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Crise malienne et espionnage : Le juge Yaya Karembé est-il un agent de la CIA ?

On n’en sait rien et ceux qui s’attendent à des révélations fracassantes peuvent tourner la page. La question vise à attirer l’attention des Maliens sur un phénomène qui existe et auquel ils ne pensent jamais: l’espionnage. C’est aussi un bon prétexte pour conduire certaines analyses utiles.

yaya karambe juge

Beaucoup ont profité du changement du 22 mars 2012 mené par l’alors capitane Amadou Haya Sanogo. Parmi eux sans aucun doute, un petit juge nommé Yaya Karembé qu’on ne présente plus : même les plus idiots des coins reculés le connaissent. « Petit » parce qu’il officie au plus bas niveau du niveau du plus bas niveau de la magistrature : juge d’instruction dans un Tribunal de Première Instance au niveau d’une commune, point. Et pourtant, à la faveur de la crise de 2012 et surtout de l’après 30 septembre 2013, c’est ce tout petit juge de commune qui va être propulsé au-devant de la scène jusqu’à éclipser tous les grands magistrats du pays ; seul l’emblématique Daniel Tessougué a pu un peu se tirer de l’ombre un petit moment. D’où cette ascension ultra fulgurante dans un pays en crise qui ne s’appartient plus ? Et qui est dirigé d’une main de fer impitoyable et masquée depuis l’ambassade des Usa au Mali. Les Maliens ne voient que la France, la Cédéao, l’Ua, l’Ue, les Nations unies, etc. Mais derrière tout ça se trouve l’hydre américaine qui décide de tout, qui régente tout et qui contrôle tout. Jamais un ambassadeur n’a mis le Mali sous coupe réglée comme l’a fait Mary Beth Leonard.

 

C’est dans ces conditions que les gouvernants maliens ont été contraints à prendre certaines décisions contre leurs grés, ont été obligés d’en entériner d’autres et d’assister impuissants à d’autres.

Certains hasards ne sont pas des hasards mais des symphonies bien mises sur chevalet. Dans cette veine, le choix de Karembé comme juge dans le dossier des « 21 bérets rouges disparus » – dossier très cher à Mary Beth Leonard comme les prunelles de ses yeux- est-il un hasard ? Comment est-ce qu’une vingtaine de femmes (oui de femmes, aucun homme !) qui ne se connaissent pas entre elles décident subitement d’aller ensemble se confier à un juge d’instruction communal, dans une autre commune, dans un dossier international de cette sensibilité ? Parmi toutes les juridictions, tous les niveaux de justice et les juges et procureurs célèbres et moins célèbres, pourquoi se liguer pour aller voir un petit juge ; qui plus est lié au « bourreau » Sanogo ? Les autorités politiques et juridiques ont laissé faire sans broncher.

Audiences bien mises en scène

Karembé a tout de suite accepté d’être « l’espoir » des femmes éplorées. Hasard ? Et aucune autorité n’a rien trouvé à y redire. Il va les recevoir une à une, grillant cigarette sur cigarette. Il les recevra toutes après dans son bureau. Dogon d’ethnie, il s’affuble d’un couvre-chef (bonnet) traditionnel qui le rend terrible et impressionne beaucoup les bonnes femmes. Il allume une cigarette avec une autre. La salle est enfumée et certaines manquent de s’étouffer ou de chavirer de vertige. Il fumera beaucoup, ils se parleront beaucoup et ils pleureront, beaucoup pleuré ensemble (IBK n’a pas le monopole des larmes !). Quelle scène de pleurs !

 

Une autre mise en scène digne de figurer dans un film hollywoodien – qui s’inspire des réalités des tribunaux américains. Il s’agit de l’exhumation, dans les ténèbres de 4 heures du matin, des 21 corps qu’on qualifie tout de suite de bérets rouges disparus. La scène ne peut pas être imaginée et sortie d’une tête malienne. En effet, le Mali n’a jamais connu une scène pareille. En plus, il y avait des responsables de niveaux si élevés et variés que s’en était une première. Les moyens déployés, dans un Mali où aucun sou ne rentre, sont eux aussi impressionnants. Bref, cette scène s’est déroulée au Mali, à Diago, mais elle n’est pas d’agencement malien. Son metteur en scène sent trop l’Amérique pour être malien. Et Karembé donne l’air de décider de tout sans se soucier des autorités maliennes ; qui, impuissantes, laissent faire. Quelque chose est dans le « bôlô » (pieu) mais le « bôlô » est lui aussi planté et attaché à quelque chose.

 

Une fois exhumés, les corps sont transportés à l’Hôpital Gabriel Touré. Les américains font des prélèvements et s’en vont. Ils prennent leur temps et attendent le bon moment. On a attendu de longs mois. Le « bon » moment est le moment où le dossier peut mettre les autorités maliennes en difficultés dans le dossier du nord pour les fragiliser face aux séparatistes qui rêvent d’ériger un Etat purifié, un Etat blanc. Ce temps est venu en perspective des négociations d’Alger, de l’après défaite de Kidal et des restrictions financières de la Banque mondiale et du Fmi.

 

Les prélèvements sur les corps par les américains sont transportés par eux directement aux Usa sans passer par aucune case. Les différentes autorités maliennes ne savent rien. On a beau les approcher, on ne peut rien en tirer : ils ne savent rien et n’aiment pas en parler. Karembé, lui, est souverain et il est l’interface avec les américains.

 

Le bon moment venu, les américains sont revenus. On va assister à une autre mise en scène que seuls les américains savent le secret. Elle se déroule dans la zone et environs de l’hôpital Gabriel Touré. L’air est bouclé sous haute surveillance. Des infirmières de l’Hôpital ont la diarrhée : tous se demandent ce qui se passe. On est angoissé par le quadrillage et le bouclage du territoire. Puis une flopée de véhicules sous escorte pénètre dans les enceintes de l’hôpital. Personne ne sait ce qui se passe. Le cortège va vers la morgue. La vingtaine de femmes va reconnaître les corps. Elles attestent que ce sont bel et bien les corps des leurs. On imagine la séance de pleurs entre le juge et ses protégées.

 

Les américains vont ensuite pratiquer sur elles individuellement ce que nous avons vu faire à la télé à Saddam Hussein après sa capture : la main gantée de latex blanc, ils vont introduire une tige de cotons dans leur bouche grandement ouverte. Et d’autres prélèvements. C’est la confrontation entre Adn des parentes et Adn des défunts que l’on peut affirmer que tel corps est du sang de telle mère. Quelque chose qui peut se faire en heures a pris de très longs mois.

 

Karembé vient de faire un séjour conséquent aux Usa. Un petit juge d’instruction de commune qui est reçu à tant d’endroits aux Etats-Unis et choyé comme un prince. On parle aussi de formation. Quelles formations et pourquoi faire ? Karembé est un brillant juge qui a un certain parcours. Il est aujourd’hui au bas niveau, d’où le qualificatif de « petit juge »; mais tout indique qu’il est appelé à une brillante carrière. Du reste, est ce que la CIA collabore avec les cancres ? Nous n’avons la moindre preuve de l’appartenance du juge de la commune III à la CIA. Le but ici est d’attirer l’attention des Maliens sur des possibles auxquels ils ne pensent pas dans la vie quotidienne. Et pourtant, il le faut car il n’y a pas que la SE (Sécurité d’Etat) malienne. Nous sommes espionnés. Et par des nationaux et autres.

                                                                                                                                                         Amadou Tall

SOURCE: Le Matin  du   18 sept 2014.
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