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Cheick Oumar Doumbia: ‘‘notre problème ne réside pas dans le nombre des partis politiques’’

À l’occasion de son intervention sur le plateau de Débat Politik d’Africable Télévision, le jeune politologue Cheick Oumar Doumbia a livré son analyse sur le débat actuel relatif à la dissolution des partis politiques au Mali.

Tout en rappelant l’importance historique et constitutionnelle de l’action politique dans la construction nationale, il a mis en garde contre toute tentative de marginalisation des partis et plaidé pour une réforme réfléchie et respectueuse des principes démocratiques. « La politique est le soubassement de la République du Mali et de son avenir. Il n’y a rien à faire », a-t-il affirmé, soulignant qu’une évaluation des partis politique ne doit s’apparenter à leur dissolution. Nous vous proposons des extraits de son intervention partagés sur le compte Meta (Facebook) de Dioné Jérémie.

«C’est légitime que les politiques se fassent entendre aujourd’hui, car chez nous, généralement, les bruits de couloirs aboutissent souvent aux faits. Mais pour l’heure, les autorités de la transition ne se sont pas prononcées officiellement sur le sujet de la dissolution des partis politiques.
Si tu vois qu’on dit «Mali», qu’on nous appelle des Maliens, c’est grâce à des actions politiques. Notre premier Président, le père de notre démocratie, Modibo Keita, était un politique à la tête du RDA avec les Mamadou Konaté. À côté du RDA, il y avait d’autres partis dont celui des Mamadou Bodje.
C’est grâce à leurs actions que nous avons obtenu notre indépendance, de la Fédération jusqu’à la République du Mali.
Ceux qui disent que les politiques ne doivent plus diriger notre pays, je leur rappelle que : c’est grâce à un homme politique qu’on parle, depuis janvier 1961, de l’armée malienne aujourd’hui. Parler du Mali de 1960 à aujourd’hui sans les politiques est une erreur.
La politique est le soubassement de la République du Mali et de son avenir. Il n’y a rien à faire. À chaque moment sa vision politique, il faut donc une évaluation, et cette évaluation ne signifie nullement dissoudre les partis politiques ou éradiquer la politique, loin de là.
Parlons des lois : la loi n° 04–038 du 5 août 2004 relative aux associations donne la latitude aux Maliens de s’unir pour former des partis politiques. L’article 3 de cette loi a même été modifié par le PT pour mieux encadrer la création des partis politiques ou autres groupements.

Comprendre les partis politiques et leurs rôles
Aucun président n’a souffert dans les mains des partis politiques autant que le président IBK (paix à son âme) ; malgré tout, il ne les a pas dissous.
Presque tous les partis politiques ont accepté de se mettre à l’écart pour que la transition puisse bien faire son travail sans influence.
Qui a demandé aux partis politiques de laisser les militaires diriger cette transition et d’aller se préparer pour les élections ? N’est-ce pas un homme politique ?
L’article 185 de notre nouvelle constitution nous interdit de modifier certaines choses, dont la forme républicaine de l’État et le multipartisme. Ce sont bien les Maliens qui ont voté cette constitution à 97 %.
Dire que les politiques sont nombreux est une idée qu’on peut revoir. Sur le plan juridique, on ne doit pas y toucher.
Si l’on regarde l’article 17 de la nouvelle constitution, il précise que les gens peuvent s’assembler comme ils le veulent, à condition de se faire enregistrer suivant les textes.
L’article 39 qui va dans le même sens que l’article 17 de la même constitution stipule que la recherche et l’obtention du pouvoir sont du ressort des partis politiques et autres groupements.
Pour moi, le nombre de partis politiques n’est pas un problème, au contraire. Ce que les gens oublient, c’est que les objectifs de certains partis politiques ou groupements se limitent uniquement au niveau communal, et cela est légal et légitime.
En France, en 2020, il y avait 579 partis politiques ; aux États-Unis, il y en a plus de 100, mais ils se réunissent au sein de grands groupes. En Chine, on dit qu’il n’y a qu’un parti unique, mais on oublie que ce parti est en réalité composé de 9 partis associés.

