Dans une salle comble de l’Unesco à Paris et pour une de ses toutes premières sorties internationales en tant que président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, outré par les mesures anti-migratoires de l’Europe, s’était laissé aller à dire : « aucun mur ni aucun visa n’arrêtera cette jeunesse demain, si l’Afrique est abandonnée à son sort ». Lundi, la charge renouvelée de milliers de jeunes contre les barricades de Ceuta et Melilla, lui donne raison.

Des centaines de ces jeunes ont pu escalader les murailles et finir leur course dans les centres de détention. D’autres sont blessés et d’autres enfin sont restés de l’autre côté de la barrière, attendant de réussir la prochaine fois. Car rien ne les arrêtera. Ni le souvenir de l’hécatombe de Lampedusa l’automne dernier. Ni les coups de crosse des garde-côtes. Le monde est un village, les contraintes sont en Afrique et les opportunités en Occident. Et comme on le dit dans la Casbah, il vaut mieux être poteau électrique à Aubervilliers que résident en Algérie. Les murs ne sont donc pas la réponse. Ou l’Afrique se gouverne autrement, générant l’espoir plutôt que le désarroi, bénéficiant de la solidarité massive de l’Occident pour créer chez elle des conditions attractives. Ou, à son corps défendant la jeunesse africaine jettera ce pont entre sa misère réelle et son hypothétique salut. Les consulats peuvent rester verrouillés mais Schengen sera escaladé.

Adam Thiam