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Dialogue inter-maliens : que font les universitaires du Mali ?

Pour l’instauration de la paix, de la réconciliation et du vivre ensemble, les autorités de la transition ont initié, depuis quelques mois, le Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale ce, après avoir mis un terme à l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Confronté à de nombreux problèmes depuis plus d’une décennie, le Mali cherche ainsi à définitivement sortir de sa crise par des propositions de pistes de solutions émanant des différentes couches. Dans ce processus, les universitaires, normalement cellules grises du pays, ont-ils été mis à contribution ? Dans quelles proportions ? Font-ils actuellement le dialogue inter-maliens ?

 

Par décret N°2024-0053/PT-RM du 26 janvier 2024, les autorités de la transition ont institué le Comité de pilotage du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale, chargé de la préparation et de l’organisation du dialogue.

Des rencontres, suivies de consultations impliquant presque toutes les couches y compris le monde universitaire sont en cours en vue de trouver des pistes de solutions aux problèmes du pays. Selon Idrissa Soïba, Recteur à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako, ce dialogue vient à point nommé. Il corrige beaucoup de situations et de lacunes que le pays a connues. A son avis, les universitaires ont un très grand rôle à jouer dans ce dialogue. « Nous allons mettre le paquet, donner le meilleur de nous-mêmes par rapport au Dialogue, dire ce que nous pensons et faire une analyse sans complaisance de la situation du pays », indique le Recteur.

Et d’ajouter : « Je dirai que l’université est un laboratoire au sein duquel on forge les grandes orientations et les lignes directrices du pays. Tout pays qui veut se développer doit pouvoir amener les questions essentielles au niveau de l’université ». Chose que les autorités ont comprise à travers ce dialogue. Il trouve que c’est à partir de l’université que l’on peut avoir de l’éclairage nécessaire afin d’avancer. D’où cette précision : « ce processus est très important et capital pour l’orientation du pays ».

De son côté, le Recteur par intérim de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako, Pr. Anna Traoré estime qu’il y a eu beaucoup de « soi-disant dialogues » téléguidés dont l’initiative n’est pas venue des Maliens. Ce qui n’est pas présentement le cas avec ce Dialogue. Elle souligne que les universitaires ont participé à des conférences à Bamako et à Ségou. Pour elle, l’université est dotée de savoirs endogènes et exogènes. « Si le dialogue se tenait sans les universitaires, c’est comme si on avait exclu un pan important de la capacité de réflexions pour trouver des solutions aux problèmes », trouve le Recteur.

Puis de rapporter que les Maliens doivent pouvoir proposer de solutions aux problèmes en puisant dans leurs valeurs nationales. Assistant du directeur, Conseiller à l’ISPRIC, une université privée, M. Dabo Assi trouve que ce Dialogue est un bon projet. « Les armes ne sont pas forcément la solution pour résoudre la crise. Il faut impérativement du dialogue pour une paix durable ».

Professeur à l’Institut National de la Jeunesse et des Sports à Bamako, M. Abdourahamane maintient que la résolution des problèmes peut émaner de ce dialogue. Selon lui, l’université doit pouvoir apporter des éléments probants basés sur des recherches techniques et scientifiques pour la réussite de ces travaux. « Il y a plusieurs défis à relever dans le secteur, dont la pléthore des étudiants, la faiblesse des niveaux, etc. », énonce le professeur.

Universitaire à Ségou, Soumaïla Oulalé a même animé une conférence sur le Dialogue. Il annonce avoir confié des sujets de recherche sur le dialogue à certains étudiants de la région. Pour lui, les universitaires doivent jouer un rôle pédagogique, expliquer l’évènement aux étudiants, faciliter le dialogue aux autorités. Aussi, dit-il, « ils doivent jouer un rôle scientifique en montrant non seulement les insuffisances du dialogue, mais en s’appesantissant aussi sur les zones d’ombre de l’évènement. L’universitaire trouve que ce dialogue concerne l’ensemble des Maliens ».

Du point de vue du Dr. Allaye Niangaly, Professeur de Droit à Bamako, ce dialogue est déjà biaisé. « Ceux qui sont en train de se prononcer ne sont pas représentatifs de tous les Maliens ». Ainsi, indique-t-il, les universitaires doivent être les acteurs clés de ce dialogue et peuvent donner la bonne information. Ils doivent, selon lui, également sensibiliser la population sur l’importance et la nécessité d’aller vers la réconciliation nationale.

Membre du Comité de pilotage du Dialogue, le Pr. Issa Sacko témoigne que les universitaires ont analysé et proposé de solutions aux maux du pays. « Ils ont parlé sans langue de bois et mis à plat tous les problèmes en vue de les analyser », a-t-il confié. Après avoir assisté aux débats, le représentant du Comité signale qu’il y a un problème récurrent : celui de la justice. « Sur la paix, la réconciliation et la cohésion sociale, les universitaires estiment que la justice n’est pas distribuée convenablement. Beaucoup ont également souligné qu’il faut aller vers les mécanismes traditionnels de résolution des conflits ». Expliquant les raisons de l’implication des universitaires dans le dialogue, il dira que le pays se construit avec « l’intellect ».

Quelques contributions mises sur la table des autorités de la transition

A ce niveau, le Recteur par intérim de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako, Pr. Anna Traoré plaide pour « l’applicabilité des recommandations ». Et le Pr Abdourahamane de renchérir : « Il ne faut pas que ce dialogue soit comme les autres. Les recommandations issues des travaux doivent être suivies des faits. Il faut qu’il y ait, cette fois-ci, un suivi et la justice sociale au Mali ».

Soumaïla Oulalé de Ségou ajoute que la durée du temps du dialogue est courte. Il appelle à la prise en compte de toutes les sensibilités afin que tout le monde se reconnaisse dans les résultats des travaux.

En sa qualité de spécialiste de Droit, Dr. Allaye plaide pour « l’instauration d’un vrai dialogue inclusif ». Il invite les Maliens à se pardonner et à savoir faire des concessions. Par la même occasion, le juriste invite les autorités à dégager un chronogramme électoral détaillé pour la tenue des élections, voire à « tenir un langage franc au peuple ». Puis d’inviter les Maliens à s’accepter avec leurs différences ; rétablir l’électricité afin de relancer les activités économiques.

Mamadou Diarra

« Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED ».

Source: Le Pays

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