L’obtention de la fiche individuelle, qui fait office de carte Nina, est un vrai parcours du combattant pour nos compatriotes. Le processus de numérisation déjà enclenché pour l’acquisition de ce document devrait contribuer à la réduction de l’affluence au niveau des mairies
Il est 8 heures devant la mairie de la Commune I du District de Bamako, à Korofina. Une foule nombreuse, visiblement écœurée et désemparée, prend d’assaut l’entrée principale et la cour de l’Hôtel de ville. Les yeux rougis, visages ternes et voix presque inaudibles, la plupart d’entre eux y ont presque passé la nuit. Exposés à la fraîcheur et aux piqûres des moustiques, ils ne tarderont pas à laisser paraître leur colère.
«Quelle souffrance ! Je n’en peux plus. Je suis ici depuis 4 heures du matin, mon enfant au dos. Ils viennent de nous libérer sans avoir réglé le problème pour lequel je suis ici. Il fait trop froid maintenant. J’ai allumé du feu pour réchauffer un peu le corps de mon enfant afin de pouvoir tenir avant que les travailleurs de la mairie n’arrivent. Si je quitte le rang pour manger, je risque de perdre ma place. C’est la cinquième fois que je reviens ici à un mois d’intervalle», peste Koura Ballo contre l’indifférence des agents chargés de l’enrôlement des usagers.
Cette dame apparemment tenace cherche à pouvoir déposer ses papiers pour obtenir la fiche individuelle. Ce matin, c’est son mari lui-même qui l’a déposée à la mairie très tôt. «C’est juste pour le dépôt. J’étais la 149è personne dans un rang de 300 personnes, mais ils ont seulement pu prendre les dossiers de 99 personnes. Si je quitte ici aujourd’hui, je n’y reviendrai plus jamais malgré le besoin pressent et l’importance de la fiche individuelle pour moi», confie Koura Ballo.
Si elle n’a pas voulu dévoiler le motif pour lequel elle se plie à quatre pour obtenir le sésame en un délai relativement court, l’étudiant Jean Paul Guindo, l’air désespéré, avoue ses intentions. Il dit tenir à l’avoir afin de pouvoir participer au prochain concours de recrutement de la protection civile à venir. Pour ce faire, il a déposé en janvier sa demande pour l’obtention de la fiche individuelle. «On m’a donné rendez-vous au mois de mars prochain. Le concours aura lieu courant février. Donc, je ne pourrais pas y participer», désespère-t-il.
Le Recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec) est un devoir pour tout citoyen. Outre la sécurité et la sécurisation de la personne recensée, il permet à l’état de disposer de statistiques fiables à jour sur le nombre de la population. Toute chose indispensable pour tenir compte des besoins de nos concitoyens recensés lors de l’élaboration des projets et politiques de développement, et de planification stratégique en matière de développement socioéconomique du pays. En la matière, tout le monde peut faire le Ravec et avoir sa fiche individuelle. Et il n’y a pas de question d’âge. Qu’est-ce qu’il faut alors pour se faire enrôler ?
Il suffit de se rendre à la mairie de sa Commune, muni de son extrait d’acte de naissance. Les agents en place effectuent l’enrôlement, prennent la photo et délivrent un récépissé certifiant que la personne a été enrégistrée. C’est ce récépissé que l’intéressé présentera le jour du rendez-vous pour retirer sa fiche individuelle. Celle-ci est nécessaire pour l’obtention de la carte Nina. Pour être détenteur de la carte Nina, il faut avoir 15 ans au minimum pour pouvoir prendre la photo. Le processus de confection de la carte peut prendre du temps. Quant aux enfants de 0 à 14 ans, ils ne sont pas concernés par la prise de photo.
INNOVATION DE TAILLE-Pour comprendre davantage la situation, nous nous sommes rendus au Centre de traitement de données biométriques (CTDB). Simbo Keïta en est le directeur général depuis quelques semaines. Le calvaire que vit la population fera partie du passé dans les jours à venir, assure-t-il. Car un système est déjà en place pour l’amélioration des modalités d’accès à la fiche individuelle. Pour lui, il est accessible à tous les Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur.
En effet, les demandes d’acquisition de ce document peuvent se faire désormais via l’adresse électronique : Fidi@ctdec.ml ou via l’application de messagerie gratuite WhatSapp au (+223) 79.77.24.10, révèle Simbo Keïta. Pour ce faire, l’acte de naissance et le formulaire dûment rempli (recto, verso) scannés sont joints au message contenant les informations. La fiche descriptive individuelle sera transmise à son titulaire à travers le canal utilisé lors de la demande, explique-t-il, ajoutant que la fiche individuelle est personnelle et ne peut être récupérée que par son titulaire.
Un souci de moins pour les Maliens, notamment nos compatriotes vivant à l’extérieur. Car l’accès à la carte Nina et autres pièces d’état civil étaient des préoccupations de premier plan que nos compatriotes avaient soumis au président de la Transition lors de sa toute première sortie à l’extérieur du pays, après sa prise de fonction. Le recensement et la délivrance des fiches individuelles sont un service public. Le ministre en charge de ces questions, présent dans la délégation, a promis la numérisation de tout le processus pour soulager nos compatriotes. Le lancement, fin janvier dernier, du site internet : www.etatcivil.ml s’inscrit également dans ce cadre.
Rappelons que le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en vue de faciliter la délivrance des fiches descriptives individuelles Nina, a entrepris la déconcentration de leur remise à travers la mise en place de Cellules techniques d’accueil citoyen (CTAC). Au cours du mois d’octobre 2019, les CTAC ont été créées dans les six communes du District de Bamako. Conformément à son ambition de doter chaque chef-lieu de cercle du Mali d’une CTAC, dix-sept cercles du pays, à savoir Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Taoudénit, Ménaka, Nioro, Kita, Dioila, Nara, Bougouni, Koutiala, San et Kati ont été dotés d’une CTAC, entre janvier et mars 2020, précise le site internet de la direction nationale de l’état civil : www.dnec.gouv.ml. Cette réforme vise à assurer un service de qualité et de proximité à l’ensemble des citoyens maliens.
Concernant le processus de délivrance de la fiche descriptive individuelle dans les cellules d’accueil citoyen, le demandeur est reçu sans frais par l’agent de la cellule technique d’accueil citoyen, sur présentation de la photocopie de sa carte Nina, de son récépissé d’enrôlement ou de son extrait d’acte de naissance. L’agent remplit le fichier de données avec les informations fournies et remet un ticket de rendez-vous sur lequel figure le numéro d’identifiant du demandeur.
Le fichier de données ainsi que les copies des pièces sont transmis au responsable des cellules techniques d’accueil citoyen à travers une plateforme dédiée. Celui-ci traite les données et les met à disposition des différentes cellules. L’agent de la cellule imprime les fiches et procède à leur remise aux bénéficiaires, détaille la plateforme virtuelle de la structure. Désormais, les Maliens peuvent rester chez eux pour demander et obtenir leurs fiches individuelles. Il en est ainsi pour les autres pièces d’état civil.
Rokiatou TRAORÉ
Source : L’ESSOR