Les autorités maliennes vont-elles agir par souci d’harmonisation avec les deux autres Etats de l’AES, comme avaient souhaité leurs partisans en se donnant non seulement un nouveau bail de cinq ans, mais aussi et surtout en dissolvant les partis politiques. Comparaison n’étant pas forcément raison, le cas du Mali nous semble loin d’être le même que celui des deux autres Etats que sont le Burkina Faso et le Niger. Il est évident que les contextes sont différents, car le Mali est sur le point de boucler sa cinquième année de transition et se prépare à mettre en œuvre les recommandations des assises nationales de la refondation.
Le pays est doté d’une nouvelle constitution qui complète une Charte de la transition. Donc le pays est bien doté d’un arsenal juridique et politique lui permettant de sortir de la transition afin de signer le retour à l’ordre constitutionnel normal. Que dire de la durée de la transition que les autorités maliennes avaient souverainement fixé à 24 mois ? Cette période a été mise à profit pour organiser le référendum autour de la nouvelle Constitution. Alors que l’on pensait amorcer le dernier virage après le référendum, c’était sans compter sur la ruse des autorités. En effet, à la veille du scrutin présidentiel les autorités ont pris un décret relatif à un léger report de la présidentielle. L’on est à plus d’un an de ce report et elles n’ont pas daigné sortir pour informer l’opinion des raisons de ce statu quo. Le Mali se trouve aujourd’hui dans une situation de vide juridique, car la Charte de la transition qui est supposée compléter la nouvelle constitution, se trouve aujourd’hui souvent en porte à faux, voire en contradiction avec celle-ci. Donc le Mali est géré aujourd’hui selon l’humeur des princes du jour. Sinon comment comprendre que les autorités qui ont en charge la gestion du pays puissent faire fi de tous les textes, la Constitution qui définit les conditions d’accès au pouvoir, à savoir par la voie des urnes et la charte qui fixe la durée de la transition. Tous les deux cadres juridiques sont violés.
Vouloir se donner un nouveau bail de cinq ans préconisé par certains partisans de la transition sans passer par le suffrage du peuple est véritablement un blasphème contre la République. Tout comme vouloir prendre une décision allant dans le sens de la dissolution ou même de la suspension des partis politiques ne serait qu’un abus de pouvoir. Dans un contexte d’illégalité et d’illégitimité qui caractérise la transition au Mali, toute décision non consensuelle n’est qu’excès et abus. Donc le dialogue assorti d’un consensus serait gage d’apaisement, de stabilité surtout dans un pays en profonde crise.
Eu égard à la situation très délétère que vit le pays, il revient aux autorités de la transition malienne de préconiser le dialogue et qu’elles soient convaincues que le Mali au regard de son histoire politique ne pourra en aucun cas être comparé aux deux autres pays de l’AES, à savoir le Burkina Faso et le Niger ; qui sont dans les normes fixées par leurs assises nationales. Le Capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso en 2024 a été sacré Président du Faso avec un mandat de cinq ans renouvellement et le Général d’armée Abdouramane Tiani a été porté à la tête du Niger sans élection, après les assises tenues en avril 2025, ces mêmes assises ont fait de lui président de la République du Niger avec un mandat de cinq ans renouvellement, et surtout avec l’autorisation de dissoudre tous les partis politiques. Les autorités de la transition Malienne qui bouclent leur cinquième année à la tête du pays ne sauraient plus trouver d’autres prétextes pour se donner un nouveau bail en violation de la Constitution. Pour rappel les élections mettant fin à la transition devraient avoir lieu en 2024 avec comme point d’orgue l’investiture d’un nouveau président le 26 mars 2024. Plus d’un an après c’est toujours silence radio.
Youssouf Sissoko
Source : L’Alternance