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Chronique satirique : Ladji Bourama et les bienfaits d’Ebola

Depuis la découverte des premiers cas de fièvre hémorragique sous nos cieux, la panique s’installe. Mais pas pour tout le monde…

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Ouf ! Avec l’arrivée du virus Ebola chez nous, Ladji Bourama va enfin pouvoir souffler. Personne ne parlera plus de ces histoires d’avion,  d’armements et de contrats suspects qui lui empoisonnent l’existence depuis  belle lurette. Qui sait ? Le FMI lui-même, pris de pitié, pourrait laisser tomber les sanctions pénales qu’il exigeait et toute la galaxie « Mali d’abord, inch Allah »dormirait et mangerait comme aux plus beaux jours, bien à l’abri des limogeages tant redoutés et des juges émetteurs de mandats. Et puis, qui dit qu’Ebola ne redresserait pas une économie à laquelle Ladji ne trouve aucune solution ? Au Libéria, pays le plus frappé par cette peste des temps modernes, les Américains paient, à la place de l’Etat, les salaires de la fonction publique : ils viennent même d’y dépêcher un contingent de 3.000 soldats pour combattre le virus. En Guinée, en Sierra-Leone et au Libéria, les bailleurs de fonds mettent la dernière main aux documents d’annulation de la dette publique pour cause d’Ebola. Avec une aide financière et militaire de ce genre et de cette envergure, Ladji Bourama serait débarrassé, pour longtemps, de toute dépense de santé et, surtout, de toute menace jihadiste au nord. Du coup, il pourrait, avec l’argent économisé sur les budgets de la santé et de l’armée, se payer un avion flambant neuf (un Boeing 777 dûment muni de papiers, cette fois-ci!) et même, cérise sur…le virus, un yacht battant pavillon « Sébénicoro » et qui l’amènerait en croisième vers Malte et les îles Canaries.

En tout cas, Ladji National n’a pas peur d’Ebola. Ne revient-il pas de Guinée, de Sierra Leone et du Libéria où il a publiquement serré des dizaines de mains ? S’il avait pu rencontrer cette vieille grand-mère et sa petite-fille malade qui ont récemment semé la panique à Bamako, il les aurait sans doute hébergés à Koulouba. Cette assurance face au virus, Ladji Bourama la doit à sa grande foi, aux bénédictions de son ami, le Chérif de Nioro, et, bien sûr, à sa grande connaissance du latin, du grec et du subjonctif. C’est vrai aussi que si quelqu’un doit être mis en quarantaine, ce n’est sûrement pas lui. D’ailleurs, qui se plaidrait d’être placé en quarantaine dans un palais présidentiel ? C’est l’assurance qu’au moins, l’intéressé aura la paix pendant quarante jours, n’est-ce pas ? Or quarante jours, ça compte dans un mandat présidentiel ! Demandez à Dioncounda Traoré: pour tenir quarante jours au pouvoir, il a dû passer  par une copieuse bastonnade ! Quant à Blaise Compaoré, même s’il s’était dit malade d’Ebola, il n’aurait pas obtenu diu peuple le bénéfice d’une quarantaine!

La peur d’Ebola ? Ce sont les Maliens ordinaires qui l’ont au ventre. Tenez ! L’autre jour, à Sotuba, en commune 1 de Bamako, un taximan est venu déposer sous un arbre un vieillard squelettique, accompagné d’un garçon de 14 ans. Les voisins ont vu, avec consternation, le vieillard se coucher, en tremblant de fièvre, sous l’arbre. Croyant que le vieux souffre d’Ebola, ils  appellent immédiatement la police. Un véhicule rempli d’agents en uniforme  se pointe et s’arrête à 50 mètres du vieux et du garçon. Une foule de badauds se joint à l’équipe de police. Un badaud suggère d’adresser, de loin, une question au garçon: sa réponse permettrait de savoir s’il parle en malinké (dialecte guinéen) ou en bambara (dialecte malien) et, donc, de savoir s’il est guinéen ou malien. Sitôt dit, sitôt fait. Quelqu’un hèle le garçon. Celui-ci, au lieu de répondre, se dirige à grands pas vers la foule. Panique générale ! Policiers et badauds prennent leurs jambes au cou, comme s’ils étaient pourchassés par Iyad Ag Ghali et le fantôme de Ben Laden. Et nul ne saura jamais plus si le vieillard et son jeune accompagnateur souffraient d’Ebola ou non !

Une autre anecdote a trait à l’enterrement d’un agent de santé. Ayant appris que l’agent souffrait d’Ebola, les autorités dépêchent une équipe de police cueillir et mettre en quarantaine la famille du défunt. Les policiers retrouvent la famille au cimetière; un imam faisait les dernières prières sur le corps déposé dans la tombe. Quand le saint homme apprend, de bouche à oreille, que le mort souffrait d’Ebola, il oublie prières et chapelet et s’écroule sur le dos !…

Enfin, dans une clinique privée de Bamako, trois infirmiers et un médecin ont reçu un malade en piteux état. On lui prend le pouls, on palpe sa gorge, on l’examine de tous côtés. Le médecin finit par lui demander: « Quelle douleur ressens-tu et à quel niveau ? ». Réponse du patient: « En fait, depuis que je suis revenu de Guinée, j’ai mal partout! ». A ces mots, médecin et infirmiers s’enfuient de la clinique, aussitôt imités par le groupe de patients assis dans la salle d’attente!

Bien entendu, les chambres de passe désemplissent à toute vitesse, les clients  craignant de mettre la nuque sur un oreiller infecté. Dans tout ça, nul ne répond à la question à mille francs guinéens: les billets de banque manipulés par un malade transmettent-ils Ebola ou non?

Tiékorobani

SOURCE: Procès Verbal  du   17 nov 2014.
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