De la lecture du Collectif, cette nouvelle loi met définitivement fin aux dispositions du décret fixant les dispositions particulières applicables aux différents corps de fonctionnaires de la police nationale. Cependant, mentionne le document, aucun policier ne pouvait alors prétendre à une régularisation de sa situation administrative. Curieusement, la Cour suprême, après avoir jugé et fait droit à la demande d’une vague, a décidé de bloquer le reste des dossiers concernant 119 fonctionnaires de police se trouvant dans la même situation au nom d’une volonté politique.
Pour le Collectif, alors qu’il refuse d’appliquer le décret n°06-053 en violant les droits fondamentaux de ses membres, le général Salif Traoré s’apprête à appliquer le décret n°2019-0184/PRM du 5 mars 2019 portant intégration d’ex-combattants détenteurs de licence dans le corps des commissaires de police. “Il serait donc injuste d’intégrer certains dans le corps des commissaires de police en violation du Statut de la police et refuser d’intégrer d’autres avec la maîtrise ou le master”, déplore le Collectif.“Nous informons l’opinion nationale et internationale que nous allons nous opposer à l’application du décret de mars 2019 relatif au DDR à la police si le cas des 119 diplômés n’est pas au préalable résolu. Nous sommes préoccupés par cette discrimination. En effet, nous interpellons le ministre de la Justice, Me Malick Coulibaly, ainsi que les organisations de défense des droits de l’Homme, afin de corriger cette injustice”, conclut le document.
Dans une requête adressée à la plus haute juridiction de notre pays dont nous avons pu nous procurer une copie, le Collectif des 119 diplômés de la police nationale dénonce le déni de justice dont ses membres sont victimes et la violation des droits fondamentaux de ceux-ci de la part de la Section administrative de la Cour suprême, en complicité avec le ministre en charge de la Sécurité, le général de division Salif Traoré. Aussi, le Collectif interpelle le ministre de la Justice afin que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur.
Appelons que dans le souci de pallier le manque de cadres criard au sein de la police nationale, la hiérarchie avait décidé de puiser directement au sein du corps afin de permettre d’une part à certains agents détenteurs de diplômes supérieurs d’accéder au corps des commissaires de police et d’autre part d’avoir un vivier de ressources humaines compétentes. Pour cela, celle-ci avait dans un premier temps procédé à l’identification des inspecteurs de police et des sous-officiers de police détenteurs de diplômes supérieurs et universitaires afin qu’ils intègrent par vagues l’Ecole nationale de la police pour suivre la formation de commissaire.
C’est ainsi que le général Sadio Gassama, alors ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile, a pris le décret n°06-053/PRM du 6 février 2006 qui stipulait clairement en son article 47 que “les inspecteurs de police et les sous-officiers de police titulaires de la maitrise à la date d’entrée en vigueur du présent décret sont autorisés à entrer à l’Ecole nationale de police par vagues successives suivant l’ancienneté dans le grade et dans le service pour y subir la formation de commissaire de police”.
Selon le Collectif, en application de ce décret, plusieurs agents de police qui se trouvaient dans des situations identiques ont été nommés élèves commissaires par différents arrêtés du ministre en charge de la Sécurité. Aussi, poursuit le document, sur la base de la loi n°10-034 du 12 juillet 2010 portant Statut des fonctionnaires de la police nationale et du décret cité plus haut, la Cour suprême du Mali a régularisé la situation administrative de certains inspecteurs de police et sous-officiers de police, cela sur la base du principe de l’égal traitement des citoyens devant le service public sans opérer une quelconque distinction entre les détenteurs ou non des congés de formation.
Quand la Cour suprême viole l’article 2 de la Constitution
Selon le collectif, dès lors et contre toute attente, la Section administrative de la Cour suprême a décidé de suspendre le jugement des autres cas se trouvant dans la même situation sans apporter la moindre justification. Et d’ajouter que cette attitude de la plus haute juridiction de notre pays est de nature à discriminer certains fonctionnaires du même corps devant la loi en violation de l’article 2 de la Constitution qui stipule que : “Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée”.
Et de préciser qu’en octobre 2016, le gouvernement a abrogé le décret n°06-053/PRM du 6 février 2006 qui avait ouvert la voie à la régularisation par le décret n°07-93/PRM du 14 octobre 2016 tout en voulant rétroagir cette nouvelle loi sur les affaires déjà pendantes devant la Cour suprême. “Vouloir rétroagir une nouvelle loi à une situation juridique antérieure est une violation flagrante du principe de non rétroactivité de la loi et du cas jurisprudentiel. Pour le respect de ce principe, il n’est pas convenable d’appliquer une loi à des actes ou des faits juridiques qui se sont passés antérieurement au moment où elle a acquis effet obligatoirement”, peut-on lire dans le document.
Boubacar PAÏTAO
Source: Aujourd’hui-Mali