A Bamako, l’image d’un homme gisant sur le sol, la jambe gauche fracturée, a fait le tour des réseaux sociaux le 6 juin 2019. Les policiers qui avaient poursuivi l’homme en voiture ont eu la vie sauve, selon des témoins, grâce à la diligence de leurs jambes. Une foule en colère a porté secours à la victime qui se battait contre la douleur sur le bas-côté de la route.
La scène insoutenable a révolté la foule ayant accouru au secours du blessé que les policiers n’avaient pas pris le soin d’assister. Certains en appelaient à une descente contre le quartier général des policiers qui avaient pris la fuite, étant conscients de la gravité de l’acte qu’ils venaient de commettre contre un citoyen désarmé. L’objectif de la foule était de donner une correction aux policiers que d’aucuns souhaitaient brûler vifs.
Ce drame interpelle le gouvernement face au comportement déviant de certains policiers qui risquent de créer les conditions d’un rejet général de l’autorité. C’est ce genre de comportement qui est mis en avant par les populations dans le centre du pays et au nord pour dénoncer aux terroristes les hommes en uniforme représentant l’Etat.
Comment amener la population à dénoncer les bandits et les terroristes alors que ceux qui sont censés maintenir l’ordre foutent le désordre dans un silence total de la hiérarchie? Il n’est pas question de jeter l’opprobre sur toute une corporation dont les dignes représentants se sacrifient pour que les citoyens dorment tranquillement dans leurs foyers.
Mais la hiérarchie et les autorités politiques ont échoué sur leur devoir de briser le mur de la méfiance entre les forces de sécurité et la population. Le drame d’hier va au-delà d’un incident isolé, il pose la problématique de la nature de l’Etat que nous avons, un Etat dont les représentants sont perçus comme des prédateurs.
La simple vue d’un gendarme, d’un agent des eaux et forêts ou d’un policier suffit à faire peur à n’importe quel citoyen, à Bamako comme dans la campagne. Passer cette persécution sous silence est une complicité passivé dans la descente aux enfers du pays. Ceux qui sont censés protéger les citoyens ne doivent pas leur faire peur, ils doivent les rassurer, leur inspirer confiance.
La construction de cette confiance dans un Mali nouveau, entre forces de sécurité et citoyens, était le cheval de bataille de l’IMRAP, l’Institut malien de recherche appliquée pour la paix. Malheureusement, son initiative de dialogue n’a pas survécu au tarissement des sources de financement des bailleurs étrangers.
Combien d’innocents seront encore brutalisés par la police avant que la hiérarchie ne prenne le devant pour prévenir les abus ? En tout cas, sur les réseaux sociaux, les témoignages n’ont pas manqué sur les multiples dérives de policiers indisciplinés en réaction à la vidéo de la victime.
Soumaila T. Diarra
Source: Le Républicain