Mardi, Mme Evelyne Decorps, nouvel ambassadeur de la France au Mali a présenté ses lettres de créance au président IBK. L’arrivée, pour la première fois, d’une dame comme ambassadeur de la France doit-elle être considérée comme le signe avant-coureur d’un renouveau diplomatique entre Paris et Bamako ? C’est le vœu de tous nos compatriotes, au regard d’une part du mutisme de son prédécesseur, Gilles Huberson dans la résolution de la crise du Nord et, d’autre part, de l’occupation illégale de la ville de Kidal par le groupe armé de la CMA.
Affirmer que l’apport de la France est primordial dans le retour de la stabilité et de la cohésion au Mali relève de l’euphémisme. Partenaire historique de notre pays, elle a mis fin au dessein des forces obscurantistes grâce à la promptitude de son intervention énergique en janvier 2013. Depuis cette intervention, la France, pour mieux mener sa lutte contre le terrorisme, a décidé de rallonger son séjour sur le territoire malien à travers la force Serval transformée, par la suite, en force Barkhane et sa participation au sein d’autres missions (MINUSMA-EUTEM).
Ainsi, après la récupération des régions occupées par les groupes djihadistes et la destruction de leurs bases, elle a décidé d’étendre ses actions à toute la bande sahélo-saharienne (Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad). Cela, à travers l’opération Barkhane : une force multidimensionnelle pour des opérations sur le terrain contre les djihadistes.
Après deux ans d’existence, cette opération, en dépit des succès remportés, n’a toujours pas reconquit la ferveur suscitée aux premières heures de l’arrivée des forces françaises au Mali, auprès des Maliens. L’opinion publique considère cette présence prolongée de la France comme une opération de sécurisation des exploitations des ressources du Nord. Surtout lorsque c’est elle qui évolue en maître absolu avec ses alliés, groupes armés touaregs, dans la région de Kidal. Cependant, cette force est assise sur des bases juridiques solides que constitue l’accord de défense signé en 2014 avec le Mali.
Une coopération bien portante dans les textes
Annoncée dans un premier temps pour le 20 janvier 2014, la signature du traité devra attendre. En effet, une frange importante de la société civile malienne s’est opposée à la date choisie, à cause de la symbolique qu’elle revêt : elle est la date de départ du territoire malien du dernier soldat français après que notre armée nationale eut été créée ; elle est devenue, par la suite, date de la fête de l’Armée pour célébrer ce départ.
Finalement, le traité de coopération en matière de défense entre la France et le Mali a été signé le 16 juillet 2014 à Bamako par Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense et Bah Ndaw, ministre malien de la Défense et des Anciens Combattants. Il est soumis au Sénat français pour autorisation de ratification le 3 juin 2015 par le ministre Laurent Fabius au nom du Premier ministre Manuel Valls, tandis que l’Assemblée nationale malienne autorise le gouvernement à le ratifier le 3 juillet 2015, un mois plus tard.
Cet accord que d’aucuns qualifient de passe-droit pour la France dans notre pays, constitue un document rigide dans la coopération militaire entre nos deux pays. Selon des spécialistes de la question de défense, il propulse le Mali dans le lot restreint des pays africains qui bénéficient de telle coopération avec la France, à côté de l’Union des Comores, du Togo, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Gabon et de Djibouti.
Cependant cette coopération militaire, de l’avis de nombreux spécialistes, laisse un arrière goût amer d’autant qu’elle ne comporte pas de clause impliquant un concours de la France au Mali en cas d’agression extérieure et encore moins en cas de troubles intérieurs. Elle est essentiellement centrée sur la coopération militaire structurelle. C’est pourquoi, en son temps il a été estimé que cet accord n’empêchait aucune action de rébellion contre la République du Mali. Et, du coup, les suspicions sont fortes sur le rapprochement de la France avec le groupe armé de la CMA, dont une composante évolue en bonne intelligence avec un groupe terroriste bien connu, l’Ançardine d’Iyad Ag Ghali.
Une coopération bien portante aussi dans les chiffres !
A partir des données recueillies, il ressort que sur les 25 dernières années, l’aide publique au développement mobilisée par la France pour le Mali s’est élevée à plus de 1 130 milliards de FCFA (1,7 milliard d’euros). Partiellement suspendue en 2012, à la suite des événements politiques et sécuritaires, la coopération française au Mali a, depuis, repris à un niveau tout à fait important.
Elle est le premier pays, bailleur bilatéral du Mali. Ce rang se justifie au regard de son niveau de contribution dans le cadre la mise en œuvre du Plan de relance durable du Mali (PRED), un plan issu de la conférence de Bruxelles du 15 mai 2013, conférence dénommée « Ensemble pour le renouveau du Mali » et qui a permis de mobiliser plus de 2 000 milliards de FCFA (3,3 milliards d’euros) de promesses d’aide, provenant de 56 bailleurs bilatéraux et multilatéraux.
