Le motocycliste se voyait contraint le prendre le vélo en échange. Une sévère correction que les coupeurs de route l’infligeaient pour avoir osé franchir la porte de sa maison sans le moindre sou en poche.
Le chemin sinueux conduisant de Tiéguéna à Mountougoula, après que les dernières lueurs du jour s’évanouissaient en emportant avec elles le dernier jour de l’année, les coupeurs de route étaient déterminés à finir 2020 en beauté. Un cadeau attendait un conducteur de vélo qui a préféré ce raccourci, du reste moins poussiéreux puisque moins fréquenté. Mal lui en prenait. Dès les dernières habitations de Tiéguena dépassées, deux hommes armés lui barraient la route. Jeté à plat ventre, il était minutieusement fouillé. Leurs espoirs n’étaient aucunement déçus. Si le téléphone n’était pas digne d’intérêt – leur expertise en déduisait que même vendu il ne rapporterait pas 2. 000 F CFA parce que trop classique et trop vétuste au point qu’il fallait avoir des yeux perçants pour lire quoique ce soit sur l’écran – les deux malfrats se gardaient bien de cracher sur quelque 100.000 F CFA dissimulés dans le double fond d’une petite culotte portée sous un pantalon moulant Jeans.
Avaient-ils ce don de voir l’invisible ? Ou la longue pratique leur avait donné toutes les ficelles d’un métier à haut risque ? Après avoir respiré la liasse de billets de banque en coupures de 10. 000 F CFA et au moment de libérer la victime le phare d’une moto se rapprochait. Vite, un guet-apens se préparait à l’abri des regards du motocycliste à qui ils demandaient de patienter un peu.
Une patience qu’il n’allait pas regretter plus tard. A l’inverse de la première victime, le motocycliste n’avait pas un rotin en poche. Et sa moto Djakarta assimilé à un cercueil roulant ne donnait pas envie de s’en encombrer. Ulcérés ils se mettaient à lui administrer des coups de cravache. Mais la « punition » ne s’arrêtait pas là. Un étrange échange s’en suivait : le vélo contre la moto.
Rarement, on voyait le visage d’un jeune homme changer en quelques secondes d’expression. Ses yeux avaient eu des reflets d’acier. Sa voix perdaient toute sa force, devenait douce, implorait le pardon de ses braqueurs, parlait de long chemin à parcourir. Peine perdue. Seulement, on lui signifiait que cet échange trouvait sa justification dans la volonté de lui administrer une sévère correction pour avoir osé sortir de sa demeure un 31 décembre sans le moindre sou en poche.
A la douceur de sa voix se substituait la révolte, des propos les plus acerbes. Il avait trop longtemps roulé sa bosse dans plusieurs chantiers, autant d’efforts pénibles soldés par l’acquisition d’une moto de seconde main qui s’éloignait, sans qu’il ait les ressorts de l’attraper.
Contre mauvaise fortune, il finissait de faire bon cœur en enfourchant le vélo. Et à son tour, il quittait les lieux, laissant seuls les bandits réserver d’autres surprises désagréables à leurs victimes
Georges François Traoré
Source: L’Informateur- Mali