L’entreprise chinoise responsable de l’aménagement peine à mener à bien les travaux. Le ministre Tréta a exigé le respect du délai
Le ministre du Développement rural, le Dr Bocari Tréta, a visité vendredi le chantier du périmètre hydro-agricole du casier de Sabalibougou (2200 hectares) exécuté par l’entreprise chinoise COVEC. Le chantier est subdivisé en deux lots distincts. Le lot 1 concerne la réalisation des réseaux primaires d’irrigation et de drainage du casier de Sabalibougou pour un montant de 3,694 milliards de Fcfa et un délai d’exécution de 11 mois (juin 2014-mai 2015). Le lot 2 couvre les travaux d’aménagement de 512 hectares dépendant des partiteurs SA1, SA8 et SA9 du partiteur de Sabalibougou pour un montant de 1,382 milliard de Fcfa avec le même délai d’exécution : 11 mois. La société Conseil ingénierie et recherche appliquée (CIRA-SA) est chargée du contrôle des travaux pour un montant de 365 millions de Fcfa.
Les travaux d’aménagement ont occasionné le déplacement du village de Djambé dans la commune de Diabali. Le ministre Tréta a visité le nouveau site du village où les habitants bénéficient d’une école avec ses bureaux et latrines, d’un centre de santé, de centres de formation des femmes et des jeunes. Sans compter les maisons d’habitation équipées de latrines modernes.
Ces réalisations ont été financées par la Banque mondiale à travers sa composante IDA. Lors du récent séjour du ministre de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, à Washington, la Banque mondiale a regretté la faible absorption des ressources du financement alloué à ces chantiers, à savoir 40%. A l’approche de la fin du délai contractuel des chantiers – mai prochain -, le ministre Treta a jugé utile de venir cerner les difficultés rencontrées par l’entreprise COVEC et trouver les moyens de débloquer la situation.
La principale satisfaction de cette première visite de terrain est venue du nouveau village reconstruit de Djambé. Là, les populations déplacées à cause des travaux d’aménagement ont réceptionné des habitations commodes. Si l’école et les points d’eau sont opérationnels, les centres de santé et de formation des femmes et des jeunes attendent leurs équipements et le recrutement du personnel pour leur fonctionnement. Le ministre Treta a approuvé la priorité donnée par le projet aux commodités de dignité offertes aux populations afin d’adoucir le traumatisme de leur déplacement en mettant à leur disposition ces infrastructures socio-économiques indispensables à leur épanouissement.
Constat chaotique. Mais pour les travaux d’aménagement, il n’y avait guère de quoi se réjouir. L’ingénieur conseil Edmond Midekor, représentant de la société CIRA-SA, a estimé les taux de réalisation à 76% pour le lot 1 et 74% pour le lot 2, pour un délai consommé global de 92%. Il a expliqué que les travaux restants sont, pour le lot 1, les travaux de raccordement et de finition du distributeur, le revêtement latéritique du distributeur, l’exécution de la piste principale et l’exécution des 4 franchissements et des protections. Pour le lot 2, les travaux attendus sont ceux de raccordement et de finition des partiteurs, le revêtement latéritique des partiteurs, l’exécution des ouvrages et des protections et l’aménagement des sols. Edmond Midekor a aussi déploré la modicité des équipements mobilisés par l’entreprise sur les chantiers, dont d’ailleurs, la plupart sont en panne avec des pièces démontées. Le parcours des chantiers lui a donné raison. En effet, très peu d’engins lourds de travaux étaient visibles sur le terrain, et par endroits, on avait l’impression d’être dans un cimetière d’engins lourds avec des pièces éparpillées çà et là.
Face à ce constat chaotique, l’optimisme affiché par le PDG de l’entreprise chinoise COVEC Liang à terminer les travaux avant le délai contractuel du 23 mai, laissait perplexe au regard de l’ampleur du chantier. Le ministre Treta a rappelé qu’il est impératif que l’entreprise s’implique afin que le périmètre soit opérationnel pour le démarrage de la campagne agricole 2015-2016. Le PDG de COVEC, Liang, a promis que tous les moyens seront engagés pour respecter le délai. Pour attester de sa bonne foi, COVEC devait présenter dès lundi un chronogramme de travail calé dans les délais.
