Si depuis la signature définitive, le 20 juin 2015, de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali (APRM), sa mise en œuvre n’en finit pas de pécher par les sautes d’humeurs de ses signataires, il faut dire qu’en réalité, ce sont plutôt les perceptions, que se font les uns et les autres, qui diffèrent en ce qui concerne bon nombre de dispositions de l’Accord en question. Du côté de la majorité écrasante des maliens, toutes tendances confondues, on ne se reconnait pas dans cet accord qui dégage des relents de partition du pays.
C’est pourquoi, depuis la signature de l’APRM, sa mise en œuvre a toujours été tributaire des sautes d’humeur de ses signataires. En tout cas ce qui ne fait l’ombre d’aucun doute, aujourd’hui, est que le peuple garde un œil très attentif sur le déroulement des opérations de mise en œuvre de l’Accord d’Alger. C’est donc dire que la position du peuple a changé, vis-à-vis dudit Accord, même s’il avait soutenu ne pas s’y reconnaitre, au motif qu’il n’a pas été associé aux pourparlers qui ont abouti à l’élaboration de cet Accord. D’autre part il est aisé de constater que les autorités de la transition ont plutôt opté pour une politique d’accélération de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. Même si les maliens n’ont pas été édifiés de cette option de nos autorités, il n’en demeure pas moins que des indices probants le démontrent. Au nombre desquels indices, la visite officielle que le Chef de l’Etat Bah N’Daw a effectuée auprès de son homologue français le 27 janvier dernier, avec en toile de fond les mesures à prendre pour accélérer l’application de l’APRM. Outre cette visite officielle, on retiendra aussi l’entrée significative des ex-rebelles dans le gouvernement de transition et aussi leur présence non négligeable au sein du Conseil National de Transition (CNT). A cela s’ajoute la visite d’une importante délégation ministérielle à Kidal, en fin janvier dernier. Et comme couronnement de toutes ces ‘’supposées’’ avancées, dans le processus de paix issu des pourparlers d’Alger, la 42ème session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) a été délocalisée, le 11 février 2021, à Kidal.
C’est le point de départ d’une politique de délocalisation à outrance, des sessions du Comité de Suivi de l’Accord (CSA)
Aujourd’hui 29 mars 2021 c’est la ville de Kayes qui accueille la 43ème session ordinaire du CSA. Cette politique de délocalisation des rencontres du CSA, à travers les grandes villes du pays, vise à édifier les populations sur les tenants et les aboutissants de l’Accord issu du processus d’Alger. Si de par cette politique de délocalisation des sessions ordinaires du CSA, les autorités de la transition veulent envoyer un signal fort quant à leur volonté d’accélérer le processus d’Alger, il faut dire que la situation suscite beaucoup de polémique, tant au sein des groupes armés signataires de l’Accord que du côté des organisations de la société civile et des formations politiques. C’est ainsi que des regroupements d’organisations de la société civile sont vent debout pour réclamer une relecture de certaines dispositions de l’Accord qui, à leurs entendements, portent les germes d’une partition du Mali. Et pourtant, à bien y disserter, on concéderait volontiers que cette relecture de l’Accord est d’une nécessité absolue. A cet effet, on donnerait raison à M. Nicolas Normand, ex-Ambassadeur de la France au Mali, qui fait remarquer que « Il est donc urgent de réviser l’accord signé en 2015 en redonnant la primauté à l’État, en associant les diverses composantes de la Nation malienne, sans pression extérieure d’acteurs bien intentionnés, mais ignorant la complexité locale ». Comme pour souscrire à cette remarque du diplomate français, nombreuses avaient été les voix qui se sont élevées pour tirer sur la sonnette d’alarme en adressant une espèce d’avertissement à l’endroit des autorités de la transition, auxquelles on tente de faire comprendre que « si réellement elles sont mues par le bien-être des populations maliennes, comme elles le prétendent, elles doivent alors être à l’écoute de cette même population, sans malice, ni autre calcul. Donc en appliquant l’Accord en l’état, elles creuseront encore un large fossé qui les éloignerait des desiderata du peuple. Et les conséquences pourraient être très dommageables ».
A l’entendement du peuple malien et conformément aux recommandations du Dialogue National Inclusif (DNI), la relecture des dispositions de l’Accord doit primer sur toute action entrant dans le cadre de sa mise en œuvre
Cette prédisposition d’esprit chez les citoyens maliens est tout simplement légitime et d’ailleurs, les autorités de la transition y avaient souscrit en promettant de faire des recommandations du DNI, leur canevas de travail. On serait donc porté à se demander, quid de la relecture de l’APRM et pourquoi tant de tergiversations pour la rendre effective ? A partir du moment où c’est le peuple souverain du Mali qui le veut.
El Hadj Mamadou GABA
Le Soir de Bamako