Considérée comme un acquis démocratique depuis 1991, l’association des élèves et étudiants du Mali est désormais dissoute. L’annonce, diversement appréciée, a été portée à la connaissance des Maliens à la suite du conseil des ministres du mercredi 13 mars dernier.
Les avis des citoyens lambda tout comme les acteurs démocratiques divergent sur la question. Alors que certains acclament ladite décision, d’autres y voient le dégoût. Ils la fustigent vigoureusement, estimant qu’il ne fallait aucunement infliger des sanctions pareilles à la corporation syndicale des élèves et étudiants du Mali. Parmi les acteurs approuvant la décision figurent les responsables de l’Amicale des anciens militants et sympathisants de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali. « L’AMSUNEEM se félicite de cette décision et avait toujours demandé à l’Etat de s’assumer face à cette situation devenue une épine dans le pied des acteurs de l’école ». Des précisions de l’Amicale, l’espace scolaire et universitaire était devenu « un champ de bataille de façon répétée avec toujours des morts d’hommes ». Une idée que des acteurs comme Djiguiba Keïta/PPR, ancien membre du bureau de coordination de l’UNEEM ne partage pas. « Aux camarades du bureau de coordination de L’AMS-UNEEM, je ne souscrirai à aucune déclaration de l’AMSUNEEM qui se félicite de la dissolution de l’AEEM ». « Si l’AMSUNEEM adhère à la décision liberticide de dissolution de l’AEEM, je m’en désolidarise et rends ma position publique. Je ne saurais cautionner aucune entreprise d’effacement de Mars 91 et de ses acquis démocratiques ». La dissolution de l’AEEM n’est, pour lui, nullement à saluer. Des mesures existantes pouvaient permettre de ramener le calme et d’aller sur de nouvelles bases qui, ajoute M. Keïta, commenceraient par la fin de l’instrumentalisation de l’AEEM par toute personne physique ou morale. Aussi membre du bureau de coordination de l’AMS-UNEEM, Djiguiba réitère que l’AEEM est un acteur majeur du 26 Mars. A cet effet, dit-il, la dissoudre équivaudrait à aller dans le sens de l’effacement du 26 Mars, œuvre de la falsification de l’histoire et de la restauration dont le chantier est connu de tous. Et d’ajouter : « Camarades, n’encouragez pas le recul des acquis démocratiques de Mars 91 par le soutien à un quelconque régime passager ! »
Les raisons de la dissolution de l’AEEM
Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a informé, le 13 mars 2024, le conseil des Ministres par rapport à la dissolution de l’association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM). La dissolution des associations par le Conseil des Ministres est prévue et réglée par les dispositions de la Loi n°04-038 du 5 août 2004 relative aux associations. L’AEEM est une association de droit malien créée suivant le récépissé de déclaration d’association n°10281/MAT-DNAT du 20 avril 1991. Depuis plusieurs années, force est de constater qu’elle ne défend plus les nobles causes des élèves et étudiants conformément à ses objectifs. Elle a été, pour le gouvernement, plusieurs fois accusée d’être responsable de violences et affrontements dans le milieu scolaire et universitaire, caractérisés par de nombreux accrochages à main armée entre les différents clans d’elle-même. Le dernier affrontement remonte à la date du 28 février 2024. Il a causé la mort d’un jeune étudiant de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion et plusieurs blessés graves. Le gouvernement estime que ces agissements, d’une extrême gravité, sont survenus dans la perspective du renouvellement des instances du bureau de coordination de ladite association et ont provoqué la suspension immédiate de ses activités dans l’espace universitaire jusqu’à nouvel ordre. « Des pratiques similaires ont eu lieu en décembre 2017 entre des factions rivales du comité AEEM de la Faculté des Sciences et des Techniques et provoqué un mort. En octobre 2018, des affrontements à coup d’armes à feu et de machettes, opposant des clans rivaux du comité AEEM de la Faculté de droit privé, ont fait neuf (9) blessés dont deux (2) graves ». A chacun de ces événements malheureux, les forces de sécurité ont fait des descentes inopinées au niveau du siège de l’association. Lesquelles se sont soldés par des arrestations de certains membres ayant en leur possession des armes létales, des stupéfiants et de grosses sommes d’argent non justifiées.
Aussi, indique-t-on, ces agissements en cause sèment des troubles au sein de l’espace scolaire et universitaire et provoquent des perturbations des cours, des assassinats, des meurtres et des destructions de biens publics et privés par des manifestations violentes de rue et des ports illégaux d’armes. C’est au regard de ces constats que l’Association des Elèves et Etudiants du Mali a été déclarée dissoute par la transition. Cette dissolution contribue à la réalisation de l’une des recommandations des Assises Nationales de la Refondation : « Pacifier l’espace scolaire et universitaire pour en faire un lieu d’acquisition de savoirs et de connaissances et non de vandalisme et d’agressions permanentes ».
Le pire à craindre
Il a fallu l’annonce de la décision historique pour que des mouvements de perturbations des cours soient portés à la connaissance du public. D’ores et déjà, de diverses sources font part, depuis quelques jours, de la tenue d’une grève illimitée sur toute l’étendue du pays en raison de cette dissolution. Ladite grève débute ce lundi 18 mars 2024. D’où la question à savoir si, au-delà des mécontents politiques qui s’organisent de plus en plus, les autorités auront également affaire avec l’ensemble des élèves et étudiants du pays à cause de cette histoire. S’achemine-t-on vers une paralysie dans le secteur scolaire et universitaire ? Le pire à craindre.
Mamadou Diarra