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Mali : pourquoi cette animosité face à la présence française ?

Il y a presque un an, le 11 janvier 2013, la France intervenait au Mali pour bloquer l’avancée des groupes islamistes armés qui occupent alors les deux tiers nord du pays – depuis dix mois – et reprennent leur marche sur Bamako.

militaires français operation serval

 

Préparée de longue date, l’opération Serval est foudroyante et suscite l’enthousiasme de la population malienne, qui accueille les soldats français en libérateurs.

 

 

Fin janvier, les principales villes du nord du Mali sont libérées, et après de rudes combats dans l’Adrar des Ifoghas en février, la situation se stabilise progressivement. La France perd sept hommes alors que 5 à 600 islamistes sont tués.

 

 

L’armée malienne pour sa part – dont on oublie en France le rôle qu’elle a joué dans les opérations – compte une centaine de morts dans ses rangs, et les forces armées tchadiennes d’intervention au Mali (FATIM), placées en première ligne dans la bataille de l’Adrar, plusieurs dizaines.

 

 

« Le Mali revient de loin ! »

Serval est un incontestable succès, et nul ne peut nier que la situation dans laquelle se trouve le Mali aujourd’hui est bien meilleure que celle qui prévalait il y a un an.

 

 

Le putschiste Amadou Haya Sanogo, qui avait pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat le 22 mars 2012 entraînant la débandade de l’armée malienne, est en prison. Ibrahim Boubacar Keita est élu à la présidence de la République le 11 août 2013.

 

 

Des élections législatives se tiennent en fin d’année et la vie démocratique reprend son cours. Abou Zeïd, l’un des plus redoutables émirs d’AQMI, est mort, et son groupe de combattants, réduit à néant. Si les djihadistes sont toujours présents dans le nord du pays où ils commettent sporadiquement des attentats, ils ne sont plus en mesure de déstabiliser le Mali ni de s’implanter solidement sur une partie de son territoire.

 

 

La France peut donc légitimement se féliciter de l’action qu’elle a menée au Mali, et sa population lui en est reconnaissante. Comme l’a affirmé avec vigueur Jean-Yves le Drian à Gao le 31 décembre, « le Mali revient de loin ! »

 

 

Que pèse vraiment le MNLA ? Rien !

D’où vient, alors, cette animosité face à la présence française au Mali
qui est désormais palpable à Bamako ? De la complaisance, sinon de la compromission de la France envers le MNLA, le mouvement national de libération de l’Azawad et de l’anarchie qui règne toujours dans la région de Kidal et dont on pense au Mali (non sans raison) que notre pays porte en partie la responsabilité.

 

 

Fondé en novembre 2011, le MNLA prétend rassembler les populations des trois régions du nord du Mali qu’il appelle l’Azawad et ne revendique rien moins que l’autonomie des deux tiers du pays sous sa direction ! Mais que pèse-t-il vraiment ? Rien !

 

 

Il ne représente, en effet, qu’une partie des Touaregs de l’Adrar –qui ne sont eux-mêmes qu’une minorité au sein des Touaregs du nord du Mali – dont on semble ignorer à Paris qu’il est majoritairement peuplé de sédentaires.

 

 

A l’exception d’un partie de la population de la région de Kidal, soit quelques dizaine de milliers de personnes tout au plus, la population du septentrion malien ne se reconnait en rien dans le projet irrédentiste d’une poignée d’activistes médiatiques, bien plus populaires en Occident que chez eux !

 

 

On n’oublie pas au Mali, en effet, qu’en se lançant à l’assaut des garnisons maliennes le 17 janvier 2012, le MNLA entraina avec lui les mouvements islamistes qui ne tardèrent pas à l’évincer avant de semer la terreur sur le nord du pays.

 

 

Un objectif caché : récupérer les otages

L’opération Serval, affirmait François Hollande le 15 janvier 2013, avait trois buts :

 

 

  • mettre fin à « l’agression terroriste » ;
  • « sécuriser Bamako » ;
  • « permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale ».

Si les deux premiers ont été clairement atteints, on est loin du compte en ce qui concerne le troisième. En arrivant à Kidal à la fin du mois de janvier 2013, la France laisse en effet le MNLA, qui était alors exsangue suites aux défaites infligées par ses ex-alliés islamistes, prendre le contrôle de la ville où il parade toujours en toute impunité un an plus tard.

