Depuis son adoption en 2015 jusqu’à nos jours, l’accord pour la paix et la réconciliation nationale ne fait que soulever des problèmes dans son application. Ce qui nous amène à nous demander les raisons qui peuvent expliquer tous ces déliements de langues autour d’un tel document. Nous arrivons ainsi à la compréhension que le problème relève de la responsabilité des autorités qui se fixent comme des rois incontestés en refusant de concerter le peuple en avance, avant la prise de certaines décisions touchant la vie de la nation. Le peuple malien ne s’est jamais reconnu dans cet accord et la faute incomberait aux autorités.
Une fois que nous perdons notre crédibilité aux yeux des autres, difficile de la recouvrir. Conscients des pratiques démagogiques des gouvernants maliens, plus aucun citoyen ne leur fait confiance. Au lieu de s’atteler à la recherche d’un quelconque crédit auprès de celui-ci qui constitue en principe le véritable souverain, les autorités font table rase de lui lors des prises de décisions importantes touchant la vie de la nation. Le front social malien est loin d’être calme aujourd’hui à cause surtout de l’application de cet accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. Que de problèmes autour du contenu de ce document !
En 2017, nous avons assisté au premier obstacle lié au projet de la révision constitutionnelle préconisant notamment la création d’une seconde chambre du parlement, le Sénat, ainsi que bien d’autres réformes. Cela a mis tout le front social en ébullition avant que le projet ne soit finalement suspendu par les autorités, évitant ainsi la désobéissance civile qui avait pour objectif de demander le départ d’IBK de la Présidence de la République.
Comme si cela n’a pas servi de leçon aux autorités de l’État, elles s’attèlent toujours à la concrétisation du contenu de ce document « fantôme » à travers cette fois-ci le projet de redécoupage territorial. Celui-ci a également créé maints remous. Le Mali se trouve ainsi emporté dans un « phénomène de régionalisation » où « chaque localité » veut devenir une région ou au moins un cercle. À ce titre, mécontentes, certaines localités ont juste dit niet aux concertations régionales qui ont débuté depuis le 13 novembre dernier et se poursuivront jusqu’à demain.
Ces contestations, au lieu de donner à réfléchir aux dirigeants maliens, ceux-ci s’entêtent toujours là-dessus. Or, rien qu’à travers ces deux tentatives, les autorités devraient se questionner sur les raisons de ces blocages. On a l’impression qu’elles se montrent indifférentes vis-à-vis de celles-ci. Ainsi, elles s’engagent dans une autre mésaventure, la Loi d’entente nationale. Cette question fait également couler beaucoup de salive. Chose qui devrait également amener les gouvernants maliens à se remettre en cause et d’aller vers le peuple souverain afin de s’imprégner des raisons de leur opposition. Mais rien n’est fait de cela.
On se contente des explications trop simplistes consistant à soutenir que l’homme à horreur au changement. Or, qui ne veut réellement changer ? Le changement est d’ailleurs une exigence de la nature, contre laquelle, l’homme ne peut rien. Ce que combat l’homme, c’est les changements qui se font pour satisfaire à des intérêts particuliers. C’est la raison pour laquelle, nous trouvons comme explication de ces blocages, le fait que les autorités maliennes ont omis les préalables. Tout le problème relève du contenu des textes et notamment de cet accord dont le peuple qui se sait souverain se plaint nuit et jour de ne pas avoir été impliqué dans l’élaboration de son contenu.
Outre cela, il soutient ne pas se reconnaitre dedans bien qu’écrit dans maintes langues locales. Combien sont les citoyens qui savent lire dans leur langue nationale ? N’ayant donc aucune connaissance réelle du contenu des documents, les préjugés supplantent le plus souvent la réalité.
Tel a été le cas pour la révision constitutionnelle, tel est encore le cas pour la loi d’entente nationale dont l’objectif se trouve défini en son article 2 : « […] Concrétiser la politique de la restauration de la paix et de la réconciliation nationale, socle de la stabilité et du développement de la Nation, la présente loi a pour objet : l’exonération des poursuites pénales engagées ou envisagées contre les personnes ayant commis ou ayant été complices des faits visés à l’article 3 ci-dessous ; l’adoption de mesures d’apaisement et d’indemnisation en faveur des victimes des douloureux évènements survenus dans le contexte visé à l’article 3 ci-dessous ; l’adoption d’un programme de réinsertion des personnes qui ont été victimes du fait de l’engagement de leurs proches dans les évènements visés à l’article 3 ci-dessous. »
En effet, selon une opinion largement partagée au sein du peuple, ce processus engagé pour l’instauration d’une paix durable au Mali et partant d’assurer un développement durable au Mali concerne même les criminels de guerre, ceux ayant commis des viols voire des crimes contre l’humanité. Or, l’article 4 de cette loi d’entente est clair sur ce point : « Sont exclus du champ d’application de la présente loi, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols et tout autre crime réputé imprescriptible. ».
Dans une telle circonstance, s’il convient de remettre quelqu’un en cause, c’est bien les autorités administratives qui ne se donnent aucun souci d’expliciter au préalable ces lois au peuple dans un langage accessible à chaque localité. Ce travail ne peut se faire sans évoquer les avantages d’une telle décision ainsi que les raisons amenant à son adoption. Cette technique doit être de même en ce qui concerne l’accord pour la paix et la réconciliation nationale. Des campagnes de sensibilisation méritent d’être organisées afin d’expliquer les exigences de cet accord à la population de chaque localité du Mali dans leur langue de véhicule. Nous savons que les autorités ne voudront pas se hasarder dans une telle entreprise si elles savent que les principes qu’elles ont cautionnés au nom du peuple restent indigestes.
Pour le salut du Mali et tous les Maliens, il convient dorénavant que les autorités de l’État songent à impliquer le peuple dans les différentes prises de décision au sein de la nation en organisant des concertations auprès du peuple. Mais faudrait-il que ces concertations soient à leur hauteur en adaptant leurs contenus à leur niveau de compréhension à travers l’usage d’une langue de véhicule qui leur soit accessible.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays