Le président IBK avait accordé à Boubou Cissé une double faveur en le bombardant cumulativement Premier ministre et ministre de l’Economie et des finances. Cela certainement pour en faire un super chef de gouvernement. Mais ce qu’on peut dire, c’est que Ibrahim Boubacar Kéita a été bien mal récompensé en retour. Pour la simple et bonne raison que son protégé n’avait ni l’étoffe, ni la carrure, encore moins la capacité de diriger un gouvernement. La conséquence finale, on la connaît : Boubou et son mentor ont été débarqués en une seule opération par les jeunes colonels le 18 août 2020 à la faveur d’un coup d’Etat qui venait conclure une contestation populaire conduite par le M5-RFP.
Un an après, un Premier ministre cumule une double fonction : celle de chef du gouvernement et celle de porte-parole du gouvernement (PPG pour les initiés). A une différence de taille près : aucun décret présidentiel ne lui confère ce statut particulier. Choguel Kokalla Maïga met à profit le fait que dans son équipe la fonction de PPG n’est attribuée à aucun ministre. Alors lui-même multiplie les sorties médiatiques intempestives. A quelle fin ? L’avenir nous le dira certainement bientôt.
Le discours ne varie pas
Pour le moment, nous nous limiterons à constater l’omniprésence médiatique du PM. Celui-ci multiplie visites et rencontres depuis sa nomination le 7 juin dernier. En ont bénéficié les anciens Premiers ministres, les familles fondatrices de Bamako, les diplomates, la classe politique, les organisations de la société civile et les acteurs du secteur privé. Choguel Kokalla Maïga a ensuite investi l’intérieur du pays avant de représenter le chef de l’Etat à l’extérieur. A chaque occasion, le discours tenu ne varie pas : encore et toujours la refondation de l’Etat, le changement à impulser à la vie nationale, le soutien à apporter à la Transition. Sans oublier la référence au président de la Transition, le colonel Assimi Goïta.
Pour le PM, il n’y a pas de tribune négligeable : conférences, points de presse, interviews accordées lors des événements, invitation sur les plateaux de télévision. Le trop médiatique Premier ministre rafle ainsi la vedette à tous ses ministres, sans oublier le président de la Transition qui d’ailleurs ne s’en soucie guère, lui qui privilégie la rareté d’apparition.
Des voix, et pas des moindres
Même un ministre porte-parole du gouvernement ne s’en donnerait pas autant à cœur joie. Malheureusement, dans cet exercice de surmédiatisation, le chef du gouvernement ne dit rien de nouveau. Il se contente juste de procéder à un changement ininterrompu de son dresse code en passant des boubous en cotonnade au treillis du soldat de 2e classe.
Cette pratique de communication qu’on peut à juste titre labéliser comme le « Choguel show » s’apparente à la propagande « chaveziste » ou nord-coréenne. Sous les lourds nuages politiques et socioéconomiques qui obscurcissent le ciel malien, elle n’a guère de chance de porter fruit. En politique chevronné, le Premier ministre sait – ou doit le savoir -, qu’en matière de communication, l’overdose est vite atteinte. Personne ne vous écoute en fin de compte, même pas les experts qui vous conçoivent de ces stratégies très discutables.
Cela fait déjà trois mois que Choguel occupe la fonction de Premier ministre et nous serions bien en peine de dire ce qu’il a fait de nouveau et de concret. La lassitude semble désormais gagner les Maliens, et particulièrement les partisans du M5-RFP. Des voix s’élèvent, et pas des moindres comme celle du tonitruant Issa Kaou Djim, pour manifester leur scepticisme quant à la capacité du PM à réaliser les exigences de la Transition. Par ailleurs, le front social menace de se remettre en ébullition. La classe politique, elle, grogne pour exiger le respect du délai de la Transition et reste partagée sur la question de la création ou non de l’organe unique pour les élections.
La société civile ne perçoit ni signes, ni signaux significatifs dans la lutte contre la corruption, et la délinquance financière ainsi que dans l’enquête sur les tueries des manifestants des 10, 11 et 12 juillet 2020. L’insécurité qui sévit au nord et au centre se propage vers les régions du sud (Koutiala, Sanso). Le massacre des populations civiles aux mains nues dans la zone de Ouatagouna renseigne sur la montée de la barbarie dans les méthodes des groupes djihadistes. Les prix des denrées alimentaires sont dans une spirale vertigineuse. Les partenaires, eux, observent, alertent et ne se pressent pas à mettre la main à la poche face à l’activisme fiévreux d’une certaine société dite civile qui prône la prolongation de la Transition.
Face à ce tableau peu reluisant, les Maliens attendent du soldat réserviste Choguel Kokalla Maïga qu’il monte à l’assaut des vraies difficultés.
Alfousseiny Sidibé Journaliste