 

 

C’est qu’aux objectifs avoués de Serval s’en ajoute un quatrième : récupérer les otages qui se trouvaient aux mains d’AQMI, à l’aide du MNLA dont on croyait à tort qu’il pourrait jouer un rôle capital dans l’opération.

 

 

Le remplacement au mois de février 2013 de l’ambassadeur de France par Gilles Huberson, un militaire spécialiste des questions de prise d’otages sur le terrain depuis septembre 2012 avec la DGSE, est à cet égard révélateur. Le MNLA n’en fait d’ailleurs pas mystère.

 

 

Dans un entretien accordé au journal Le Monde le 14 novembre 2013, Moussa ag-Acharatoumane, l’un des leaders du MNLA, ne déclare-t-il pas que Gilles Huberson était avant sa nomination « l’émissaire secret du Quai d’Orsay » auprès de son mouvement ?

 

 

Gilles Huberson est assurément l’homme de la situation : le 29 octobre 2013, les quatre otages d’Arlit sont enfin libérés après plus de trois ans de captivité. Mais la joie suscitée par leur libération est rapidement ternie par l’assassinat à Kidal le 2 novembre des envoyés spéciaux de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Ils sortaient du domicile du militant du MNLA Ambéry ag Rhissa.

 

 

Le Mali laissé à des « touristes en uniformes »

Il devient alors évident que le MNLA, qui n’a joué aucun rôle dans la libération des otages et dont l’incapacité à faire régner l’ordre à Kidal éclate au grand jour, n’a plus aucune utilité pour la France qui change son fusil d’épaule.

 

 

Le vice-président du MNLA, Mahamadou Djéri Maiga, qui souhaitait participer à une conférence de presse à Paris le 4 décembre se voit ainsi refuser son visa. Après avoir renforcé sa présence à Kidal le temps des élections, la France s’apprête aujourd’hui à quitter définitivement la ville, laissant ainsi à la force des Nations unies, la Minusma, le soin d’y faire régner l’ordre.

 

 

Croit-on vraiment que la Minusma, incapable d’empêcher le 28 novembre dernier une manifestation de femmes et d’enfants sur l’aéroport de Kidal (ce qui contraignit le premier ministre malien à annuler sa visite dans la ville) puisse assurer cette mission ? Les hommes de la Minusma, affirme avec ironie le sociologue malien Hamidou Magassa, sont des « touristes en uniforme » !

 

 

La France peut ainsi se désengager sur la pointe des pieds, laissant le gouvernement malien dans une situation des plus inconfortables. Alors qu’au plus fort de l’opération, 4 500 hommes étaient présents au Mali, ils ne sont plus que 2 500 aujourd’hui, seront 1 600 dans un mois et environ un millier au printemps.

 

 

Une « affaire entre Maliens » ?

Rien n’est réglé à Kidal, que la population de Bamako souhaite voir conquise militairement par les autorités légitimes du pays. Mais la France s’en lave les mains. Le général Guionie, commandant en second de l’opération Serval,déclare ainsi à l’AFP :

 

 

« C’est un problème qui dépasse largement les attributions de Serval. C’est avant tout une affaire entre Maliens […]. »

 

 

Le 20 janvier, la France et le Mali signeront un accord de coopération militaire qui permettra sans doute à la France de garder une base à Tessalit, à la frontière Algérienne, ce qu’elle réclamait en vain depuis des années. Elle le fera, bien sûr, à la demande du Mali, et dans un but totalement désintéressé…

 

 

Au final, l’opération Serval aura coûté plus de 600 millions d’euros au cours de l’année 2013. Cela peut sembler beaucoup en période de restriction budgétaire. C’est en fait bien peu, si l’on songe à l’intérêt pour la France d’assurer durablement sa présence militaire dans le nord du Mali. Et de veiller à la sécurité de son approvisionnement en uranium si utile à ses centrales nucléaires et que l’on trouve en abondance dans le Niger voisin.

 

 

Francis Simonis | Maître de conférences Histoire de l’Afrique

rue89.nouvelobs.com   /2014/01/10/

 

SOURCE: Autre Presse

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