Au nombre des recommandations fréquemment reprises par les oulémas dans les assemblées, figure l’exhortation aux fidèles musulmans à se recommander le bien et à s’interdire mutuellement le repréhensible. Un accent particulier est cependant porté sur la nécessité de veiller à l’adéquation des propos tenus avec les actes posés. Les oulémas à ce sujet fustigent la parole creuse à laquelle doit être préférée la bonne action, qui est en elle-même plus éloquente que tout discours. Il est rapporté dans ce cadre différents épisodes de l’époque des Révélations coraniques, opposant «la parole pompeuse éclatante et vaine», à l’action discrète et efficace.
Dans l’un de ces récits, référence est faite à l’un des proches du Messager (PSL) qui avait été surnommé «la Parure des Dévots». Selon la Tradition, cet homme s’introduisait incognito au domicile des gens démunis pour y laisser ses aumônes. Sa discrétion était telle que sa véritable identité demeurera un mystère pour ceux qui bénéficiaient de ses largesses.
C’est seulement à son décès, lorsque s’arrêtèrent ses œuvres de bienfaisance, que cette population prit conscience de sa disparition pour le regretter avec sincérité. Son attitude pour les théologiens, répondait à l’une des injonctions faites dans le Livre saint de l’islam à ce propos : «Commandez-vous aux gens de faire le bien, et vous oubliez vous-mêmes de le faire, alors que vous récitez le Livre ? êtes-vous donc dépourvus de raison ?» (2-44)
C’est dans ce même registre qu’il est rapporté l’embarras d’un érudit dans l’une des premières communautés musulmanes, à délivrer un prône sur le mérite social et l’immense récompense céleste qu’il y avait à affranchir les esclaves et les affres du châtiment qui attend celui qui les maltraite. Le thème authentique lui avait été suggéré par des fidèles qui ne jouissaient pas à cette époque de leur liberté et qui espéraient ainsi la recouvrer grâce à la sensibilisation de leurs maîtres. L’érudit qui tenait à prêcher par l’exemple, mettra bien du temps avant d’aborder ce thème dans l’une de ses adresses habituelles. N’ayant point d’homme de peine à son service au moment où la requête lui avait été soumise, il s’était fait un devoir d’en acquérir, en vue de l’affranchir en public, afin d’inciter les autres propriétaires à en faire autant.
En évoquant cette exhortation mutuelle à l’accomplissement d’œuvres méritoires, les exégètes appellent les fidèles à approfondir leur science, car l’ignorant ne saurait ordonner le bien. Ils soulignent aussi que dans sa pratique, le fidèle ne doit être animé que de la volonté de raffermir sa foi et de se rapprocher du Très Clément. Les rigueurs liées à cette entreprise sont évoquées dans un hadith se rapportant «aux fins dernières de l’homme», selon lequel «des gens parmi les hôtes du Paradis iront vers certaines gens vouées à la damnation, et chercheront à savoir ce qui les a fait entrer en Enfer. «Nous, par le Tout-Puissant ne sommes entrés au Paradis que grâce aux choses que nous avons appris de vous». Les interpellés, aux supplices, répondront alors «En vérité, nous ne faisions que dire sans agir».
A. K. Cissé
Source: L’Essor