DE DUBAI A TIANJIN, UNE BELLE MOISSON. Et c’est sans doute ce vent qui a bercé un Ibrahim Boubacar Keita toute en verve au forum des jeunes sur la Sécurité au Sahel. Une forme dans laquelle on ne l’aura pas vu depuis quelques mois. Dubai résulte de l’initiative et du savoir-faire de l’Uemoa qui prouve chaque année à une Union africaine poussive que l’intégration du continent sera ascendante et économique.
Tant mieux ou tant pis. Le Mali est pressenti pour cinq projets structurants – chemin de fer pour trois Etats, culture irriguée, énergie- d’une enveloppe acquise de près de deux mille milliards de nos francs. A Tianjin en Chine où la délégation malienne était conduite par le chef de l’Etat lui-même, les chiffres sont bien plus impressionnants. Une vingtaine de projets présentés par la partie malienne aura fait l’objet de conventions pesant pas moins de 5500 milliards Cfa. Le gigantisme chinois est passé par là, alliage des temps généreux du Livre rouge et du pragmatisme du « bon de commande » qui caractérise le capitalisme du pays de Mao. Pour que les bons de commande passés à Tianjin deviennent des bons de livraison, il y a des pré-requis qui ne doivent pas être sous-estimés. D’abord, ce que la partie chinoise gagne de tous ces projets ? Ensuite, l’efficacité globale de notre dispositif national pour transformer une idée en projet et un projet en action. A commencer par la compétence générale du gouvernement qui nous surprend, toutefois cette fois-ci, par le bon résultat obtenu à Tianjin. Au demeurant, ce résultat n’est t-il pas plus à lier au coefficient Ibk qu’au savoir-faire de ministres très souvent aidés par la caméra ? Ne discutons pas plus longtemps du sexe des anges. L’évidence est qu’à l’entame de la seconde année de son investiture, Ibk sait qu’il peut capitaliser l’esprit de Tianjin. Son parti, en tout cas, ne s’y trompe pas, à en juger par l’accueil que le Rpm a réservé au président à son retour. L’opposition aussi qui, a tenu, dès les premières annonces relayées par le gouvernement, à inviter à moins de « com » et à plus de réalisme, sachant toutes les épreuves à traverser pour voir investir chez nous la manne de Tianjin. Jeu normal, peut-on dire, à somme quasi nulle entre l’auto-validation propre aux majorités et la récusation systématique dans laquelle excellent les oppositions. Pourtant, plutôt, l’esprit de Tianjin que les détonations de Kidal.
LA MORT RODE, ALGER SE BRAQUE Histoire de dire que malgré l’espoir qu’elle permet, entre Dubai et la Chine, la revue de la semaine ne peut pas zapper ce qui se passe et au Nord du Mali et en Algérie. Les explosions de mines se multiplient et semblent, en tout cas dans la région de Kidal, saper le moral des troupes tchadiennes qui ont payé,- une dizaine tombée depuis l’hécatombe de Tegargar en 2013, un lourd tribut à cette guerre sournoise. Pourquoi ? Le redéploiement des forces françaises, la vulnérabilité d’une Minusma mal outillée et le retrait total de l’armée malienne depuis le 21 mai dernier pourraient bien avoir donné pignon sur rue aux terroristes. Notamment, les hommes de Abdelkrim qui ont comme sanctuarisé la zone d’Aguel Hok, malgré la guerre officiellement déclarée aux islamistes depuis le déclenchement de la guerre du Nord. A terme donc, l’équation de la présence des forces africaines de la Minusma se pose et toute la question est de savoir jusqu’où ira la résilience d’un contingent tchadien qui est certainement héroïque mais pas suicidaire. Il est à craindre que la question de la bonne foi des parties prenantes à la crise du Nord, plusieurs fois interrogée par le passé, ne soit de nouveau posée. Parce que ce ne sera guère soutenable, avec la prolifération des attentats à la mine, que les protagonistes se taisent plus longtemps sur la « stratégie d’impunité » dont bénéficie, par exemple, un acteur de premier plan comme Iyad Ag Ali. Pour de nombreux ressortissants du Nord, l’homme n’est que la partie émergée d’un iceberg. C’est là qu’Alger doit devenir très vite un succès. Le succès attendu : c’est-à-dire des groupes fidèles à l’esprit et à la lettre de Ouaga qui rejettent toute remise en cause explicite ou insidieuse de l’unicité du Mali. Sans la possibilité de ce résultat rapide, le processus de dialogue en cours perd le bénéfice qu’on pouvait escompter de l’implication algérienne. L’attente générale est d’autant plus grande et l’impatience si forte, – la preuve par la marche de Gao hier contre les prétentions institutionnelles des groupes armés- que les intrigues d’Alger ne doivent pas tuer l’esprit de Tianjin.
Adam Thiam