Depuis quelques jours, l’atmosphère sociale se surchauffe au Mali entre politiques et soutiens de la transition. Après deux activités sabotées la semaine dernière, les partis politiques, sous couvert de défendre la démocratie, projettent d’occuper la place de l’Indépendance le vendredi 9 mai prochain. Vu la tension entre les deux parties et les échauffourées des derniers jours, l’État doit prendre toutes ses responsabilités pour éviter le pire à ce pays déjà fragilisé par de multiples crises. Au-delà des clivages idéologiques, il est urgent de préserver le peu de cohésion entre les Maliens.
Le bras de fer entre la classe politique et les plus hautes autorités de la transition autour de la relecture de la charte des partis politiques est en train de prendre une tournure inquiétante. Après deux activités sabotées par des soutiens à la transition la semaine dernière, les partis politiques ont lancé un nouvel appel à mobilisation pour occuper le boulevard de l’Indépendance le vendredi 9 mai 2025. Un évènement à haut risque qu’il faut étouffer dans l’intérêt supérieur du Mali et pour préserver le peu de cohésion qui existe encore entre les Maliens. Il faut noter que « les ennemis du Mali » n’attendent que cette occasion pour rejouer le scénario de 2012, où les groupes armés et leurs sponsors terroristes ont profité de la tension à Bamako pour occuper les deux tiers du territoire national.
Aujourd’hui, l’atmosphère sociale est crispée autour de la question de la relecture de la charte des partis politiques, censée être déjà traitée par les Assises nationales de la refondation, qui recommandent expressément : la réduction du nombre de partis politiques en appliquant des conditions restrictives de création et de financement ; la relecture de la Charte des partis politiques, avec une réaffirmation du statut du chef de file de l’opposition, et l’interdiction du nomadisme politique en cours de mandat.
Au Mali, nul ne peut contester la légitimité de ces recommandations, vu le nombre de torts que cette forme d’exercice politique a causés par le passé, autant sur les institutions de la République que sur le peuple que la politique elle-même est censée servir.
Le système démocratique de plus en plus impopulaire
Bien que la démocratie ait apporté la liberté de la presse, la liberté d’opinion, d’expression et d’association, il est important qu’à côté de ces acquis, les acteurs politiques acceptent aussi de se remettre en cause personnellement. Car tout ne peut pas être uniquement de la manipulation. Si la population s’agite autant aujourd’hui contre la gouvernance démocratique, un régime que les Maliens ont défendu au prix du sang ou du sacrifice ultime de leur vie il y a trente ans, c’est qu’à un moment donné, certains acteurs politiques qui ont eu la chance de diriger ce pays ont déçu par leur mauvaise gouvernance, marquée très souvent par la corruption, le favoritisme, l’injustice et autres. Donc, loin des considérations partisanes et de l’égo, la classe politique doit, en toute responsabilité, chercher à rétablir cette confiance brisée en reconnaissant d’abord ses faiblesses et en proposant de nouvelles alternatives à un peuple qui aspire à un changement.
La politique du siège vide réduit la voix de la classe politique
On ne peut prétendre à un changement dans une entité dont on ne fait pas, soi-même, partie. Il faut être dans une organisation pour imposer sa vision, dit-on. Mais en politique, cette logique ne semble pas bien comprise, et cela n’est pas toujours sans conséquence. « Claquer la porte » ou « laisser son siège vide », comme aiment généralement le faire les partis politiques lorsqu’ils ne sont pas d’accord sur un sujet, ne profite qu’à leurs adversaires.
Donc, une vérité est que le gouvernement aime imposer sa volonté ; l’autre réalité est aussi que les partis politiques aiment répondre par leur absence lors des rendez-vous de prise de décisions. Sur 297 partis politiques invités pour convenir des modalités de mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation sur le sort des partis politiques, selon le gouvernement, seulement 137 ont réagi. Les 160 autres sont restés muets sur la question, obligeant ainsi le gouvernement à se tourner une nouvelle fois vers les forces vives de la Nation afin de lever l’obstacle à la mise en œuvre.
Nécessité pour le gouvernement de prendre ses responsabilités, loin de toute manipulation partisane
Le Mali vit une crise multiforme sans précédent depuis une dizaine d’années. Le climat social reste toujours très fragile. Donc, tout le monde, y compris les plus hautes autorités de la transition, doit mettre le Mali au-dessus de tout. Les plus hautes autorités du pays, qui ont en charge de conduire la période exceptionnelle de transition, ont la lourde responsabilité de fédérer tous les Maliens malgré leurs divergences personnelles. Elles doivent surtout se remémorer que le soutien dont elles bénéficient auprès de la population aujourd’hui n’est pas éternel, et les différents régimes successifs en sont une illustration parfaite. Le soutien du peuple est toujours relatif, c’est-à-dire jusqu’à ce que le redressement soit à ses portes.
Ceci dit, qu’en toute responsabilité, elles doivent se désolidariser des sentiments spontanés pour veiller à la bonne marche de la transition.
Issa Djiguiba