«La jeunesse malienne doit fortement s’impliquer dans le combat contre la corruption et l’enrichissement illicite par l’information, l’éducation et la communication. Chaque jeune du Mali, homme et femme, se doit d’être un ambassadeur du combat contre la corruption et l’enrichissement illicite» !
C’est ce qu’attend de la jeunesse malienne le président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI), Moumouni Guindo ! Une attente formulée lors de la cérémonie de lancement de la 8e édition la «Semaine de la jeunesse contre la corruption» le 19 février 2024 (19-24 février 2024). Une bonne initiative pour qui sait que, entre 2005 à 2019, l’Etat a perdu 1 266 milliards F Cfa des suites des détournements de deniers publics. Une révélation faite par le ministre de la Refondation de l’Etat (chargé de Relation avec les institutions), Ibrahim Ikassa Maïga, et basée sur une étude faite sur les rapports des structures de contrôle du Mali.
Pas surprenant pour qui sait que, ces dernières années, notre pays a été classé parmi les dix pays les plus corrompus du monde. D’où l’impérieuse nécessité d’éradiquer ce fléau qui hypothèque nos efforts de développement et l’avenir de notre jeunesse. Les jeunes sont-ils conscients de la réalité de cette menace ? Mesurent-ils tout le poids de la responsabilité qui pèse sur leurs épaules dans la lutte contre la corruption ? Nous doutons fort que, sans une prise de conscience réelle de leur part pour changer de comportement, les jeunes puissent réellement être d’une quelconque utilité dans la lutte contre la corruption.
Si pour l’homme d’affaires Mamadou Sinsy Coulibaly (dans une tribune publiée la semaine dernière dans des médias de la place), «l’homme corrompu est un faiseur de faux miracle», il est malheureusement une référence pour la grande majorité de jeunes dont les horizons d’épanouissement sont pourtant bouchés par la corruption. «Un individu de ce genre, qui est la négation de l’effort et de l’honnêteté, crée l’insécurité, l’injustice, l’incertitude et surtout la frustration d’où naît la violence à l’état brut, surtout dans notre pays, où la richesse est très rare voire inexistante», dit l’ancien Patron des patrons maliens. Pour les jeunes, cet individu est «béni» au point qu’ils courent derrière les miettes qu’il peut leur laisser, chantent ses louanges…
Ayant opté pour la facilité et la courte échelle, la jeunesse perpétue la corruption, peut-être sans trop le savoir. Elle est d’ailleurs corruptrice parce que s’adonne à cette pratique dans presque tous les examens et tous les concours d’intégration. C’est elle aussi qui se laisse corrompre pour perpétuer la fraude électorale. La liste n’est pas exhaustive ! Comme nous l’aimons à le dire, rares sont les jeunes qui sont convaincus qu’il faut travailler pour réussir dans la vie. Ils sont donc nombreux à suivre ceux qui font la pluie et le beau temps avec l’argent de la corruption ou volé au Trésor public ; ils sont dans leur sillage la bouche ouverte pour attendre que le fruit mûr tombe de l’arbre. Ce n’est donc pas surprenant que 86 % des jeunes maliens soient favorables à la corruption si l’occasion se présente. Nos jeunes veulent fermer les yeux et se retrouver au sommet de la hiérarchie sociale ; ils veulent avoir la fortune et mener la belle vie sans trimer ! Pour ce faire, ils sont prêts à toutes les compromissions, y compris à vendre leur âme au diable.
Pour être un rempart contre les mauvaises pratiques qui hypothèquent nos efforts de développement, les jeunes doivent accepter d’assumer leur devoir avant de se battre pour leurs droits ; de travailler pour réussir au lieu de corrompre (pour les recrutements), de compter sur les bras longs ou les courtes échelles… Pour débarrasser le Mali des hydres de l’enrichissement illicite (corruption, délinquance financière, abus de bien sociaux…), la jeunesse doit privilégier les valeurs au lieu de s’identifier ou courir derrière ceux et celles qui ont bâti leur fortune ou leur réussite sur la prédation des biens publics.
Moussa Bolly