Sur la question de la dissolution des partis politiques lors de la plénière sur le Programme d’actions 2025-2026 de son gouvernement tenu ce lundi 19 mai au CNT, le Premier ministre, Abdoulaye MAÏGA, a donné les raisons ‘‘officielles’’ qui ont conduit la transition à cette extrémité démocratique.
Pour le chef du gouvernement, «la dissolution des partis politiques pour parvenir, à terme, à une réduction constituait une voie que nous avons trouvée pour appliquer une des recommandations fortes qui a été d’ailleurs préconisée par l’ensemble des forces vives de la nation ayant participé aux assises nationales de la Refondation, à savoir : la réduction du nombre des partis politiques.
Je voudrais saisir ici l’occasion pour dire que cette mesure ne vise absolument aucun parti politique en particulier. Le constat a été fait que l’anarchie malheureusement occasionnée par une prolifération anarchique de Partis politiques dans notre pays constituait un frein et même un danger pour la démocratie. (Donc, je pense que cette mesure a été prise, je voudrais inviter les uns et les autres, c’est vrai que nous entendons beaucoup de commentaires). Il n’y a absolument aucun projet derrière, mais c’est la seule voie salvatrice, paisible de parvenir à une réduction juste et équitable du nombre des partis politiques et de partir sur de nouvelles bases».
En français facile, pour mettre œuvre la recommandation des Assises nationales de la refondation (ANR) relative à la réduction, le gouvernement n’avait d’autre choix que d’appliquer la devise du Génie militaire à savoir : ‘‘Construire – Parfois détruire mais Toujours servir’’ pour aller sur de nouvelle base équitable. La mesure ne visant personne en particulier, et aucun projet n’étant derrière, est compréhensible et acceptable, malgré la faute démocratique.
Mais l’observateur de la scène politique perd son latin en se remémorant les explications tout aussi ‘‘officielles’’, distillées très officiellement, lors de son point de presse tenue, le 14 mai 2025, à la Primature, par le ministre délégué auprès du premier ministre chargé des réformes politiques et du soutien au processus électoral, Mamani Nassiré.
S’agissant de l’adoption du décret 2025-0339 PT-RM du 13 mai 2025 portant dissolution des partis politiques et des organisations en caractère politique en République du Mali, de la loi abrogeant la charte des partis politiques et des organisations en caractère politique et de la loi sur le statut du chef de fil de l’opposition, le verbeux ministre délégué dit que ces décisions s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des assises nationales de la refondation et des orientations données au gouvernement par le président de la transition. Pour ce qui est de la dissolution des partis politiques, il dit sans sourcilier : ‘‘C’est une décision qui a été prise en toute responsabilité dans la suite logique d’un processus qui est en cours depuis un certain temps. Pour nous, ce décret est important. Il n’a que des avantages parce que ça nous permet d’assainir la situation qui était en train de prendre des proportions inquiétantes alors que rien ne le justifie et que nous voyons parallèlement que les déstabilisateurs s’appuient de plus en plus sur les organisations politiques’’.
Il n’a pas échappé à Me Mountaga Tall, doyen des chefs de partis dissous et le Politique le plus engagé dans le combat pour le restauration de la démocratie, qui rejette l’accusation perfide de complicité de déstabilisation des partis politiques avec les terroristes contre lesquels notre pays se bat depuis plus 10 ans ou avec des puissances étrangères qui ne font pas leur deuil de notre souveraineté qui leur échappe désormais.
Parce que l’explication majeure donnée par le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Réformes politiques et du Soutien au processus électoral est : après la dissolution, ‘‘la situation (…) était en train de prendre des proportions inquiétantes alors que rien ne le justifie et que nous voyons parallèlement que les déstabilisateurs s’appuient de plus en plus sur les organisations politiques’’. A ka Kuma kolo man file.
Est-ce pour apaiser la tension politique que le Premier ministre a saisi l’opportunité du direct pour s’écarter des explications fumeuses de son ministre et pour s’adresser aux Maliens en leur disant qu’il n’y a aucun projet derrière la dissolution. Un élégant désaveu comme savaient le faire les officiers…
Tout est bien qui finit bien ?
Dans le cadre de la campagne gouvernementale de la sensibilisation sur le bien-fondé de la décision du Gouvernement de la Transition de dissoudre des partis politiques, le ministère de l’Entrepreneuriat National, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle a organisé une rencontre de haut-niveau à l’intention des cadres du département avec la participation de Mamani Nassiré, Ministre délégué auprès du Premier Ministre, Chargé des Réformes Politiques et du soutien au processus électoral.
Il s’agit d’éclairer, à travers les cadres, les Maliens sur le bien-fondé de la décision souveraine prise par le Gouvernement de la Transition de dissoudre les partis politiques et des organisations à caractère politique.
Selon la patron du département Oumou Sall Seck,‘‘cette démarche se veut transparente, pédagogique et ouverte, car un peuple bien informé est un peuple mieux préparé à contribuer, de manière consciente et constructive, à la vie de la Nation’’.
Evoquant les ‘‘motivations profondes’’ de la dissolution, elle :
‘‘Loin de remettre en cause le multipartisme ou les principes démocratiques, cette décision vise, au contraire, à restructurer en profondeur le paysage politique national, en réponse à une aspiration populaire forte, exprimée tant lors des ANR que du Dialogue Inter-Maliens.
Les objectifs poursuivis sont clairs :
•Mettre fin à une prolifération incontrôlée des partis politiques, souvent dépourvus de base réelle et d’impact constructif ;
•Refonder les bases d’une vie politique responsable, crédible et cohérente ;
•Lutter contre le nomadisme politique et le clientélisme ;
•Mettre un terme au financement public automatique, souvent inégalement réparti ;
•Ouvrir la voie à une nouvelle législation plus rigoureuse et mieux adaptée, garantissant une gouvernance politique plus saine’’.
Pour l’ex-maire de Goundam, ‘‘il est essentiel de rappeler que ce décret ne supprime ni la démocratie ni le pluralisme. Il constitue une étape transitoire vers un modèle politique plus efficace, plus représentatif et plus respectueux des attentes du peuple malien’’.
Au bénéfice de ces explications claires et raisons apaisantes avancées par Mme le ministère de l’Entrepreneuriat National, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, la question est : comment on enregistre autant de cacophonie dans une équipe qui n’a pas six (6) mois d’existence.
Car visiblement, l’observateur à l’impression légitime que le Ministre délégué auprès du Premier Ministre, Chargé des Réformes Politiques et du soutien au processus électoral, Mamani NASSIRE ne partage pas ses éléments de langage avec son Patron.
Or, dans ce contexte particulier de notre pays, notre survie commande notre unité, et notre cohésion. Comment est-possible que les autorités qui gouvernent le pays ne parlent pas le même langage ?
Et s’agissant d’une question aussi sensible que la dissolution des partis politiques, grave entorse à la démocratie, sur laquelle le monde entier nous attend au tournant ?
Sur la dissolution, les Maliens font face désormais à deux (2) vérités. La première celle de Mamani Nassiré, Ministre délégué auprès du Premier Ministre, Chargé des Réformes Politiques et du soutien au processus électoral qui dit que les partis ont été dissous parce que certains étaient dans un complot de déstabilisation contre notre pays. La seconde : celle plus apaisante du Premier ministre qui explique que c’est pour des raisons d’équité entre les partis qu’on a fait tabula rasa afin de repartir sur de nouvelles bases. Laquelle retenir ?
Affaire à suivre
PAR ABDOULAYE OUATTARA