Les gares routières sont prises d’assaut par de nombreux voyageurs, particulièrement des femmes. Le flux est tel que beaucoup ont arrêté temporairement la vente des billets jusqu’après la fête
Mercredi 7 août à la gare routière « Diarra transport », sis à Sogoniko en Commune VI de Bamako. Il est environ 7 heures. En cette matinée, quelque peu ensoleillée, la cour de cette compagnie de transport en commun grouille de monde. Deux cars vides y sont stationnés. Ils n’attendent que l’appel des passagers pour prendre le départ. Des voyageurs envahissent les alentours. Certains, munis de bagages, bloquent le passage. Difficile de se frayer un chemin pour joindre les guichets. Où sont dressées d’interminables files d’attente. De quoi décourager les nouveaux arrivants. Les voyageurs qui ont déjà leur billet en main attendent patiemment l’heure du départ. Certains sont assis sur leurs valises, pendant que d’autres, debout, veillent sur leurs bagages comme pour se prémunir des petits voleurs qui ne manquent pas d’occasion pour s’emparer des biens d’autrui. Dans ce tohu-bohu, des apprentis chargent les bagages dans les différents compartiments des coffres du bus. Pendant que des vendeurs ambulants harcèlent les voyageurs avec divers articles à vendre.
Telle est l’ambiance générale qui, des jours précédant la Tabaski, règne au niveau des compagnies maliennes de transports en commun. En effet, à l’instar de plusieurs communautés musulmanes, le Mali célèbre, ce dimanche 11 août, l’Aïd El Kébir, appelée fête de Tabaski. A l’approche de cette fête du sacrifice du mouton, le transport en commun figure parmi les activités qui connaissent un boom. Car, Bamako, la capitale où sont concentrés plusieurs ressortissants des différentes régions du Mali, se désemplit. Ces Bamakois de circonstance rejoignent leurs villages respectifs pour fêter avec les leurs. En cette période, les compagnies routières sont prises d’assaut par de nombreux voyageurs, notamment des femmes. Le flux est tel que certaines d’entre elles arrêtent la vente de billets jusqu’après la fête. Toutes les places ont déjà été réservées. Au niveau des compagnies qui refusent les réservations de tickets, se dressent néanmoins de longues files d’attente autour des guichets.
Ces voyageurs ont raté les premiers cars qui ont déja quitté la gare
DÉBORDÉS. Le chef de la billetterie à « Diarra Transport », Dramane Berthé confie : « Depuis quelques jours, c’est cette ambiance qui règne au niveau de notre gare ». Il ajoute : « Nous recevons des voyageurs pour diverses destinations. Notre compagnie est sollicitée à tout moment de l’année, Dieu merci. Mais à l’approche des fêtes, particulièrement la Tabaski, nous sommes débordés. Car, beaucoup de gens rentrent au village pour la fête. Nos cars quittent chaque jour le matin depuis 2 heures jusqu’à 11 heures, le soir de 13 heures à 20 heures », révèle le chef de la billetterie, débordé.
«Un garçon a raté son car. Qu’est-ce qu’on peut faire pour lui ? », lance un apprenti. Non loin de lui, Mme Diarra, assise sur un banc, semble fatiguée. Elle ne rechigne pas à décrire la gymnastique à faire au niveau des compagnies à l’approche de la fête. « Je dois me rendre à Koutiala pour la fête. Depuis 5 heures du matin, je suis plantée là. Le comble ! Je ne sais pas quand est-ce que nous allons embarquer », s’inquiète-t-elle, en se disant sûre d’une chose. Sur chaque car sont affichées des lettres de l’alphabet français. Le voyageur embarquera dans le bus, dont la lettre correspond à celle marquée sur son ticket. « Mais, c’est tout un tas de problèmes d’accéder à l’intérieur du car. Surtout quand tu es muni de plusieurs bagages. Les apprentis préfèrent ceux qui n’ont pas assez de bagages. On ne te parle même pas. Or, on ne peut pas voyager sans ses bagages », insiste-t-elle.
