L’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants :
Prend acte de « la loi d’entente nationale » au moment même où le Gouvernement du Mali rassure de son engagement à organiser le procès d’Amadou Haya Sanogo et autres, dans un bref délai et dans les meilleures conditions ;
Relève que la dite loi, sans être une loi d’amnistie, prescrit l’extinction de l’action publique et l’exonération des poursuites judiciaires, à charge pour les procureurs de les mettre en œuvre concernant toute personne impliquée dans les crimes commis dans le cadre des évènements de 2012 et années suivantes ;
Déplore qu’une telle loi qui, de par son nom, requiert de larges consultations et des séances d’écoutes de spécialistes, avant son adoption, ait été votée en tapinois, dans la précipitation et dans la plus grande opacité ;
Réprouve qu’elle ait attribué de lourdes responsabilités aux procureurs en violation des dispositions pertinentes du code de procédure pénale, sans que ceux-ci aient été associés à la moindre étape de son processus d’élaboration.
Considérant qu’une Assemblée Nationale, largement en dépassement du mandat constitutionnel et dont la légitimité est sujette à polémique, n’est pas habilitée pour prendre des décisions aussi graves, jusqu’à mettre en cause les dispositions d’un code de procédure pénale en vigueur, voire même de la Constitution du Mali ;
Considérant que cette « loi d’entente nationale » sans pareille et unique en son genre, comme un arrangement taillé sur mesure, une mascarade et une caution donnée à l’impunité ;
Vu les objectifs des associations internationales et nationales des procureurs et poursuivants et leur engagement dans la lutte contre l’impunité par la promotion de poursuites efficaces respectueuses des principes de bonne justice et des droits de l’Homme ;
Vu que cette loi d’entente nationale, source de confusion et de chevauchement de textes, est de nature à entrainer le pays dans un précipice, de ternir son image au sein de la communauté internationale, de plus en plus hostile à toute culture de l’impunité ;
Invite les procureurs à assumer pleinement leurs responsabilités, en se conformant aux seules dispositions du code de procédure pénale.
Bamako le 8 août 2019
Le Président
Cheick Mohamed Chérif KONE
Magistrat, Avocat Général à la Cour Suprême