Cet article de Dia Sacko s’attellera à décrypter le rapport de 36 pages de Marie Rodet dont la récente publication du résumé par Benbere soulève le débat. Sur les espaces de débat, il est reproché à l’universitaire française de jouer à l’experte sans mandat.
Le rapport scientifique de Madame Rodet revient sur les engagements du Mali vis-à-vis de la femme dans l’accord issu du processus d’Alger dont l’article 46 préconise l’intégration « des femmes, des jeunes et des populations vulnérables, au risque sinon de renforcer un système judiciaire historiquement défavorable à ces populations » pour mieux rapprocher la justice aux justiciables. Ainsi que les différentes mesures et ratifications du Mali en matière d’engagement en faveur des femmes depuis 1985.
« Au nom de la mère »
Après plusieurs années de tractations en faveur de la paix, qu’en est-il de la femme au cœur du processus ? Le rapport de Madame Rodet relate les tiraillements existants entre les ratifications internationales et les réalités socio-culturelles et politico-religieuses. Toutefois, il est à souligner que l’une des valeurs fondamentales de notre société place la femme-mère-au cœur de l’équilibre de la société. N’entend-on pas les hommes répondre « Ounba » (« au nom de ma mère »), en bamanakan, pour répondre aux salutations d’usage ?
Donc placer la femme dans son légitime rôle nous évitera bien de griefs des assauts des temps modernes. C’est le combat de certains hommes de droit et des associations féminines, jusqu’ici incomprises ou volontairement réduites au silence. Malgré tout, les avancées sont considérables : certains hommes portent le combat où les femmes sont inaudibles, et celles arrivant à briser le plafond de verre, pour se faire entendre par les jeunes femmes, portent au-delà des frontières la parole de la femme malienne. Mais combien sont-elles ?
Injustice étatique et sociale
La femme fragilisée à la confiance en soi ébranlée, croulant sous le poids de la pression sociale, comme cette phrase « éduquez bien vos filles car elles sont les futures gardiennes du temple », sans lui avoir donné les clefs bien sûr, s’autocensure dès le berceau, subit et, de ce fait, subit l’injustice étatique qui se confond parfois avec l’injustice sociale.
Instruire une femme, c’est instruire une famille, une communauté, un pays. Car la société est la somme des habitus familiaux, qui s’expriment en un seul lieu commun, l’espace public, lieu de socialisation et d’interaction. Dans ces mêmes fondements culturels, les hommes sous l’arbre à palabre se réfèrent à elle, la nuit portant conseil, « car parfois ce que la barbe murmure, lui a été soufflé par la tresse ». La barbe symbolisant l’homme et la tresse la femme. Alors, pourquoi les lois en faveur de la femme, les mesures pour l’inclusion de la femme dans le processus de paix ne s’appliquent guère ?
Certains me répondront que le triumvirat constitué récemment pour conduire le dialogue inclusif social compte bien une femme en la personne de Madame Aminata Dramane Traoré. Nous attendons avec impatience les conclusions de ce collège de sage. Avec tout le respect que je dois à cette éminente intellectuelle, serait-elle représentative de la femme malienne des milieux ruraux, les plus fragilisées par la crise multisectorielle depuis 2012 ?
Toutes les rencontres sont faussées par la simple réalité que ceux qui représentent les populations en parlant en leur nom ne sont pas souvent représentatifs voire légitimes, car souvent hors sol des préoccupations réelles.
Société en crise
Toute société en crise révèle la précarisation des couches les plus fragiles. De quoi parle le rapport de Marie Rodet ? Une schématisation qualitative et quantitative de la condition des femmes maliennes. Avec le recul de la justice étatique, les droits de la femme ont reculé aussi. Les derniers chiffres des crimes conjugaux sont symptomatiques d’une société en profonde crise.
Pour autant, la lutte effective contre les violences basées sur le genre n’a pas reculé. Inclure la femme dans un processus amène à placer la victime en position de chercheuse de solution. Certainement, le fait que les solutions ne soient pas susurrées par la barbe, mais trouvées par la tresse elle-même, nous conduira vers des solutions durables. Les clefs sont là, à nous de les exploiter ! Remettre les clefs à la gardienne du temple hors de toute considération symbolique.
Les femmes maliennes, africaines souvent multitâches, ont été porteuses de solutions dans nos sociétés ante et post-modernes pour le maintien de la cohésion sociale. Les mécanismes ne sont pas ignorés. Si nous voulons replacer l’humain au cœur de nos solutions, placer la femme dans son rôle seraient 50 % de gain dans le progrès.
Il est, dans le fond, question de ces vérités à propos des femmes maliennes. Une scientifique l’exprime à la suite, une malienne confirme par le vécu. Plaçons la femme au cœur du débat, non sans elle mais avec elle.
Source : benbere