Le ministre de l’Environnement, de l’assainissement et du développement durable, Mme KEITA Aida M’BO, est en tournée depuis le jeudi dernier dans la région de Kayes qui a la mauvaise réputation de « zone destructrice de l’environnement ». L’objectif de la mission est de permettre au ministre d’aller constater de visu la mise en œuvre de certains projets, de s’enquérir les difficultés qui entravent l’accomplissement des missions de ses services techniques.
Dans le cadre de cette mission, le vendredi dernier, la délégation du ministre comprenant le Directeur national des Eaux et forêts, Mamadou GAKOU ; le Directeur national de l’Assainissement, du contrôle de la pollution et des nuisances, Yaya KONATE ; le Directeur Adjoint de l’Agence du Bassin du fleuve Niger, Moussa DIAMOYE ; ainsi que des conseillers techniques dudit département ministériel, a visité la forêt classée de Paparah. Cette visite a été conduite par le Directeur régional des Eaux et forêts de Kayes, Alfousseyni SEMEGA, accompagné également d’une forte délégation des autorités régionales.
Vers la réhabilitation de la 1e forêt classée
Dans le cadre de la réhabilitation de la forêt classée de Paparah, le Conseil communal et le service des Eaux et forêts ont initié une vaste opération annuelle de reboisement sur le site. Cette opération vise à reverdir cette réserve dont la superficie est estimée 627 hectares. Présentement, à le voir, ce site ne donne pas l’impression d’une forêt classée. On y trouve peu d’arbres. Pour autant, selon le chef de cantonnement des Eaux et forêts de la région de Kayes, Idrissa MAIGA, ce site est la 1e forêt classée du Mali créée en 1935.
«Avec les agressions de l’homme, il n’en restait plus grand-chose. La population a coupé presque tous les arbres. C’est pourquoi, nous avons jugé utile de réhabiliter la forêt », a expliqué M. MAIGA.
Mais l’inquiétude principale exprimée par le forestier est la prédation des terres de cette forêt par des individus munis des titres fonciers attribués par le domaine de l’Etat.
« On ne peut pas comprendre que sur une forêt classée des autorités se permettent d’octroyer des titres fonciers. Or, la loi ne permettait pas d’octroyer un titre foncier privé sur une forêt classée. C’est pourquoi, ces titres fonciers, nous n’allons pas les reconnaître jusqu’à preuve du contraire», a déclaré le responsable forestier, tout en sollicitant l’implication personnelle du ministre afin que cette situation cesse et de permettre à l’environnement de rentrer en possession de ses terres.
De son côté, le ministre Mme KEITA Aida M’BO, consciente des menaces qui planent sur nos forêts classées, a d’abord salué et encouragé l’initiative locale de réhabilitation de la forêt de Paparah avant de répondre à la préoccupation et à l’interpellation de M. MAIGA. Selon elle, le problème d’occupation anarchique et illégale des forêts classées et des domaines protégés constitue une préoccupation générale dans toutes les régions. Et, l’une des mesures que le département a trouvée, a-t-elle fait savoir, est d’aller à la délimitation et à l’immatriculation de toutes les forêts classées en République du Mali.
« Nous allons immatriculer toutes les forêts classées du pays, c’est la seule solution dont on dispose présentement. Je pense que cela permettrait de minimiser en grande partie le risque de prédation. Déjà, il y a des forêts qui ont été immatriculées et le processus va se poursuivre jusqu’à la délimitation et à l’immatriculation de toutes les forêts », a rassuré le ministre de l’Environnement.
Par ailleurs, elle a beaucoup insisté sur le reboisement pour reverdir la région de Kayes qui sera l’un des moyens pour la localité de faire face aux conséquences du changement climatique. Et, avant de lever l’ancre, elle a procédé à la plantation de plusieurs pieds d’arbres.
Un condensé de problèmes environnementaux
En marge de la visite dans les services techniques de son département, le ministre a tenu un brainstorming, dans l’après-midi, avec l’ensemble des acteurs de la chaîne de la protection de l’environnement et de l’assainissement, avec la présence du gouverneur de la région. Au cours de cette rencontre, les acteurs ont largement parlé de leurs difficultés puis partagé les expériences réussies en matière de la protection de l’environnement, de façon générale.
Le gouverneur de la région de Kayes a introduit la rencontre par une présentation sommaire de la situation de l’environnement et de l’assainissement de la localité. Il a indiqué que Kayes est confrontée à de sérieux problèmes environnementaux. Cela est dû, à son avis, aux activités d’extraction de l’or par les grandes industries, les orpailleurs et le dragage ainsi que la coupe abusive de bois.
« À la recherche de l’or, on utilise tous les produits chimiques. L’orpaillage menace la vie des populations riveraines des sites. La coupe abusive est en train de menacer la végétation dans certaines localités de la région comme à Kénièba. Quant au dragage, il est en train de menacer la survie de certaines espèces aquatiques. Que dire aussi de la ménagère qui, au réveil, brule les déchets de la famille. C’est dans ce contexte que nous vivons à Kayes », a brossé la situation le chef de l’exécutif de la région qui dit s’inquiéter des conséquences écologiques et sanitaires de ces activités.
Il trouve que c’est de l’incivisme que des permis soient délivrés au nom de l’État pour l’exercice de ces activités.
« En plus de ces problèmes, nous attirons également votre attention sur le danger écologique de la présence de l’usine de cimenterie de Diamou et la présence de la centrale de combustibles lourds à Kayes. Je m’inquiète pour ces combustibles, car elles peuvent exploser à tout moment avec la forte chaleur de la région », a prévenu Mahamane MAIGA afin que des mesures de prévention soient prises à temps.
Pour le ministre de l’Environnement, la région de Kayes est un concentré de problèmes environnementaux. Ce qui se passe à Kayes ne peut réjouir aucune personne soucieuse de la protection de l’environnement, a-t-elle fait savoir.
Des actions en vue pour interdire le dragage
Pour protéger le peu des ressources naturelles qui restent, Mme KEITA Aido M’BO a annoncé des mesures draconiennes qui vont être prises contre la dégradation de l’environnement. Il va s’agir, selon elle, à travers ces mesures, de combattre l’abatage énorme des bois ; d’interdire carrément le dragage sur nos cours d’eau et d’encourager le développement des ressources renouvelables.
« En synergie avec les autres départements ministériels, nous allons faire une descente de terrain pour aller sur les sites de dragage et l’interdire même s’il le faut avec la force », a-t-elle déclaré. Car dit-elle, il n’est pas possible que l’on laisse des étrangers venir polluer notre environnement avec des produits chimiques interdits d’utilisation chez eux.
Ces mesures ne feraient effet positif, selon le ministre de l’Environnement, que lorsque les agents forestiers joueront pleinement leur mission. D’autant plus que des agents forestiers sont accusés d’être eux-mêmes d’être les complices des « bourreaux de la nature ».
« Il faut que les agents de l’environnement se sentent d’abord concernés par la protection de l’environnement et mettent leur travail au-dessus de tout. Aussi, nous allons veiller à l’application intégrale et rigoureuse des textes de la gestion de l’environnement. Désormais, il faut que les mauvais agents qui ternissent l’image du département soient sanctionnés», a-t-elle ordonné.
Dans tous les cas, selon le ministre, les ressources naturelles doivent nous servir dans notre développement et non de nous détruire.
Après le cercle de Kayes, la mission s’est rendu Bafoulabé.
Nous y reviendrons.
Par Sikou BAH
Source: info-matin