Le bilan humain des attaques récentes contre les forces de défense et de sécurité ont eu pour effet de sonner la mobilisation générale autour du soutien affirmé à celles-ci et de remettre la problématique de défense au cœur des débats quotidiens. Faute d’une cohésion nationale autour de cette question essentielle pour la survie de la nation, les préconisations, les approches et les solutions fusent de toutes parts dans un climat passionnel de nationalisme, souvent douteux, qui ne laisse aucune place à la sérénité de réflexion et de proposition.
Dans le chaudron de patriotisme à tout va xénophobe, l’équation est sommairement posée : le problème, c’est les autres ; les autres ce sont ceux qui sont là pour régler notre problème ; ce sont la France et la MINUSMA. La solution, pardon la sentence, est tout aussi sommaire : alors basta la France dégage ! Basta la MINUSMA, dégage !
De plus en plus, les déclarations et manifestations pour réclamer le départ des forces françaises et internationales se multiplient. On fait croire aux populations que tous les problèmes que nous avons, la guerre asymétrique qui nous vaut tant de victimes est due uniquement à la présence des forces étrangères chez nous. On reprend ainsi mot pour mot, les propagandistes djihadistes de Iyad Ag Ghaly et Amadoun Dicko et on inocule aux Maliens le virus de la haine. La haine de l’autre, l’hôte de l’hôte que nous avons appelé à notre secours, l’autre qui est à nos côtés et paye aussi, chaque jour, le fort tribut pour notre guerre.
En chassant les forces françaises et internationales sous mandat des Nations-Unies, parce que ce sont des envahisseurs qui souillent notre terre, instrumentalisent et entraînent la guerre, ne cède-t-on pas là à la revendication principale des djihadistes à l’international qui s’expriment aujourd’hui dans le pays à travers le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, affilié à l’État islamique, auquel nos deux compatriotes ont fait allégeance ?
Une affligeante méprise
Dans une affligeante méprise pour l’existence même de notre pays, on concocte et agite des formules toutes faites à la face d’une population crédule parce que lasse de vivre dans une situation d’insécurité chronique ! La solution, c’est, dit-on, l’annulation de l’accord de défense avec la France ! La paix, dit-on, c’est le départ de la France ! La paix, c’est, dit-on, le remplacement des Français par les Russes ! Le remplacement des Français par les Russes, c’est un partenariat Win Win qui fera monter en puissance nos FAMa, comme par enchantement, et garantir notre souveraineté sur l’ensemble du territoire. Kidal reviendra nôtre ; la paix et la prospérité germeront partout tels des champignons !
Mais ce que nos apôtres du djihad anti-français ne vous disent pas, c’est, d’une part, que le traité du 16 juillet 2014 signé entre la France et le Mali, prétendument appelé « accord de défense » n’est pas celui qui engage la France dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, mais bien l’Accord signé les 7 et 8 mars 2013.
Et, d’autre part, que, le Mali est déjà engagé avec la Russie à travers au moins un accord, mais qu’elle n’est toujours pas là contrairement aux Français, aux Américains et aux Chinois. En effet, outre l’Accord de défense signé avec la Russie en juillet dernier, le Mali avait déjà plusieurs accords avec le pays de Poutine, comme avec la Chine et les États-Unis.
Notre pays est, en effet, lié à la Russie par quatre instruments juridiques d’ordre militaire : le Protocole d’Accord de coopérations militaire, signé le 28 mars 1994 à Moscou; l’Accord sur la coopération militaire, signé le 25 mars 2003 à Moscou ; l’Accord portant sur l’assistance technique et militaire, signé le 21 décembre 2006 à Moscou et l’Accord de coopération militaire signé le 25 juin 2019 à Moscou par les ministres de la défense de nos deux pays respectifs, Sergueï Choigou et Ibrahim Dahirou DEMBELE, en marge du Forum Armée 2019 près de Moscou.
Pour ce qui est de la Chine, deux accords nous lient à ce pays. Il s’agit du Protocole relatif à la fourniture d’un crédit d’assistance militaire, signé à Bamako, le 4 septembre 1991 et le Protocole relatif à l’assistance militaire, signé à Bamako, le 18 décembre 1995. À travers ces accords, la partie chinoise peut envoyer ses experts militaires pour assister le personnel malien dans les domaines de l’utilisation et de la maintenance de matériels de réseau de transmission militaire réalisé avec son aide.
Quant aux États-Unis, nous sommes liés à travers un accord d’Assistance Militaire signé le 20 mai 1961, dans le but d’assurer la sécurité et l’indépendance du Mali. À travers cet accord, les États-Unis pour appuyer la jeune République du Mali qui a rompu ses relations avec la France, s’était engagé à lui fournir l’assistance militaire, et le Gouvernement du Mali utilisait bel et bien le matériel et l’équipement fournis par les États-Unis d’Amérique dans le seul but de préserver sa sécurité intérieure et d’exercer son droit de légitime défense.
