La visite de cinq chefs d’Etat ouest-africains à Bamako, jeudi dernier, avait une valeur à la fois symbolique et pédagogique. Si la Cedeao voulait signifier que la crise malienne était une préoccupation majeure, elle aura réussi par la mobilisation des poids lourds de l’Afrique de l’Ouest.
Au-delà de la symbolique, venir échanger avec les Maliens aura permis, sans doute, aux chefs d’Etat de s’imprégner davantage de la réalité dans notre pays. La démarche du déplacement avait l’avantage de ne pas se contenter des rapports fournis par les différentes missions de médiation qui avaient tendance à résumer la crise en un contentieux électoral.
La sortie de l’imam Mahmoud Dicko, à l’issue de son entretien avec la délégation des chefs d’Etat, a contribué à clarifier, à l’intention des étrangers, le contexte extrêmement tendu voire dramatique dans lequel la crise sociopolitique a plongé notre pays. Le leader moral de la contestation, visiblement déçu après les échanges avec les chefs d’Etat, n’a pas manqué de rappeler que la solution initialement envisagée ne saurait prospérer. Sa franchise et son courage auront permis de faire comprendre que la médiation a l’obligation de faire davantage d’efforts pour contribuer à ramener la paix et la stabilité.
Macky Sall, Issoufou Mahamadou, Alassane Dramane Ouattara, Akufo-Ado et Muhammadou Buhari ont certainement une meilleure compréhension de la situation, après avoir pris le temps d’écouter le pouvoir et les contestataires. L’organisation intergouvernementale va-t-elle se contenter d’entériner les recommandations de sa seconde mission, à savoir maintenir en place le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, nanti de toutes ses prérogatives dont celle de la nomination et de la révocation du Premier ministre, la formation d’un gouvernement d’union nationale et le règlement consensuel du litige électoral consécutif aux résultats définitifs des législatives, proclamés par la Cour constitutionnelle ? Les décisions issues du sommet extraordinaire du lundi prochain nous le diront.
La visite du jeudi a été présentée à tort comme étant une occasion unique de trouver une solution miracle à la crise. La réalité est autrement plus complexe. Il était clair que les présidents n’étaient pas venus pour prendre des décisions immédiates au nom de l’organisation régionale. Habituellement, les décisions à l’issue des sommets sont préparées, à l’avance, dans des documents sur lesquels les chefs d’Etat se prononcent et apportent des amendements ni nécessaires avant de les adopter. Les documents de travail du sommet du lundi seront certainement améliorés à la lumière des enseignements du voyage de Bamako.
Quelle réussisse ou pas à résoudre la crise malienne, la Cedeao aura fait preuve de solidarité envers notre pays. Les efforts de nos amis étrangers ne sont qu’un appoint à notre propre volonté de s’accepter mutuellement et de nous mettre d’accord sur l’essentiel. Les solutions ne peuvent pas manquer. La stratégie du pourrissement d’un côté et le maximalisme de l’autre, sont incompatibles avec la possibilité du rapprochement des positions. Le génie malien peut être capable d’inventer des mécanismes qui garantissent une meilleure gouvernance tout en favorisant des réformes profondes. Le nouveau cadre législatif qui en résulterait pourrait définir des garde-fous contre les dérives des dirigeants.
C’est la meilleure façon d’éviter de chasser nos dirigeants par des insurrections cycliques. Faire démissionner un président élu par la force nous exposerait au courroux de la communauté internationale. C’est intenable pour un pays qui ne peut se passer de l’aide étrangère. Les nouveaux dirigeants qui s’installeront dans cette condition, ne seront pas à l’abri d’un départ sous la bronca du peuple. Une instabilité sans fin.
- TOURE
Source : L’ESSOR