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De 18 mois à 15 ans de pouvoir sans limite : Des acteurs publics s’insurgent

Ce n’est qu’une question de jours voire de semaines avant l’examen, par le Conseil national de Transition, l’organe législatif de transition, du sulfureux projet de loi issu du dernier conseil des ministres.

Il s’agit du texte portant révision de la Charte de la Transition dans le sens d’une prolongation de la Transition d’une durée de 5 ans renouvelables à compter de 2025. Selon l’argumentaire déroulé par le gouvernement, cette troisième rallonge de la Transition est une réponse aux attentes populaires voire la volonté exprimée par les Maliens sous forme de recommandations lors du Dialogue National Inter-Maliens. Sans avoir figuré dans les termes de référence desdites concertations, la mise en œuvre «des 5 ans renouvelables» passe du rang de mesure accessoire à prioritaire et surplombe ainsi le motif initial de la concertation des «forces vives» (la paix et la réconciliation des Maliens), au gré de leur commanditaire et bénéficiaire.

Ce brouillage spectaculaire des cartes tire argument néanmoins d’un besoin d’harmonisation du régime d’exception malien avec ceux des autres pays de l’AES avec lesquels notre pays partage tant de défis et objectifs sine qua non d’une fin de transition : pacification et totale du territoire, lutte contre les déstabilisations extérieures et l’atteinte aux intérêts vitaux des populations, etc. Ainsi, de 18 mois à 5 années de promesses et attentes illusoires, le retour à l’ordre constitutionnel est théoriquement plongé dans 10 autres années d’incertitudes. Il en résulte un total de 15 années de régime totalitaire et autocratique, de déséquilibre inter-institutionnel et de pouvoir sans limite aux dépens de l’indépendance de la justice ainsi que de la souveraineté du peuple que seule l’expression de suffrages permet d’affirmer. En définitive, ne s’y prendrait guère différemment qui voudrait se venger de la démocratie pour l’avènement de laquelle le régime militaire du General Moussa Traoré et remettre en cause les droits et libertés fondamentaux. De quoi susciter une vague inédite d’indignations dans les rangs d’acteurs de la scène publique qui n’ont plus rien à perdre en protestant contre une mesure qui enterre leurs ambitions et annihile des décennies d’efforts politiques pour certains d’entre eux. De Me Mountaga Tall à Ibrahim Touré et Yaya Sangaré en passant par Moussa Mara et Yeah Samaké, la retenue habituelle s’est éclipsée au profit d’une combativité que les uns et les autres ont exprimée en rivalisant de rhétoriques agressives. Dans des communiqués largement diffusés sur les réseaux sociaux, c’est la même constance : une dénonciation et un rejet sans fioriture du processus de révision de la Charte de la Transition.

Yeah Samaké relève ainsi un projet de loi «élaboré sans légitimité populaire ni débat inclusif» et une violation par conséquent de l’esprit de la transition telle qu’annoncée au peuple malien après le double putsch de 2020 et 2021. Un brutal coup d’arrêt aux aspirations du Mali à la démocratie et une confiscation du pouvoir aux dépens du «retour pacifique à l’ordre constitutionnel», a en a déduit le président d’honneur du PACP dissout.

Pour l’ancien PM Moussa Mara, le projet de loi est surtout porteur de menace et de risque de dislocation pour l’Etat, la société et la Nation, tandis que l’ancien ministre Yaya Sangaré y voit une insulte à tous ceux qui, depuis des décennies, luttent pour la démocratie. Et pour cause, il enterre «notre démocratie acquise au prix du sang des Martyrs et réduit les populations maliennes en simples sujets contraints à subir les souffrances de la résignation», estime-t-il, en rappelant que les élections constituent le seul moyen d’accès aux fonctions politiques. L’ancien député de Yafolila dit « NON » à ce qu’il assimile à «confiscation brutale du pouvoir d’Etat» sur fond de manœuvres pour retarder l’inéluctable : l’avènement d’un pouvoir légitime consacré par les textes en vigueur dont la Constitution et la Charte de la Transition.

À travers ce qu’il désigne comme la voie du salut, la figure Me Tall exhorte pour sa part les autorités de transition à un renoncement au rallonge de 5 ans renouvelables au profit d’une nouvelle échéance de fin de la Transition assortie d’un chronogramme électoral consensuel et irrévocable, conformément à la Charte de la Transition, à la Constitution et aux engagements pris devant le Peuple malien. Dans la même veine, Me Tall plaide pour la libération de tous les prisonniers d’opinion en clôturant leurs dossiers judiciaires. Sur un ton beaucoup plus conciliant que déclamatoire, le célèbre avocat croit encore aux vertus du dialogue et à l’indulgence des pouvoirs. Il leur suggère ainsi une réhabilitation des partis politiques et organisations dissouts, après examen de rationalisation, de moralisation et de corrections des lacunes de la classe politique. L’ancien président du CNID demande en outre aux autorités de favoriser le retour des exilés qui ne font pas l’objet de poursuites judiciaires, de donner des garanties d’une justice impartiale à ceux qui sont poursuivis et d’engager des négociations avec certains groupes armés dans le strict respect des principes démocratiques et républicains.

Quant à Oumar Ibrahim Touré, il exhorte les autorités de la Transition au discernement et à la mesure, tout en mettant en garde contre toute posture susceptible de compromettre la cohésion nationale. Le Mali a besoin d’un sursaut d’unité, de concertation et d’inclusivité pour faire face aux défis multiples auxquels il est confronté, martèle-t-il, comme pour faire allusion aux échos que pourraient avoir les sirènes djihadistes qui résonnent dans le sens d’une alliance avec les politiques contre les pouvoirs.

Quoi qu’il en soit, la dissolution des partis n’aura pas atteint ses objectifs si le dessein était de museler les acteurs. Elle a plutôt produit un effet boomerang pour avoir délié les langues et libéré les anciens leaders du devoir de prendre en compte l’intérêt collectif dans la gestion de leurs organisations respectives.

 

Amidou Keita

Source : Le Témoin
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