religieuses et de la Culte Thierno Amadou Omar Hass Diallo et du président du Haut conseil islamique Mahmoud Dicko. «Ce forum s’il n’existait pas devait être créé», a lancé Ibrahim Boubacar Keïta pour qui cette rencontre donne en effet l’occasion de se pencher sur les questions de sécurité transversale en Afrique. «Tous les sujets concourent à la sécurité de nos Etats », a expliqué le président de la République.
Le forum de Tana sur la sécurité en Afrique se voulait à l’occasion de cette 4ème édition, une tribune d’échange et de partage d’expérience. Ainsi à Tana le président Keïta espérait profiter des bons exemples, des meilleures stratégies, présentés à travers les échanges. En effet, l’enjeu principal de ce forum était de débattre ensemble d’un problème majeur qui affecte actuellement le continent voire le monde, à savoir les menaces confessionnelles pesant sur la sécurité. D’où le thème de cette quatrième édition du forum de Tana : « Laïcité et instrumentalisation politique de la foi ».
Il s’agissait pour les participants de dégager des mesures concrètes qui s’imposent tout en montrant que la laïcité en tant que mécanisme de gouvernance peut être une arme efficace contre cette montée de la violence confessionnelle. Il est temps d’agir et de se mobiliser pour mettre fin aux atrocités commises par Boko Haram, les Chebab et les groupes terroristes qui sévissent au Nord de notre pays.
Dans son discours inaugural, Olusegun Obasanjo, le président du conseil d’administration du forum, a fait le point de l’état de la paix et de la sécurité en Afrique cette année en expliquant que les mouvements ou organisations qui se réclament d’un idéal religieux défraient la chronique du fait des violences qu’ils exercent contre l’Etat et les groupes et individus qui ne partagent pas leurs croyances et pratiques. Les activités de pareils mouvements religieux, a-t-il souligné, ont des répercussions sur la sécurité, la stabilité et l’essence de la laïcité que certains Etats s’efforcent de promouvoir.
Pour l’ancien président nigérian, la foi ne peut pas être imposée par la force et la crainte. La laïcité veut que les motivations religieuses et politiques soient distinctes les unes des autres et que la politique soit non confessionnelle, et qu’en conséquence la religion soit plutôt une affaire privée.
Pour les fondamentalistes, déplorera-t-il, la religion devrait régir les affaires publiques, voire être reconnue comme l’unique base du pouvoir légitime. Il est clair que la croyance se politise lorsque les considérations religieuses investissent l’arène politique.
Olusegun Obasanjo a fait remarquer que la laïcité absolue est un vœu pieux puisqu’il n’y a aucune société où il y a une séparation très claire entre les religieux et les politiques. Les valeurs et les vertus qui font partie de notre vie privée ont une incidence sur notre vie politique et publique. Il a conseillé que face à la montée violente de l’extrémisme religieux sur le continent, il est bon que les uns et les autres dégagent des stratégies les plus prometteuses en matière de riposte étatique à ces menaces.
Cette intervention de l’ancien chef de l’Etat nigérian a lancé les débats des chefs d’Etat. Le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta a axé son intervention sur les agissements des bandits armés au Nord de notre pays. Pour lui, rien ne peut justifier la présence des djihadistes dans notre pays fortement islamisé.
LE DOSAGE INTELLIGENT DE DEUX PHENOMENES. « Comment comprendre que les gens viennent dans notre pays avec la prétention d’islamiser le Mali ? C’est un mensonge absolu. Comment expliquer l’occupation d’une ville comme Tombouctou qui est connue à travers le monde comme un centre de rayonnement culturel où tous les arts et toutes les sciences étaient enseignés ? Comment vouloir imposer à ce peuple l’islam ? Quel Islam dans ce cas ? », s’est interrogé le président de la République.
Par ailleurs, il a pointé du doigt la recrudescence du phénomène du racisme dans le monde. Selon lui, quand un musulman arabe commet un forfait tout de suite ce n’est pas lui c’est sa communauté partant sa religion qui sont indexées. Ibrahim Boubacar Keïta pense qu’il y a trop d’amalgame, trop de confusion, trop d’intérêts qui s’entremêlent aux questions objectives qui sont posées. Cependant, expliquera-t-il, tout ce qui interpelle l’homme dans la cité interpelle aussi le religieux. « C’est justement l’intelligence du dosage de ces deux phénomènes qui fait la différence », a-t-il souligné. Que faudrait-il faire maintenant ou plus précisément quelles sont les mesures essentielles à prendre au niveau national, régional et continental ?
Les panelistes n’ont pas manqué de dégager des pistes de solution. Le président de la République a proposé le temps d’un dialogue apaisé, le temps de la sérénité, d’un effort intelligent de compréhension plus profonde des phénomènes ambiants. Des concepts qui, de son avis, aideraient beaucoup à faire avancer le monde.
Beaucoup d’intervenants ont proposé la promotion de la laïcité en tant que mécanisme de bonne gouvernance. Elle peut être une arme efficace pour freiner l’escalade de violence, ont-ils soutenu. Cependant il revient aux autorités d’exercer un contrôle rigoureux qui permettrait de faire la différence entre les motivations religieuse et politique. La première relève du privé et le second du public.
Au cours des échanges, un accent particulier a été mis sur la nécessité pour les Etats de renforcer les systèmes laïcs existants.
Pour sa part, le président du Haut conseil islamique du Mali, Mamoudou Dicko, a estimé que la laïcité est effectivement synonyme de stabilité car toutes les composantes de la société s’y retrouvent. Cependant il faut donner un contenu à cette laïcité car elle ne veut pas dire nier la religion, le fait religieux étant une réalité.
De son point de vue, la laïcité doit ménager l’espace de telle sorte que tout le monde puisse trouver son compte sans nuire à l’autre. Il s’agit de la survie et de la gouvernance des peuples qui aspirent à la paix et au développement. La religion est le soubassement, elle donne des conseils et des recommandations, soutiendra-t-il.
Le forum a demandé aux Etats de faire en sorte que les considérations religieuses n’investissent pas l’arène politique. Autrement dit que la croyance religieuse cesse de se politiser.
La 4è édition du forum de Tana a regroupé, en plus du président Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier ministre éthiopien Hailé Mariam Dessalegn, les présidents rwandais Paul Kagamé, kenyan Uhuru Kenyatta, ougandais Yoweri Museveni.
M. A. Traoré
Envoyée spéciale
source : L Essor