Plus près de chez nous, le Mali a signé d’autres accords de coopération, soit en matière de défense, soit en matière de non-agression avec la République de Guinée, la République algérienne et la République islamique de Mauritanie.
La vaine guerre
Alors dire que la France a tordu la main au Président IBK pour avoir l’exclusivité en matière de coopération militaire est de vaine guerre qui ne nous fera pas sûrement gagner notre guerre. La France n’a pas contraint et forcé le Mali à signer ce qu’on appelle faussement accord de défense (le traité du 16 juillet 2014) ni même l’accord de mars qui autorise, a posteriori, l’opération Serval devenue aujourd’hui Barkhane.
Ce qu’on appelle accord de défense n’a rien de défense en terme opérationnel. Jean Yves le Drian avait tenu à clarifier les choses après la cérémonie de signature le 16 juillet 2015 au ministère de la Défense : « ça n’a rien à voir avec l’accord opérationnel. Là il faut bien s’entendre. Il y a un accord opérationnel qui existe depuis le mois de mars 2013 pour les opérations qui sont en cours. Le traité de coopération est un cadre beaucoup plus vaste et beaucoup plus sur la longue durée. Il fixe de manière très claire la réciprocité de nos engagements sur la durée pour la sécurité du Mali. Il appelle à fixer le cadre de la coopération en matière de formation, d’équipements, de communication. Ça veut dire aussi avoir les garanties juridiques pour les personnels militaires français présents au Mali ou pour les personnels maliens présents en France ». Mais hélas ! Dans le dessein de manipuler et suivant les agendas les plus obscurs des uns et des autres, le traité est présenté comme plan français de la partition du pays, l’instrument qui empêche notre armée de reconquérir Kidal, comme si Kidal ne faisait plus partie du Mali !
Pour la gouverne de tenants de la ligne « IBK, c’est la France », le Traité en matière de coopération militaire du 16 juillet 2014, signé par le gouvernement MARA, a été rédigé sur le modèle des accords et traités instituant des partenariats de défense de seconde génération (après 2008, le discours du Cap de Nicolas Sarkozy) conclus par la France entre 2009 et 2012 avec huit autres États africains (Union des Comores, Cameroun, Togo, République centrafricaine, Gabon, Côte d’ivoire, Djibouti, Sénégal). C’est du copier-coller, partout. C’est vérifiable. À moins qu’on nous explique que la France veut aussi diviser ces pays qui n’ont de Kidal sur leurs territoires !
Sortons de la diabolisation !
Le traité signé par nous comme par les autres est rédigé de manière réciproque, afin de couvrir juridiquement les personnels français au Mali et les personnels maliens en France et s’inspire, à ce titre, des accords signés avec le Togo et l’Union des Comores précédemment cités.
Comme pour les autres États précités, il a été décidé d’inscrire dans un texte unique le nouveau cadre juridique de notre relation de défense. Selon un rapport présenté au Sénat français le 3 juin 2015 par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères français au nom de Manuel Valls, Premier ministre français en vue de l’adoption dudit Traité conclu entre le Mali et la France, cette relation ne comporte pas de clause impliquant un concours de la France à notre pays en cas d’agression extérieure et encore moins en cas de troubles intérieurs. Toutes choses qui étaient le propre des anciens accords de défense.
L’objectif principal de la coopération française est désormais d’aider l’Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective, ce à quoi contribuent les coopérations structurelle et opérationnelle.
La coopération française en Afrique, singulièrement dans le domaine militaire a évolué, sachons-le, intégrons-le, et arrêtons de tromper nos concitoyens. Depuis le sommet franco-africain de Ouagadougou de 1996, la ligne directrice d’une éventuelle intervention consiste à rechercher une solution à dominante africaine, parce que la France, ont rappelé à satiété ses dirigeants, n’a plus vocation à jouer les « gendarmes de l’Afrique ». La dernière grande mise à jour de cette coopération, c’est le discours du 28 février 2008 de Nicolas Sarkozy avant le Livre-Blanc de 2013. En voici les lignes directrices : « La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a 50 ans ! Je ne dis pas que ces accords n’étaient pas justifiés à l’époque. Mais, j’affirme que ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. La rédaction est obsolète et il n’est plus concevable, par exemple, que l’armée française soit entraînée dans des conflits internes. L’Afrique de 2008 n’est pas l’Afrique de 1960 ! La France en tirera toutes les conséquences avec ses partenaires africains ».
Lapalissade
La France doit partir parce qu’elle est intervenue pour ses propres intérêts. En voilà une lapalissade qui frise l’ingratitude ! Mais quand est-ce que nous Maliens, allons formater notre logiciel et y intégrer que les nations n’ont pas d’amis, mais seulement des intérêts. Aussi, il nous faudra bien convenir que l’intervention française de 2013 à travers Serval puis Barkhane n’était pas qu’une opération purement humanitaire ! L’image des Mirages français qui fendent le ciel pour venir arracher et sauver le peuple charmant du joug des obscurantistes, de méchants djihadistes, comme le sait bien décrire le Président IBK, procède beaucoup du conte de fées !