À quelques encablures de cette compagnie, se trouve la gare routière «Folona». Elle aussi fourmille de passagers en standby. Un car garé attend ses voyageurs dispersés un peu partout. Des voyageurs obstruent la devanture. Non loin de là, au niveau de l’unique guichet, des voyageurs font la queue. Un enfant sur le dos, tenant un sachet contenant du pain, Ramata attend, visiblement impatiente. Elle et sa belle sœur attendent leur tour. «Nous avons pris les billets hier. Mais nous sommes là depuis le matin de bonne heure. Comme chaque fête, nous nous rendons à Sikasso pour fêter avec la belle famille. Ma belle sœur et moi avons pris les devants. Nos maris nous rejoindront d’ici le jour de la fête», confie-t-elle, mains et pieds bien tatoués au henné.
Non loin d’elles, près d’un car, est debout la famille Sanogo. Devant eux sont déposées deux valises à même le sol. Le couple attend l’appel pour embarquer. Ils sont accompagnés de deux fillettes. Les têtes finement tressées et déjà prêtes pour la fête. « Je suis avec mon mari, ma sœur et ma fille. Nous partons à Sikasso ville pour la fête », lance-t-elle l’air timide, sirotant un jus. A peine finit-elle cette confession, son mari apparaît et se mêle à la conversation. « Cela fait 5 ans que nous fêtons la Tabaski auprès des nôtres. Nous sommes installés à Bamako, mais les parents résident à Sikasso», explique-t-il, d’un ton courtois.
Dans cette gare, nous n’avons pas pu échanger avec un responsable sur le nombre de départs. La personne indiquée à cet effet a refusé de s’exprimer. « Nous n’avons pas de temps pour vous », nous a-t-il lancé de façon discourtoise avant de s’engouffrer dans un bureau.
PÉNURIE DE BILLETS. La Commune V abrite la compagnie de transport « Africa Star ». Elle est également prise d’assaut par les voyageurs. Un car chargé de passagers prend le départ. Un autre se positionne. Des vendeurs de fruits et d’articles divers sont visibles un peu partout. Le visiteur peine à se frayer un chemin pour aller sous le hangar d’attente. A ce niveau, un téléviseur suspendu au mur distrait les voyageurs, en attendant l’heure du départ. Certains grignotent des amuse-gueules pendant que d’autres somnolent. Les petits vendeurs ambulants ne se fatiguent point de proposer leurs marchandises aux voyageurs. Mme Diabira, accompagnée de ses jumelles, descend d’un véhicule. Venue de France, elle et ses jumelles vont dans leur village pour célébrer la fête. «Nous sommes là depuis quelques semaines. Nous profitons de notre séjour au Mali pour aller fêter auprès des nôtres au village », explique-t-elle, en suivant un jeune homme qui portait ses valises.
A l’étage, le chef de la gare, Koni Koïta, pianote son ordinateur. Il reconnaît que sa compagnie est débordée en cette veille de fête de Tabaski. Voyez vous-mêmes, s’adresse-t-il à nous, pointant le doigt vers la fenêtre, nos clients sont pour la plupart des femmes. « Les hommes leur ont cédé la place. Certaines sont commerçantes. Elles viennent prendre des marchandises à Bamako pour les revendre dans leurs localités. D’autres rejoignent leurs familles ou belles familles pour célébrer la fête », a-t-il précisé. Ajoutant qu’en temps normal, quelques 10 cars sortent par jour. Mais en ce moment, ce nombre a grimpé. « Pratiquement, il y a des départs chaque heure. La demande est telle que les guichets sont arrêtés. Ce, jusqu’après la fête. Tous les billets ont été vendus. Il n’y a plus de places pour les retardataires ».
Face à cette pénurie, des voyageurs ont trouvé des astuces. C’est le cas de M. S. Le jeune homme veut fêter auprès des parents à Manantali. Hier, jeudi, il n’a pas pu avoir de billet au niveau de la compagnie par laquelle il voyage d’habitude. « On m’a dit qu’il n’y a plus de places. J’ai insisté en vain. Finalement, je m’étais résigné à faire le voyage à moto ». Heureusement pour lui, on l’a orienté vers une compagnie de transport. « Mon départ est prévu pour samedi », a-t-il expliqué content à l’idée qu’il fêtera parmi les siens. Une retrouvaille familiale et amicale unique dans l’année pour laquelle il semble prêt à tout. Même à prendre le risque de faire ce long trajet à moto (340 km séparent Bamako de Manantali).
Aminata Dindi
SISSOKO
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