Trop de texte, c’est has-been. En 2020, il faut abréger et s’exprimer en emojis, ces petites images utilisées dans un message électronique pour exprimer une émotion, représenter un personnage ou une action. Ils étaient utilisés, dans les années 1998-1999, grâce aux travaux de Shigetaka Kurita, dans les messages électroniques et les pages web japonaises, qui se sont rapidement répandus dans le monde entier. Aujourd’hui, leur usage est de plus en plus croissant sur les réseaux sociaux grâce à leur intégration dans les systèmes d’exploitation Androïd et Ios. Les emojis sont aujourd’hui les moyens d’expression privilégiés des mobinautes maliens.
Le mot emoji est issu du japonais et signifie littéralement « image » (e) + « lettre » (moji). Cette association est mise à profit pour exprimer des émotions que les mots ne permettent pas toujours de refléter. « Les emojis représentent un bon moyen de transmettre les émotions de façon visuelle via un échange textuel. Au-delà de cela, ils permettent une personnalisation du message et une meilleure illustration des propos. En d’autres termes, ça donne vie aux messages », explique Amadou Diawara, CEO du Groupe FAMIB.
Selon Emojitracker, un site de comptage en temps réel des emojis postés sur Twitter depuis 2013, le plus populaire de tous est le fou rire aux larmes. À la date du 21 juillet dernier à 23 heures, il avait été publié à près de 3 milliards de fois. Et cela sans compter Facebook, WhatsApp, les forums et les SMS. « J’utilise beaucoup les emojis sur les réseaux sociaux et via les SMS quand je veux exprimer des émotions dont les mots n’expriment pas assez la teneur. Et la perception du message diffère pour chaque personne. Par exemple, si je dis quelque chose de méchant à quelqu’un, je peux mettre l’emoji d’une personne en train de rire pour lui signifier que c’est juste une blague. L’emoji du fou rire aux larmes est mon préféré », témoigne Aminata Simpara, étudiante.
Si certains jeunes utilisent les emojis pour exprimer des émotions, pour d’autres c’est plutôt pour éviter un mot incorrect en orthographe et en grammaire. « Les emojis sont ludiques et faciles pour exprimer ses émotions. De plus, beaucoup de personnes ont peur de faire des fautes, donc elles préfèrent les emojis, qui nous permettent de cacher nos lacunes grammaticales et notre pauvreté lexicale », explique Dr. Bréma Ely Dicko, sociologue.
L’Afrique a fait la connaissance avec les emojis quand ils se sont étendus à l’Europe et aux États-Unis avec l’essor des réseaux sociaux. C’est le terreau d’une frustration de la part de certains Africains qui estiment que ces emojis ne prennent pas en considération les réalités culturelles du continent. C’est ainsi que des emojis purement africains sont nés. Zouzoukwa propose des emojis prenant en compte les expressions couramment utilisées et des éléments typiques de la culture ivoirienne. Nouchi.com stickers propose aussi des emojis qui s’inspirent du l’argot nouchi ivoirien.
Amadou Diawara relativise : « même s’il y a encore beaucoup d’efforts à faire, certains emojis ont des interprétations universelles. Par exemple les emojis sourire, larme ou colère auront la même interprétation que l’on soit en Asie ou en Afrique. Et, a contrario, des emojis comme les deux mains jointes peuvent avoir des interprétations différentes en fonction du contexte du message ou du background culturel ».
Face à la progression fulgurante de l’usage des emojis, la question se pose de savoir si à l’avenir ils prendront le dessus sur les mots et investiront plus les champs communicationnels. À en croire Dr. Ely Dicko et Amadou Diawara, on pourrait les voir investir le milieu de la littérature, mais jamais le domaine de la communication officielle.
Le 17 juillet est la journée mondiale des emojis. Le terme a d’ailleurs fait son entrée dans le Petit Robert dès 2017.
Boubacar Diallo
Journal du Mali