Viabilité des parcelles. Le ministre Treta a interrogé la direction de l’Office du Niger sur les dispositions prises pour la répartition des parcelles en attendant la fin des travaux. Le PDG de l’Office du Niger, Ilias Dogolum Goro, a assuré qu’une commission est à pied d’œuvre pour attribuer les parcelles à raison de 3 hectares par exploitation familiale recensée. Mais, a prévenu Ilias Dogolum Goro, les parcelles ne suffiront pas à satisfaire les demandes.
Bocari Tréta a demandé à l’Office du Niger de veiller à la viabilité des parcelles dans la politique de répartition. Ainsi, les exploitants doivent recevoir des parcelles qui leur permettent d’assurer leur épanouissement économique et sortir de la pauvreté. Il a constaté à ce propos dès qu’un aménagement agricole est annoncé, on assiste à des regroupements familiaux et des mouvements importants de populations vers ce nouvel eldorado. Ce qui gonfle considérablement la taille de la population locale. « Il faut privilégier dans la répartition les autochtones déplacés et les familles nombreuses. Si les parcelles sont suffisantes, les nouveaux arrivants pourront en bénéficier, a tranché le ministre du Développement rural qui a quitté Sabalibougou en promettant de revenir pour la mise en eau du périmètre, l’hivernage prochain.
M. COULIBALY
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Périmètre d’Alatona : L’ARGENT DE LA DISCORDE
La gestion des fonds de la collecte de la redevance eau et de la taxe foncière est à la base du blocage des relations entre les producteurs et deux ONG chargées de leur apporter une assistance technique et financière
Le périmètre d’Alatona, dans l’Office du Niger (zone de Kouroumari), résulte d’un partenariat entre le gouvernement américain à travers le Millénium challenge Account (MCA) et le gouvernement malien. La superficie brute aménagée est de 5200 hectares répartis entre 954 producteurs composés essentiellement de communautés peules qui étaient installées sur ces terres. Mais, cette communauté pastorale qui n’avait aucune expérience agricole, avait besoin d’une assistance technique pour l’aider à exploiter le périmètre et à en tirer le meilleur profit.
Le périmètre d’Alatona présente la particularité d’accorder aux producteurs l’entière responsabilité de gérer leurs parcelles. A ce titre, ceux-ci disposent de titres fonciers et ont la responsabilité de déterminer la politique de la gestion de l’eau, d’assurer la distribution, l’entretien et la maintenance des infrastructures hydro-agricoles, la collecte et la gestion de la redevance eau et la collecte d’une taxe foncière.
Les producteurs ont été regroupés par affinités pour exploiter le périmètre. Ils ont été encouragés à se regrouper en association pour assurer une gestion optimale du site à travers la Fédération des organisations des irrigants d’Alatona (FIRTONA) qui comprend 45 mandataires issus des 9 Organisations des exploitants sur le réseau secondaire (OERS).
En 2012, l’USAID a conclu un accord de subvention avec des ONG locales comme GFORCE, Nyèta Conseils et BENSO en vue d’apporter une assistance technique aux producteurs et utilisateurs de l’eau d’irrigation dans la zone d’Alatona à travers un programme baptisé « Consolidation du périmètre irrigué d’Alatona au Mali » (CPIA Mali). La CPIA comprend des composantes comme le renforcement des capacités des organisations paysannes, la vulgarisation des techniques améliorées de production, le service financier, la transformation et la commercialisation des produits agricoles et la nutrition. Cette composante est confiée au bureau Nyèta Conseils.
Taux de recouvrement en baisse. La deuxième composante comprend la gestion et la distribution de l’eau par les producteurs, la formation et l’assistance technique aux institutions d’utilisateurs d’eau, le recouvrement et la gestion des redevances d’eau et l’évaluation du modèle de gestion participative de l’eau d’irrigation d’Alatona. Cette composante est gérée conjointement par les ONG GFORCE et BENSO qui présentent la particularité d’être à couteaux tirés avec la FIRTONA pour la gestion des fonds de redevance eau et de taxe foncière.
