Selon de nombreux témoignages recueillis dans la Cité des Askia, la Place de l’Indépendance est en train de devenir un nid de drogués au nez et à la barbe des autorités, surtout des forces de sécurité. Et les cas de décès par overdose commencent à inquiéter les populations.
«Les morts par overdose se multiplient. Hier (lundi 19 février 2024), trois corps ont été découverts et l’un serait même un ancien fonctionnaire. Les radios locales en ont suffisamment parlé» ! C’est ainsi que témoigne un jeune cadre d’une organisation humanitaire pour attirer notre attention sur l’envergure dramatique que la consommation des stupéfiants est en train de prendre à Gao. Dans la ville, surtout dans la zone de la Place de l’indépendance selon de nombreux témoignages, on trouve aujourd’hui toutes sortes de drogues et on s’y approvisionne facilement.
«Cela devient très inquiétant parce que, avec le chômage lié au retrait de Barkhane et de la Minusma, beaucoup de jeunes peuvent sombrer dans la drogue et le banditisme en ayant accès facile aux stups. Plus inquiétante est encore l’indifférence des autorités de la ville et de la région, même si nous sommes sous couvre-feu», s’inquiète l’une de nos sources. «Les populations souffrent le martyr à cause de la crise alimentaire et du chômage. Les projets ont fermé, Barkhane et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali (MINUSMA) ont plié bagage. Les jeunes ne sont plus les seuls désœuvrés, des pères de famille aussi… Certains n’hésitent donc plus à se droguer pour noyer leurs problèmes quotidiens», explique un jeune leader de la ville.
Selon des témoignages, le tramadol, le Valium 10, le cannabis… étaient les drogues les plus répandues à Gao depuis les années 90. «Il y a pire aujourd’hui», s’inquiète un interlocuteur. Et de s’inquiéter, «si dans le temps la consommation de la drogue était un problème marginal à Gao, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur ces derniers mois avec visiblement de nouvelles drogues qui font de plus en plus de victimes».
Selon des sources sécuritaires et sanitaires, de nouvelles drogues comme le crack ont effectivement fait leur apparition dans la Cité des Askia. Certaines sources craignent même la présence du «kush» qui fait un véritable ravage dans le cercle des jeunes désoeuvrés de la Sierra Leone. Il s’agit d’un mélange de substances chimiques qui imite les effets du cannabis. Et les cas d’addiction à cette drogue se multiplient en Afrique de l’ouest. Des drogues à base de mélanges de tramadol, d’alcool et de divers produits toxiques ont aussi envahi notre sous-région ces dernières années. Généralement moins chères que le cannabis ou la cocaïne, ces nouvelles drogues ont des effets plus destructeurs que les stupéfiants dits «traditionnels».
Il est temps que les autorités régionales sortent de leur mutisme pour mener des campagnes de sensibilisation sur les conséquences destructrices de la consommation des stupéfiants. Les forces vives de la ville constituent le meilleur relais en la matière. Il est aussi urgent que les services de sécurité redoublent de vigilance afin de détruire les réseaux mafieux qui tirent les ficelles de cette consommation de drogues.
Moussa Bolly
Le Matin