Oui, la France est intervenue à la demande des autorités maliennes pour stopper la progression des djihadistes, mais elle est aussi intervenue dans le cadre de ses intérêts bien compris.
L’intervention dans un pays qui n’a jamais accepté depuis le 20 janvier 1960 de présence militaire française sur son sol était pour Paris une aubaine. Seule puissance libératrice, adulée par à travers Serval, la France s’assurait à travers les accords du 7 et 8 mars et le Traité du 16 juillet, le monopole de l’infinie gratitude du peuple malien. Toutes choses qui assuraient, dans la durée, des débouchés aux entreprises françaises dans les domaines de l’armement et de l’équipement des forces de sécurité, première industrie de France.
Si le Traité est une opportunité pour les formes armées maliennes d’acquérir des méthodes de travail et d’équipement favorables, il inscrit dans la durée l’influence militaire française dans notre pays.
Toutefois, sans aucune concession à l’hystérie anti-française, notons aussi que les effets du Traité auraient pu être également positifs sur l’économie malienne : si… nous, nous n’avions pas été naïfs et nuls. En effet, des forces mieux formées auraient pu contribuer, en effet, à une meilleure sécurisation des échanges économiques et donc à une croissance économique durable dans le pays. Sauf que les obligations du Traité ne pèsent pas que sur la France en matière de formation. La France fournit des formateurs, à nous de lui proposer des candidats capables d’être formés… Interrogeons à cet égard les conditions de recrutement au sein de notre armée… Mais aussi notre attentisme servile !
Pour le Malien lambda, dès que la France est venue, game is over : Anw ka bara bana ! Puisqu’elle est là, c’est désormais à elle de faire tout le travail, de faire notre guerre à notre place, de mourir pour nous en combattant les djihadistes… Nous, nous n’avons qu’à dormir !
Le dessein inavoué
Tous ceux qui ne prêchent pas dans cette chapelle de fainéantise grotesque, en chantant le refrain actuellement à mode (la France dégage) sont des hypocrites et des traîtres !
Non, la fierté et la dignité de la grande nation malienne n’est ni dans l’exclusive ni dans le déni. Nous avons été meurtris quand notre pays a failli tomber sans l’intervention de la France, nous nous sommes sentis humiliés lorsque ce confrère un peu satirique sur les bords avait laissé entendre que nous n’avions pas les moyens de notre orgueil et de notre fierté. Les avons-nous toujours ? À défaut, avons-nous un plan B ?
Que ferons-nous demain si la France et la MINUSMA pliaient bagage ? Notre armée, en reconstruction, est-elle à mesure de faire face aux légions djihadistes ?
C’est pourquoi, nous pensons que défendre le maintien de la France et de la MINUSMA, dans le contexte du Mali de novembre 2019, c’est soutenir les FAMa, c’est défendre la patrie. Ceux qui prônent le contraire soit se trompent de bonne foi ou ont été sciemment indus en erreur soit ont d’autres agendas. Et le plus clair : faire partir le Président IBK même au prix de la dislocation du pays. Commettrons-nous deux fois la même erreur ? Prendrons-nous deux fois le même risque ? Depuis 2010, le Président ATT n’avait de cesse de crier sur tous les toits : il faut mutualiser les forces, le Mali seul ne peut pas. Comme toute réponse, on l’a traité de tous les noms et raillé que son pays est le ventre mou de la lutte contre le terrorisme et que c’est lui-même le problème… Pour le renverser, on a laissé la situation pourrir, les mêmes conspirèrent à travers : soutien de façade à l’armée, marche contre la révision constitutionnelle, occupation des villes qui tombaient les unes après les autres… Où en sommes-nous ? À regretter le général ATT que Info-Matin lui-même avait traité de « général fuyard » !
Que partent les Français et la MINUSMA ! Mais après… La nature a horreur du vide ! Tant que notre armée nationale ne sera pas en capacité de sécuriser et de garantir l’ensemble du territoire national, c’est le boulevard pour les hordes terroristes, les moudjahidines de l’État islamique. Tant que nous sommes incapables de nous défendre par nous-mêmes, sans l’aide et le soutien d’autres nations, c’est comme si on envoyait des visas aux djihadistes de venir occuper notre territoire, y ériger des Katibas, y proclamer partout la charia et peut-être établir leur capitale à Tombouctou ou à Nioro du sahel.
Complot contre le Mali ! Complot contre le Mali !
Mais la France est là depuis 6 ans, si c’était son plan, et chacun sait que militairement c’est une puissance, notre pays aurait volé en mille morceaux !
Ne tombons pas dans le piège de l’État islamique en cédant aux chants de sirène de ses cellules dormantes. Parce que demander le départ des forces étrangères sans avoir une armée prête à prendre le relais, ce n’est pas défendre le Mali et son unité, c’est défendre le plan de sa dislocation, de son éclatement en plusieurs petites Katibas. Et c’est en réalité cela le complot contre le Mali et sa souveraineté.
À bon entendeur salut
LA RÉDACTION