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En Irak, Fallouja au centre de toutes les attentions

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Le Premier ministre irakien est dans une position délicate. Le 30 décembre à Ramadi, il a lancé l’armée et la police contre des protestataires pacifiques sunnites. Résultat : 250 morts. Une quarantaine de députés sunnites ont démissionné. La colère s’est propagée à Fallouja. Désormais, toutes les tribus sunnites sont en armes. La branche locale d’al-Qaïda aussi. L’armée entoure la ville.

Bombardée par l’aviation, pilonnée par l’artillerie, Fallouja est désertée par ses habitants. Selon le Croissant-Rouge irakien, 13 000 familles auraient quitté cette localité en raison des combats et des bombardements.

Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, qui est de confession chiite, a lancé une offensive contre l’Etat islamique en Irak et au Levant, un groupe proche d’al-Qaïda, qui aurait pris le contrôle de cette ville.

La version des tribus sunnites de Fallouja est totalement différente. Membre d’une tribu sunnite de Fallouja, Abu Mahmoud dénonce l’attaque lancée par le Premier ministre.

« Je me trouve actuellement en pleine rue à Fallouja, il n’y a aucun combattant de l’Etat islamique en Irak et au Levant, jure-t-il. Al-Maliki raconte des mensonges. L’Etat islamique en Irak et au Levant n’a aucune présence ici. »

Ce sunnite en est convaincu : le chef du gouvernement mène une guerre confessionnelle. Pour lui, « al-Maliki manipule tout le monde, il fait croire qu’il y a des terroristes à Fallouja, mais la réalité, c’est qu’il est en train de tuer des civils. Il cherche à exterminer les sunnites d’Irak. »

Les sunnites irakiens, deuxième communauté du pays, accusent le Premier ministre d’accaparer le pouvoir. 20 000 militaires de son armée encerclent en ce moment Fallouja.

Profitant de la fronde sunnite contre le pouvoir chiite, la branche locale d’al-Qaïda, l’Etat islamique en Irak et au Levant, occupe pourtant bel et bien quelques quartiers de la ville, très certainement avec la complaisance des grandes tribus sunnites.

Le calcul de ces dernières est simple : si le Premier ministre irakien veut venir à bout de l’EIIL, même avec l’armée qui fait le siège de la ville, la bataille sera sanglante, et il devra s’allier à elles.

En 2004, l’armée américaine, beaucoup mieux armée et suréquipée, n’avait pu entrer dans la ville et bouter al-Qaïda hors de Fallouja qu’en s’alliant avec des combattants sunnites réunis au sein d’une milice créée spécialement pour la circonstance, et intitulée el-Sahwa.

Très longue, l’opération américaine s’était soldée par une centaine de morts et près de 700 blessés côté américain, ainsi que des milliers de victimes au sein de la population civile.

Or, les sunnites ont bien l’intention de monnayer politiquement ce soutien. Nouri al-Maliki sera contraint de trouver un compromis sur le sort et la place de la communauté sunnite dans l’Irak d’aujourd’hui. Cela prend du temps.

Sans un tel compromis, une véritable guerre civile sans merci se déroulera. Dans le meilleur des cas pour de longs mois. Dans le pire des cas, pour des années.


DÉCRYPTAGE

Quels sont les chefs et le projet politique de l’Etat islamique en Irak et au Levant ? Myriam Benraad, docteure de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) et spécialiste de l’Irak au Centre d’études et de recherches internationales (Sciences Po-CERI), est l’auteure d’un ouvrage intitulé L’Irak, paru en septembre 2010 aux éditions du Cavalier Bleu. Pour RFI, elle tente de répondre à cette question.

« Abou Moussab al-Zarkaoui, qui est mort dans un raid américain en 2006, était un peu le mentor du jihad irakien. Il était lui-même de Jordanie, lié à Ben Laden, et il a vite réalisé l’importance ” d’irakifier ” l’organisation, de mettre à la tête d’al-Qaïda en Irak des Irakiens, et ça a pris la forme de l’Etat islamique d’Irak à partir de 2006 sous la houlette de l’Irakien Abou Omar al-Baghdadi.

L’Etat islamique d’Irak, comme l’indique son nom, c’est aussi un projet politique, puisqu’il y a eu une évolution de la pensée des jihadistes en Irak, qui considéraient qu’il fallait évoluer d’une simple lutte armée, contre l’armée américaine, et contre le gouvernement de Nouri al-Maliki vers un projet plus proprement politique, pour les sunnites, puisque ces mêmes sunnites sont depuis 2003 en marge du processus politique.

Evidemment, cela s’est fait au détriment des sunnites, qui se sont retrouvés en marge du processus politique, et qui de ce fait se sont radicalisés. Aujourd’hui, ils tendent à sympathiser avec l’Etat islamique en Irak et au Levant. »

rfi

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