La compétition regroupera vingt-quatre clubs répartis selon des critères géographiques, issus de seize pays classés en trois groupes de huit.
Enterrée avant même sa création en Europe, la Super Ligue verra finalement bien le jour… en Afrique. Patrice Motsepe, le président de la Confédération africaine de football (CAF) a annoncé, mercredi 10 août à Arusha, en Tanzanie, le lancement, en 2023, de cette compétition qui regroupera vingt-quatre clubs issus de seize pays du continent. « Il faut que le football africain de clubs puisse rivaliser avec les meilleurs », a justifié le dirigeant de la CAF.
En 2021, douze formations européennes, dont le Real Madrid, Manchester United, la Juventus Turin et le FC Barcelone, s’étaient mis d’accord pour monter une compétition similaire, rassemblant le gratin du football européen. Mais le projet, présenté à la mi-avril, avait soulevé une telle bronca que ses initiateurs avaient dû faire marche arrière.
Côté africain, l’idée de Super Ligue est moins polémique. C’est Gianni Infantino, le président de la FIFA, qui l’a le premier évoqué, en novembre 2019, à l’occasion d’un déplacement en République démocratique du Congo, puis en février 2020 lors d’un séminaire au Maroc. Elu à la tête de la CAF en mars 2021, Patrice Motsepe s’est rapidement rallié au projet. Une étude de faisabilité a été lancée en 2021, suivi de consultations auprès des principaux acteurs du football africain.
Un Super Bowl à l’africaine
On connaît désormais les contours de la compétition. Lors de la première phase, les vingt-quatre équipes seront réparties selon des critères géographiques – Afrique du Nord, Afrique centrale et de l’Ouest, Afrique du Sud et de l’Est – en trois groupes de huit, ce qui représentera quatorze matchs pour chacune d’entre elles. Les cinq premiers de chaque groupe et le meilleur parmi les sixièmes seront qualifiés pour les huitièmes de finale.
A ce stade, le principe des zones géographiques sera abandonné. Au total, 197 matchs seront disputés, dont la finale qui devrait se tenir sur terrain neutre, et que la CAF a déjà présentée comme un Super Bowl à l’africaine, une allusion à la finale du championnat de football américain.
D’après Patrick Motsepe, la Super Ligue sera dotée de 97 millions d’euros, grâce aux sponsors et aux droits de diffusion. Une somme qui sera distribuée aux clubs engagés. Chaque participant recevra lors de la première édition 2 420 000 euros. Le vainqueur de la compétition empochera 11 100 000 euros. A titre de comparaison, la conquête de l’actuelle Ligue des champions africaine rapporte 2 420 000 euros et celle de la Coupe de la confédération 1 210 000 euros.
Des clubs comme l’Espérance de Tunis (Tunisie), le Wydad de Casablanca et le Raja de Casablanca (Maroc), la JS de Kabylie et l’ES de Sétif (Algérie), le Zamalek et l’Al-Ahly (Egypte), l’Enyimba (Nigeria), le TP Mazembe et l’AS Vita Club (RDC) ou des formations sud-africains comme les Orlando Pirates ou les Mamelodi Sundows, qui ont tous remporté au moins une fois la Ligue des champions, ont de fortes chances d’intégrer la liste des vingt-quatre.
Un « risque de creuser les inégalités »
Si on est loin de l’hostilité presque unanime qui avait prévalu en Europe il y a un an, le projet a, pour le moment, reçu un accueil mitigé sur le continent africain. Ainsi, l’ex-star camerounaise Roger Milla ne cache pas son scepticisme. « Il aurait sans doute été préférable d’améliorer les deux compétitions qui existent déjà [à savoir la Ligue des champions d’Afrique et la Coupe de la CAF], plaide l’ancien buteur des Lions indomptables. Avec cette Super Ligue, j’ai peur qu’elles soient au contraire de moins en moins attractives. »
C’est également la crainte du dirigeant d’un club ouest-africain interrogé par Le Monde Afrique, pour qui cette Super Ligue « risque de creuser les inégalités ». « J’attends avec impatience, glisse-t-il, de voir quels sponsors majeurs vont s’investir car, d’après ce que l’on sait, la CAF n’est pas dans une très bonne situation économique. Et elle joue gros avec ce projet. »
Le Tunisien Nabil Maâloul, qui entraîne l’Espérance de Tunis, se montre moins catégorique : « Les meilleures équipes africaines vont y participer, ce qui donnera lieu à des matchs de haut niveau. Cela devrait attirer du public. Mais j’aimerais que cette ligue ne soit pas totalement fermée et que ce ne soit pas toujours les mêmes équipes qui s’affrontent. »
L’ancien sélectionneur des Aigles de Carthage, qui s’interroge sur « la viabilité à terme de la Ligue des champions et de la Coupe de la CAF », prône un ruissellement des recettes générées par cette nouvelle compétition. « Il faut que cela profite à l’ensemble du football africain, pas uniquement à quelques-uns », souligne-t-il.