Le président de la République et les siens peinent à instaurer un dialogue sincère et constructif avec les Maliens, notamment les partis politiques de tous les bords.
La très forte pression sociale a poussé le président de la République à échanger directement avec les forces vives de la nation. Cette soudaine volonté de dialogue d’Ibrahim Boubacar Keita a commencé, il y a quelques jours avec notamment l’audience que le chef de l’Etat a accordée au leader de l’opposition politique, l’honorable Soumaïla Cissé. Si l’on peut comprendre aisément que les contestations liées au projet de reforme constitutionnelle ont eu raison des plans d’un IBK inflexible dès le départ, l’on se demande encore ce que fera le président à l’issue de sa longue série d’entretiens. En la matière, le premier responsable de la nation s’est jusqu’ici montré imprévisible, allant souvent à faire des promesses sans lendemain. IBK s’est illustré sur des terrains sur lesquels les Maliens l’attendaient peu. Ce qui a fait dire à certains de nos compatriotes que quelles que soient les conclusions de ces échanges avec les forces vives de la nation, le successeur de Dioncounda Traoré restera fidèle à ses habitudes: décider en fonction de ses idées initiales tout en méprisant les préoccupations de ses interlocuteurs. Les exemples sont légion et ne laissent pas croire que le président reprendra la situation à main, à travers un changement de fusil d’épaule.
IBK et ses opposants politiques ne sont pas les meilleurs amis au monde. Ces derniers reprochent au président de la République son mépris de l’opposition politique. Son chef de file, l’honorable Soumaïla Cissé a même récemment déploré que le président « IBK ne respecte pas sa parole ». Une façon à peine voilée de dire que malgré les consultations de façade, l’opposition se retrouve toujours mise à la touche. Le régime IBK finit toujours par ignorer les inquiétudes des opposants. Rarement, un projet gouvernemental a acquis l’adhésion de l’opposition politique pendant les quatre premières années du premier quinquennat d’IBK.
La désapprobation de l’opposition du projet de révision de la constitution n’est que le prolongement d’une longue série de désaccords entre l’opposition et le pouvoir. D’un côté, les gouvernants, avec à leur tête le président IBK, soutiennent avoir associé les adversaires politiques du chef de l’Etat à toutes les étapes préparatoires du projet de nouvelle constitution alors que l’opposition clame haut et fort que ses propositions n’ont pas été prises en compte dans cette démarche. Un dialogue de sourds dans lequel la nation est le seul perdant à une période charnière. L’on se souvient également des vives critiques de l’opposition qui avaient précédé aussi bien la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation que la Conférence d’entente nationale. Dans tous les deux cas, l’Etat a seulement essayé de sauver les meubles.
Au-delà de l’opposition politique, la majorité présidentielle est elle-aussi victime du manque de dialogue républicain des gouvernants actuels. Dans ce bord politique, c’est la primauté du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti présidentiel. Les partisans d’IBK décident et les autres partis politiques doivent se plier à leur « diktat ». C’est pourquoi, au sein de la majorité présidentielle, il n’y a presque pas de place pour les critiques du pouvoir ou la remise en question des initiatives présidentielles.
La Convention de la majorité présidentielle (CMP) n’est donc pas un regroupement politique propice aux échanges francs et démocratiques. Ayant compris que la CMP n’était pas le cadre idéal pour un dialogue égalitaire, des partis comme Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) et l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba) ont vite fait leurs adieux au président IBK et à ses courtisans. Plus diplomate, l’ancien Premier ministre Moussa Mara et son parti Yelema, ont simplement « suspendu » leur participation à la CMP. De l’analyse du départ de Yelema de la CMP, il ressort que l’ex-chef du gouvernement et ses camarades étaient fatigués des « incohérences » entre la CMP et le gouvernement ainsi que du refus systématique de ce dernier de dialoguer. La saignée dans la mouvance présidentielle a encore de beaux jours devant elle.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
Source: lesechos