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Chronique du web : Le festival de Woodstock a 50 ans

Du vendredi 15 au lundi 18 août 1969, la jeunesse américaine défie l’establishment à Woodstock sous la forme d’un festival hors normes dont l’onde de choc irradie le monde entier. Elle est rejointe dans la vallée de Bethel, Etat de New York, par des milliers de jeunes venus du monde entier, déterminés à crier leur ras-le-bol face à un monde des adultes qui comprime leur besoin de liberté, qui reste sourd à leur quête d’amour et qui réprime leur aversion pour la guerre, notamment l’inutile et atroce guerre au Viêt-Nam pour laquelle l’Amérique paie un lourd tribut (plus de 50.000 soldats tués, au moins 300.000 blessés, des millions d’autres marqués au fer rouge, la drogue, l’inflation, etc.).

La contre-culture hippie est à son apogée ; elle fait écho à la lutte des minorités (noirs américains, latino, juifs, abolitionnistes…) pour les droits civiques que leur dénie une Amérique blanche capitaliste et militaro-industrielle ; raciste et suprémaciste ; maccarthyste et dominatrice.

Certes le mois précédent, Neil Armstrong est le premier homme à avoir foulé le sol de la Lune (21 juillet 1969), mais l’Amérique, malgré ce succès de la mission Apollo 11, a toujours soif de puissance et de prestige. Elle est engagée dans une course effrénée à l’armement face au camp soviétique, alors même que des dizaines de millions de ses fils ne peuvent ni se soigner, ni étudier, ni emprunter le même bus que leurs compatriotes blancs, ni jouir des libertés fondamentales pourtant consacrées par la Constitution.
Le pays est déchiré, meurtri, en proie à la violence, aux assassinats, au crime et à toute sorte d’arbitraire. Malgré les coups à lui portés par le FBI, le Ku Klux Klan peut toujours parader publiquement dans les rues de certaines villes des Etats du Sud, et le Dr. Martin Luther King, Nobel de la paix en 1964, est abattu le 4 avril 1968 à Memphis (Tennessee), toujours dans ce Sud esclavagiste. Je passe sous silence l’assassinat de John F. Kennedy le 22 novembre 1963 à Dallas (Texas) et d’autres drames qui ont marqué cette Amérique de la décennie soixante.

C’est donc cette cocote-minute au bord de l’implosion qui va trouver son exutoire à Woodstock, une catharsis collective admirablement managée par des communautés qui prennent en charge accueil, restauration, sécurité, santé…

L’idée de ce grand défoulement dédié à la paix et à l’amour a germé dans la tête d’un jeune producteur, Michael Lang, qui convainc trois potes à s’engager dans l’aventure : John Roberts, Joel Rosenman et Artie Kornfeld.

Le festival se déroule sur un terrain de 243 ha, appartenant à un certain Max Yasgur, pour 50 000 dollars. A Woodstock, rien ne déroule comme prévu. Pour une prévision de 50.000 festivaliers, les organisateurs se retrouvent avec 100.000 personnes ; la route menant au site est prise d’assaut, provoquant un embouteillage cauchemardesque. A l’ouverture, la programmation musicale est complètement chamboulée : 32 groupes et solistes (rock, soul, blues, folk) sont annoncés, mais presque tous sont pris dans la nasse d’un embouteillage géant. Il faut improviser et dans ce contexte, le terrain dicte sa loi. Richie Havens, qui n’était attendu que pour une courte prestation, est jeté dans le grand bain ; il tient les festivaliers en haleine pendant trois heures. Ce guitariste épuise son répertoire et finalement improvise une interprétation de Motherless Child, un vieil air de gospel qui deviendra l’hymne de toute une génération. Sa carrière prend définitivement l’ascenseur et jusqu’à sa mort en 2013, des générations d’américains et de nostalgiques de Woodstock fredonneront ses chansons.

Face au succès populaire du festival, l’US Army intervient en héliportant des artistes jusqu’au site et en larguant nourriture, médicaments, habits. Car Woodstock, ce furent quatre jours de pluie, de boue, de dénuement mais toute une vie d’amour, de communion et de rejet de la culture consumériste. Les performances sont exceptionnelles ; Joe Cocker, Jimi Hendrix, Carlos Santana, les Who, le mythique quatuor Crosby, Stills, Nash and Young, Country Joe McDonald, Ten Year After, Creedence Clearwater Revival, Janis Joplin, Johnny Winter… subjuguent les festivaliers.

Au matin du lundi 18 août 1969, il ne reste presque plus que quelque 300.000 festivaliers ; exténués, démunis, malades ou succombant à d’autres sirènes, de nombreux festivaliers empruntent le chemin du retour. La programmation a l’idée lumineuse de charger Jimmy Hendrix de tirer le bouquet final. Le guitariste est au faîte de son art ; il explore tous les coins et recoins de son instrument fétiche. Sous ses doigts, la guitare grince, mugit, rugit, pleure, hurle, souffre, se résigne… à l’image des populations du Viêt-Nam écrasées par les bombes larguées par les fameux B-52.

Non content de provoquer des transes par ses déhanchements, sa parfaite maîtrise de son instrument qu’il joue des doigts, des dents et du pied, son rictus particulier et sa tenue hippie du moment, Jimmy Hendrix affole le public par une interprétation envoutante de le Star Spangled Banner, l’hymne national des Etats-Unis. Woodstock n’oubliera ; le monde non plus.

Au finish, le pari fut une réussite à la fois festive et commerciale puisque les organisateurs tireront leur épingle du jeu à travers l’exploitation sous diverses formes des produits du festival. Mais ce fut un regret artistique immense pour des sommités du moment comme les Beatles, Led Zeppelin, Jethro Tull, les Doors, Iron Butterfly, les Rolling Stones… qui, soit refusèrent de venir à Woodstock, soit ne purent s’y rendre pour diverses raisons ou ne furent tout simplement pas invités.

Woodstock a vécu. Ce fut unique et inédit. Toutes les tentatives de rééditer le rassemblement ont piteusement échoué, renforçant ainsi le mythe de l’évènement. Des couples se sont formés à Woodstock tout comme des carrières y ont pris leur départ. Là, des convictions sont nées qui, tel le mythe originel, continuent de mouvoir des générations qui trouvent aujourd’hui un champ d’application fertile dans la protection de l’environnement, la lutte contre l’intolérance, toutes les formes d’extrémisme, la promotion d’une culture de la paix et de la solidarité entre les peuples.

Serge de MERIDIO

Source: Infosept
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