L’engagement bilatéral de la France portait sur un total de 183 milliards de FCFA (280 millions d’euros) sur la période 2013-2014. Ces engagements pris par la France ont été tenus et même dépassés : entre début 2013 et fin 2014, c’est un total de 203 milliards de FCFA (309 millions d’euros) que la France a engagé en faveur du Mali.
Ce soutien se poursuit car, lors de la conférence organisée le 22 octobre 2015 à Paris par l’OCDE, le président Hollande a annoncé que la France soutiendra le Mali à hauteur de 236 milliards de FCFA (360 millions d’euros) pour la période 2015-2017.
En 2015, l’Agence française de développement (AFD) a accordé plus de 83 milliards de FCFA (130 millions d’euros) de financements nouveaux à la République du Mali. Parmi ceux-ci figurent : 26 milliards de FCFA (40 millions d’euros) en faveur du secteur de l’énergie ; 6,5 milliards en faveur de celui de l’éducation (10 millions d’euros) ; 35 milliards pour le secteur de l’eau et de l’assainissement (53 millions d’euros) ; et 16 milliards (24 millions d’euros) en faveur du secteur bancaire.
Par ailleurs, en avril 2015, la France a procédé à une mesure d’annulation de la dette malienne pour 43 milliards de FCFA (65,5 millions d’euros). Cette annulation permet de solder la dette monétaire de notre pays. Elle témoigne de l’engagement de la France à soutenir les efforts de développement économique et social du Mali, ce qui constitue l’élément clef pour la consolidation de la paix et la stabilisation de ce pays de sa part.
En complément de cette aide bilatérale, la France apporte une forte contribution via son aide multilatérale. L’aide publique au développement de la France mobilisée au Mali à travers les instruments financiers multilatéraux s’élève à près de 40 milliards de FCFA (61 millions d’euros) par an.
Selon toujours la même source, la France est le second contributeur au sein du Fonds européen de développement (FED). Au titre du XIe FED, dont l’enveloppe totale pour le Mali est de 403 milliards de FCFA (615 millions d’euros) sur la période 2014-2020, la contribution française s’élève à 71 milliards de FCFA (108 millions d’euros).
Ce rappel est pour démontrer la bonne santé de la coopération française avec notre pays. La consécration de cette réalité sera l’organisation prochaine par le Mali du sommet France-Afrique. C’est fort de tous ces enjeux qu’on estime que le choix de cette diplomate chevronnée pour prendre les rênes de la diplomatie française avec notre pays n’est pas fortuit.
Une dame pour insuffler un regain de dynamisme
Mme Evelyne Decorps, au regard de son parcours, incarne le prototype de diplomate indiqué pour établir une coopération novatrice entre la France et le Mali.
Il est connu de tous que la coopération française ne répond pas à des besoins uniquement humanitaires. En conséquence, les profils des diplomatiques de l’Hexagone envoyés dans les pays africains obéissent à deux critères : la qualité de la relation de la France avec le pays concerné et l’évolution démocratique du pays concerné. Ces critères se conjuguent pour préserver les intérêts de ce que fut, par le passé, la Métropole : « la Mère Patrie ».
Ainsi, certains diplomates sont envoyés soient pour déstabiliser un régime (en déphasage avec l’Elysée) ou soutenir une frange de la population (groupe armé généralement) à exploiter les ressources de leur pays au profit des multinationales françaises.
Mme Decorps est une diplomate chevronnée. Elle arrive dans notre pays après un séjour de plus de trois ans au Tchad. Au regard de son parcours, elle apparait comme une diplomate ‘’essuie-glace’’ de la coopération française auprès de ses partenaires, pour avoir officié dans les ambassades françaises du Ghana et de a Tunisie de 2001 à 2008. Habituée aux réalités africaines pour avoir commencé sa carrière en 1985 au sein de la mission de coopération culturelle de la France en Guinée Conakry, Evelyne Decorps fera son baptême du feu au Mali avec l’organisation du sommet Afrique-France, attendu dans notre capitale en janvier 2017.
Longtemps écorchée par le manque de communication, la coopération française avec notre pays, amorcera à coup sûr une nouvelle dynamique avec l’arrivée pour la première fois comme ambassadeur dans notre pays, d’une dame dotée d’une forte expérience. « Il a fallu une dame comme Gouverneur pour que Bamako soit propre »,a pu dire le président de la République. Dira-t-on un jour : « Il a fallu une dame ambassadeur pour rendre la coopération française mieux acceptée par nos populations ? ».
Moustapha Diawara
Source: Le SURSAUT