Dans une démocratie représentative, le terme d’élection traduit l’action par laquelle le citoyen choisit par voie de suffrage, son mandataire : président de la République, président d’association, président de syndicat, Pape, député, conseiller municipal… Élire, c’est voter en glissant un bulletin dans l’urne ou à main levée, selon les règles juridiques, encadrant le scrutin. En général, le suffrage dans un corps politique est à bulletin secret.
Un des outils du système démocratique, l’élection est donc un processus par lequel le citoyen vote pour une ou plusieurs personnes pour exercer une fonction en vue de la conduite des affaires publiques. La sociologie électorale (Siegfried, 1910) a largement traité les stratégies électorales. En fonction de la particularité des pays, l’analyse des élections permet de questionner la maturité des États pour minimiser les éventuelles crises post électorales.
Une leçon universelle de démocratie
Mardi, 14 novembre 2023, Monsieur Joseph Nyumah Boakai est élu président du Liberia avec 50,89% des voix exprimées au second tour de la présidentielle. Les libériens ont choisi Boakai (79 ans), deux fois l’aîné du président sortant, l’ancien ballon d’or africain, Georges Weah, 57 ans. Le leadership n’a pas d’âge. Grâce à sa ténacité, Monsieur Boakai devient le 3eme président démocratiquement élu du Liberia, pays membre de la Cedeao. Le président sortant, Weah, félicite le vainqueur Boakai. Quel fair-play ! Les a priori antidémocratiques se défont. Une leçon universelle de démocratie pour la classe dirigeante africaine, tributaire des blocages moraux les empêchant de reconnaître leur défaite. Vice-président du Liberia (2006-2018) durant le mandat d’Ellen Johnson Sirleaf, le nouveau président Monsieur Boakai prône l’unité pour reconstruire son pays, victime de la guerre civile des années 1990. La victoire de Boakai est assurément liée au vote d’une population libérienne qui aspire à l’alternance démocratique. Espérons que le Liberia serve de modèle pour les pays où sont prévus des scrutins présidentiels.
La prudence est de mise
Le 20 décembre prochain, les Congolais votent entre le président sortant candidat à sa propre succession, Félix Tshisekedi (60 ans) de l’Union pour la démocratie et le progrès social et les candidats de l’opposition. Les challengers de ce dernier sont Martin Fayulu (67 ans) du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement, Moïse Katumbi (58 ans) du parti Ensemble pour la République et l’indépendant Dénis Mukwege (68 ans), prix Nobel de la paix en 2018. Au son de la campagne électorale congolaise sont psalmodiés des mots comme la justice, l’espoir, la dignité, la démocratie, la sécurité, etc. Tout le monde se dit combattant pour la paix. Le pays de Patrice Lumumba en a besoin. Le Nord-Est (Nord-Kivu) est en effet secoué par la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) depuis plus d’une décennie. L’équilibre sécuritaire est fragile. Le 22 novembre 2023, le gouvernement congolais signe une note pour un « retrait accéléré, progressif, ordonné et responsable » de la Monusco. La prudence est de mise dans un des pays les plus importants de la Cemac, Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.
La conscience politique du peuple sénégalais
Le 25 février 2024, le Sénégal, pays membre influent de la Cedeao, organise son scrutin présidentiel pour élire le successeur du président sortant, Macky Sall. La liste des compétiteurs à la magistrature est longue. Amadou Ba (62 ans) de la coalition unis par l’espoir, Khalifa Sall (67 ans) de Taxawu Sénégal, ou Karim Wade (55 ans) du PDS parti démocratique sénégalais sont chacun dans son couloir. Mais en raison de l’incertitude sur la candidature d’Ousmane Sonko, c’est le secrétaire général de l’ex Pastef, Bassirou Diomaye Faye, qui est choisi pour la présidentielle de 2024. Rappelons que le parti Pastef a été dissous en juillet 2023 par le pouvoir sénégalais pour appels à des « mouvements insurrectionnels ». Rappelons aussi que Bassirou Diomaye Faye est en prison depuis avril 2023.
Le contexte politique sénégalais est tendu. Les rivalités entre une partie de l’opposition incarnée par l’ex-Pastef et le parti du président sortant (Alliance pour la République) ne détendent pas l’atmosphère. Ceci dit, le pays de la Teranga a besoin de faire un sursaut historique. Le Sénégal est un des rares pays de l’espace Cedeao à ne pas souffrir de putsch militaire probablement grâce à la conscience politique de son peuple. En dépit de la division des opinions publiques, la défense d’un intérêt commun, celui de la démocratie et de la République depuis 1960, a favorisé la stabilité politique du Sénégal. Espérons que cet esprit collectif prédomine encore et ailleurs dans la Cedeao.
Entre pacification et scrutins
Le 25 septembre 2023, l’exécutif malien a annoncé « un léger report pour des raisons techniques » de la présidentielle de février 2024. Un léger problème ! Mais depuis silence radio. Certes, la ville de Kidal a été reconquise par les FAMa grâce à l’inversion des rapports de force. Les Maliens s’en réjouissent. Certes, le 5 décembre 2023, la dénonciation simultanée des conventions de non double imposition avec la France d’un côté et le Niger et le Mali de l’autre n’arrange pas l’affaire. Les motifs de cette nouvelle passe d’armes, selon les gouvernements malien et nigérien, c’est « … l’attitude hostile persistance de la France contre nos États […] et le caractère déséquilibré de ces conventions causant un manque à gagner… ». Souvenons-nous que le Burkina Faso a déjà dénoncé la convention fiscale avec la France en août 2023. Les relations entre le pouvoir français et les pouvoirs malien, burkinabé et nigérien sont comme des tensions de famille.
Elles oscillent entre rejet, écœurement et nombrilisme. On se discrimine à tire-larigot. Passons ! Mais, la priorité du Mali demeure la pacification du pays et l’organisation du scrutin présidentiel. La multiplication des récentes attaques narcoterroristes à Ménaka, Dioura, Tessalit et Niafunké témoignent de la poussée de l’EIS et d’Aqmi. Nul doute que dans ce contexte, les stratégies de lutte contre le narcoterrorisme doivent être réinventées. Mais un autre fil important à tirer pour la stabilité de nos États, c’est celui de l’organisation des scrutins présidentiels.
Terminons cet article par le bout par lequel il est commencé : l’élection. Certes, l’élection à elle seule ne suffit ni à construire la démocratie ni à développer un pays. Mais, elle est un des meilleurs outils pour évaluer la vitalité politique et démocratique d’un État. Plus les élections se tiennent à fréquence régulière, plus elles sont susceptibles de mieux arrimer conscience citoyenne et épanouissement démocratique.
Mohamed Amara
Sociologue
Mali Tribune