La FIRTONA est chargée de collecter et de verser dans un compte bancaire la redevance eau et la taxe foncière. Les ONG partenaires, elles, doivent aider la FIRTONA à gérer ces fonds avec des outils financiers aptes à assurer la pérennité du périmètre. La FIRTONA accuse ces ONG d’ingérence et d’outrepasser les limites de leur mission.
Détail important : le mandat du bureau de la FIRTONA est arrivé à terme depuis le mois de mars dernier. L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (APCAM) a été saisie de la question pour dispositions à prendre.
Rappelons que le périmètre d’Alatona est entré en exploitation pendant la campagne agricole 2011-2012. Au cours de cette campagne et de la suivante, les paysans ont réglé la redevance eau à 100%. Mais depuis, le taux de paiement décline dangereusement, s’est inquiété le coordinateur du projet Alatona, Salif Ouédraogo, qui a révélé un taux de recouvrement de 89,28% soit 294,4 millions de Fcfa pour la campagne agricole 2012-2013. Ce taux de recouvrement n’est plus que de 34,40% pour la campagne 2014-2015.
Or, c’est cette redevance qui sert à payer la facture d’eau à l’Office du Niger, financer les travaux d’entretien du périmètre, payer le salaire du personnel qualifié de la FIRTONA et assurer le fonctionnement du bureau (carburant, fournitures de bureau, perdiem des mandataires lors des assemblées générales).
La redevance foncière qui est collectée pour appuyer les communes de Diabali et Dogofry dans la mise en œuvre de leurs Programmes de développement socio-économique et culturel (PDSEC), est aussi sur une pente glissante. Sur une prévision de 190 millions de Fcfa, les paysans n’ont payé que 76 millions Fcfa.
Les difficultés survenues entre la FIRTONA et les ONG partenaires ont conduit au gel du compte bancaire de la fédération à la Banque nationale de développement agricole (BNDA) et à la Banque malienne de solidarité (BMS-SA).
Le coordinateur du projet, Salif Ouédraogo, a également évoqué le problème de main d’œuvre agricole qui se pose de plus en plus pour le périmètre et la présence des oiseaux granivores en toute saison (hivernage et contre-saison compris).
La rencontre avec le ministre du Développement rural, le Dr Bocari Tréta, vendredi dernier à N’Débougou était donc très attendue par toutes les parties en conflit et par la direction générale de l’Office du Niger pour trouver une solution définitive au blocage. Salif Ouédraogo a demandé au département de l’Agriculture d’élaborer une solution juridique à opposer aux paysans qui refusent de payer la redevance eau et la taxe foncière, en sachant que ces paysans détiennent tous un titre foncier.
A ce propos, le ministre Tréta a rappelé que les titres de propriété que détiennent les paysans ne sont que provisoires en attendant les titres fonciers définitifs qui ne seront émis que 20 ans plus tard, à condition que les détenteurs aient payé intégralement les redevances eau et foncière. Il a averti que les mauvais payeurs seront privés d’eau pour l’exploitation de leurs parcelles. Et si un paysan n’exploite pas sa parcelle pendant une campagne, elle sera attribuée à un nouveau propriétaire. L’ancien propriétaire sera juste dédommagé à hauteur des sommes versées pour l’acquisition du titre foncier définitif.
Bocari Treta a annoncé qu’il ne pourra saisir son homologue de l’Economie et des Finances pour demander le dégel du compte de la FIRTONA que lorsque les paysans auront donné la preuve palpable du paiement des redevances eau et foncière. Pour décanter la situation et repartir sur de meilleures bases, le département de l’Agriculture demandera très rapidement un audit financier, technique, foncier et organisationnel de l’exploitation du périmètre d’Alatona. En attendant ce rapport d’audit, le ministre a demandé de faire le point de toutes les dépenses en souffrance afin de trouver une solution pour éponger les créances.
Enfin, Bocari Tréta a approuvé la création d’un cadre de concertation afin de mettre d’accord les protagonistes de cette querelle qui commence à menacer l’exploitation du périmètre d’Alatona. Il a promis de s’investir pour ne pas mettre en péril une expérience conduite avec la partie américaine qui présente l’originalité de permettre aux exploitants de disposer de titres de sécurité sur leurs terres agricoles.
M. COULIBALY
source : L Essor