L’actualité est monopolisée par les résultats des élections présidentielles. Des incertitudes, voire des inquiétudes, persistent chez de nombreux Maliens. Peut-être ne devraient-ils pas oublier que s’ils ont pu s’exprimer, c’est parce que les conditions de sécurité étaient suffisamment bonnes pour que les élections se déroulent sans déchaînement de violence.
Depuis que les Maliens sont allés voter pour élire un nouveau président, jour après jour nous pouvons lire de nombreux débats, souvent houleux, sur les résultats et sur le positionnement politique de tel ou tel acteur ou candidat. Pour certains, ces débats sont le signe d’une crise politique. Mais, sont-ils réellement le signe d’une crise, ou au contraire, le signe d’une absence de crise ? Car le contraire de la politique, c’est la violence. Depuis l’annonce des élections, les groupes terroristes qui minent la sécurité du Mali nous avaient prévenus : ils voulaient faire de ces élections un fiasco.
L’épisode politique était celui du défi entre, d’un côté l’État malien et de l’autre les groupes terroristes, notamment le JNIM d’Iyad Ag Ghaly. Ce dernier avait prévenu qu’il utiliserait ces élections pour semer la terreur au Mali.
De l’autre côté, du côté de l’État de droit et de la démocratie, on se voulait préparés. 30 000 personnels de sécurité étaient mobilisés, dont 10 000 militaires et 11 000 gendarmes et policiers. L’État était soutenu par la MINUSMA, sous mandat de la résolution 2423 de l’ONU, par la force du G5 Sahel, et par la Force Barkhane, sans compter les observateurs de l’Union européenne.
Que s’est-il passé ? Avouons-le, il y a six mois, nous aurions tous parié que Kidal, le Nord et le Centre seraient à feu et à sang pendant la période électorale, les bureaux de vote inutilisables et l’État submergé. Et pourtant… Certes, 871 bureaux de vote sur 23 041 ont dû fermer, selon les chiffres officiels. Au Nord, Kidal a été le site d’attaques sporadiques aux mortiers. Cependant, par souci d’objectivité, il convient de faire un bilan mesuré. Comme l’a déclaré officiellement une autorité dont nul ne remettra en cause l’indépendance, la mission d’observation de l’Union européenne : dans l’ensemble « le vote s’est déroulé dans le calme », et « les procédures ont été globalement respectées malgré des difficultés ».
Aujourd’hui, nous sommes loin de ce que nous avions tant craint. Pour les djihadistes et notamment Iyad Ag Ghaly, l’enjeu était de saboter non seulement les élections mais aussi, en instaurant l’insécurité, de saboter l’accord d’Alger, dont le processus reste la meilleure voie pour pacifier notre pays. Dans l’ensemble, les groupes armés signataires du Nord ont joué le jeu en participant à la protection des élections, ce qui était loin d’être garanti d’avance. Les rumeurs de tractations ou d’accords impliquant certains groupes signataires, notamment la CMA, sont ce qu’elles sont. Dans tous les cas, Iyad Ag Ghaly, qui il y a quelques mois prétendait être un chef de guerre redoutable, est aujourd’hui réduit à diffuser des vidéos pour se donner une contenance, comme un blogueur quelconque.
Le débat politique est-il houleux ? Oui, et c’est tant mieux, car si nous entendons ce bruit de la démocratie, c’est parce que celui des attentats terroristes a nettement baissé en intensité.
Paul-Louis Koné
La rédaction