Il n’aura visiblement pas suffi de volonté et d’intransigeance pour venir à bout des obstacles à la conclusion d’un accord définitif entre protagonistes de la crise malienne. Réunies à nouveau à Alger dans le cadre de la dernière ligne droite des pourparlers, les parties se sont quittées sans le sésame attendu, du moins dans les échéances initialement fixées. Elles ont certes convenu d’une prolongation, mais les incertitudes persistent et profite plus à l’enlisement et à l’exacerbation qu’à une solution définitive.
La guerre des lignes rouges
Rassemblés dans la capitale algérienne avec la promesse d’un schéma institutionnel acceptable par tous, les protagonistes des pourparlers du dialogue inclusif inter-malien sont une fois de plus retournés bredouilles. En cause, l’impossibilité de concilier la position des mouvements armés rebelles avec celle des deux tendances loyalistes. Les discussions ont visiblement achoppé sur le même obstacle : le refus d’un côté comme de l’autre de bouger de ses lignes, une condition pourtant sine qua non d’un triomphe de la raison sur les démons de l’hostilité. Au lieu de quoi, les à-priori et positions préconçues ont manifestement pris le dessus sur la souplesse d’esprit de part et d’autre, et probablement dans une dynamique négativement contagieuse.
Sous la houlette du ministre des Affaires Etrangères de la Coopération Internationale et de l’Intégration Africaine, Abdoulaye Diop, la partie malienne le rabâche à qui veut l’entendre que son mandat consiste à ne jamais transiger sur certains domaines hors du champ de transaction : l’intégrité territoriale, la souveraineté nationale et la laïcité de l’Etat. Il va sans dire donc ni l’autonomie ni le fédéralisme ne saurait être négociables.
Ces lignes rouges tracées au préalable ne sont en réalité que le répondant des volitions populaires sur le sujet. Elles ont connu à ce titre une extension à d’autres aspects sur lesquels les diverses sensibilités de la nation malienne se montrent beaucoup moins flexibles et conciliantes que les hautes autorités, quant au schéma proposé par les médiateurs. Pour nombre d’observateurs, par exemple, l’idée de privilèges accordés sur la base des spécificités géographiques s’assimile à un fédéralisme qui ne dit pas son nom.
Même inflexibilité du côté des mouvements armés séparatistes, qui ne semblent point se contenter du recours aux euphémismes utilisés pour contourner le concept de fédéralisme dans la rédaction du texte proposé par les médiateurs. Leurs représentants disent également à qui veut l’entendre avoir reçu pour consigne de n’accepter aucun schéma qui fasse abstraction d’un statut autre que le fédéral.
Le retour aux démons bellicistes
Cette réponse du berger à la bergère a eu un effet si négatif sur les négociations que le chef de la délégation malienne, à en croire certaines confidences, en a pris un coup de nerfs et lancé à la face de ses interlocuteurs qu’il n’y était pas pour négocier le fédéralisme.
Pour obtenir gain de cause, la médiation algérienne, dans les tractations de coulisse, a même tenté de jouer sur les enjeux de l’intransigeance de la partie rebelle, en agitant l’épouvantail d’un retrait de tout soutien en cas de rejet du schéma de sortie de crise. Mais, il nous revient qu’en réplique à cette intimidation de la partie algérienne, les mouvements rebelles ont exhibé à leur tour leur intention d’étendre leur capacité de déstabilisation jusqu’au territoire algérien.
De quoi jeter le froid sur les négociations qui n’ont pu déboucher sur autre chose que la proposition d’une nouvelle mouture soumise à nouveau à l’examen des protagonistes. Rendez-vous a été pris par la même occasion pour le mois de janvier prochain, selon nos sources, mais avec la certitude qu’aucune incertitude n’est encore levée sur les pourparlers du dialogue inclusif inter-malien.
Il s’agit visiblement d’une prolongation au lendemain peu rassurant et qui commence déjà à profiter aux démons de l’hostilité. Et pour cause, aussitôt après la suspension de la troisième phase, tout aussi infructueuse que les précédentes, les mouvements séparatistes ont choisi de se signaler par un inquiétant positionnement de leur arsenal dans le septentrion, y compris dans des localités naguère abandonnées aux loyalistes comme Djebok (Cercle de Gao). Cette avancée spectaculaire est en effet consécutive au déplacement des mouvements de la plateforme loyaliste vers la frontière nigérienne où la menace du Mujao refait surface ces derniers temps
Quoi qu’il en soit, la prolongation signifie également prolongement de la souffrance de populations qui demeurent sans état, sans administration et donc sans l’accès aux services publics y afférents comme l’école, la santé, la justice, entre autres.
- KEITA