Notre problème ne réside pas dans le nombre de partis
politiques
Comment est venu le Bamanan ya ? Ce n’est pas à partir de groupements ? C’est le «Ton» qui est à l’origine du Bamanan ya. Le Ton n’est autre qu’un groupement de personnes partageant les mêmes objectifs.
Les groupements existaient chez nous bien avant la démocratie, bien avant la République, et, à mon avis, on ne doit pas toucher à ce principe.
Pour moi, tant les politiques qui soutiennent l’idée de la diminution des partis politiques que ceux qui soutiennent leur dissolution se trompent tous.
Concernant l’aide aux partis politiques, que dit la loi ? Les critiques de certaines personnes sont motivées par l’aide allouée aux partis politiques. Qu’en est-il réellement ?
Dans la charte des partis politiques, il est prévu qu’une recette fiscale de 0,25 % soit allouée aux partis politiques, mais sous certaines conditions :
• Avoir obtenu un maire,
• Un conseiller communal,
• Un député,
• Une femme députée,
• Avoir des jeunes au sein du parti,
• Participer aux élections.
C’est au regard de tous ces critères que l’argent est attribué. Cette aide rencontre même des difficultés depuis 2018.
J’ai fait une petite analyse par rapport à cette aide allouée aux partis pour 2024 et 2025 : si elle était donnée de façon régulière, elle s’élèverait à environ 5 milliards de francs CFA.
En comparaison, le budget du CNT, dans lequel la charte ordonne la présence de politiques, était de 11 milliards en 2024 et de 13 milliards en 2025. Voyez la différence !
Est-il même légal que cette transition modifie la charte des partis politiques ? Ou même la charte de la transition ?
Que nous dit l’article 2 de la nouvelle charte du 25 février ?
L’objectif de la transition est de mettre en place les bases des réformes.
Doit-elle faire ces réformes elle-même ? Je ne le pense pas, car si elle le fait, les lois entreront en conflit, entraînant leur violation.
Les partis politiques et les groupements ont beaucoup apporté au Mali, tout comme les médias et les syndicats.
La démocratie n’a pas commencé en 1991 ; elle existait déjà sous Modibo Keita en 1960, car il avait été choisi par vote au sein de son parti.

Que faut-il à la politique malienne ?
D’après mon analyse, beaucoup de partis politiques au Mali sont périmés. Pourquoi est-ce que je dis qu’ils sont érimés ?
Si tu prends la démographie malienne aujourd’hui, elle n’a pas la même vision que certains partis politiques créés depuis 1991.
Mais on ne peut pas obliger un parti politique à changer son idéologie. C’est le peuple qui doit les pousser à changer de vision.
Ce qui ne doit pas changer, ce sont les principes, mais non les opinions.
Les politiques doivent s’y plier s’ils veulent vraiment briguer la magistrature suprême.
La politique, c’est surtout la recherche du bien-être du peuple.
Les politiques doivent avoir comme objectif premier d’aider le peuple à comprendre d’abord le fonctionnement de son pays.
Rares sont les Maliens qui connaissent aujourd’hui le nom de leur dernier député ou de leur maire, par exemple.
Nous n’avons pas la culture de la politique de proximité.
La construction des routes principales relève du gouvernement, mais les routes secondaires, tertiaires, ainsi que les CSComs et les PMU etc.. relèvent des maires.
Le leadership local doit être soigné, sinon on ne s’en sortira pas.
Le peuple doit connaître les textes et les lois qui régissent notre pays.
Je vois souvent des gens dire qu’on donne de l’argent aux partis politiques : c’est une vérité.
Mais est-ce qu’ils se posent les questions suivantes :
• Comment l’argent est-il alloué ?
• Quels sont les critères d’éligibilité ?
• Combien de partis en bénéficient ?
Tant qu’on ne règle pas ce souci, n’importe qui pourra véhiculer n’importe quoi, et les gens le croiront.
La loi contre la transhumance politique a été adoptée au Mali il y a plus de 10 ans.
Il est nécessaire de connaître les lois et textes qui régissent notre pays pour ne pas tomber dans certains pièges ».

Que pensez-vous du coup d’Etat au Burkina Faso ?
Chaque pays a ses réalités.
Le Burkina est le champion des coups d’État avec 8 ou 9 coups d’État, si je ne me trompe pas.
Au Burkina, Thomas Sankara a été érigé en héros alors qu’il a participé à plusieurs coups d’État, trois au total.
Il fut Ministre lors de son premier coup d’État, Premier Ministre lors du deuxième, et Président lors de son troisième coup d’État.
La chose que tu glorifies en la présentant comme la meilleure des choses à faire ne disparaîtra pas de sitôt.
Car, de la manière dont Sankara est devenu un héros, quelqu’un d’autre voudra en être un aussi.
Selon Damiba : «Celui qui se bat pour la chose, c’est pour lui la chose».
IB s’est battu pour la chose, et la chose lui appartient aujourd’hui, situation qui peut donner la même idée à quelqu’un d’autre de se battre pour elle.
On doit arrêter de faire des coups d’État une culture, car cela crée un sentiment de peur permanente, d’abord chez celui qui détient le pouvoir.
Et cette peur va l’amener à vouloir se protéger.
Finalement, c’est cette protection qui écrasera les autres.
Les Bambaras disent : «Un bourreau ne peut être tranquille ; si quelqu’un passe derrière lui avec une machette, même si cette personne n’est pas animée d’une mauvaise intention».
Et cela donne envie à ceux qui n’ont pas le pouvoir de vouloir le prendre par la force également.
Les coups d’État ne sont pas bons, et ils ne règlent pas les problèmes de la société.»

Source : Info Matin
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