« Le célibataire n’est qu’un âne », a chanté le chanteur Roberto Magic Sapeur. L’artiste n’a été que le porte-parole de notre milieu : vivre le célibat dans notre société, c’est s’exposer aux critiques, mépris, préjugés et railleries.
Djambal est un Kayesien de 24 ans. C’est l’un des rares confidents que je me suis fait à la fac. Nous sommes tellement proches, l’un de l’autre, qu’on a l’impression qu’on vient du même village. Pourtant, il vient de Kayes et moi de Gao. Lors d’une discussion, Djambal me parle à cœur ouvert de sa situation.
En fait, ses parents le poussent à se décider pour un mariage, même s’il n’est pas prêt. Il est le premier-né vivant de ses parents, et ces derniers n’ont qu’un seul vœu : voir des enfants de leur fils avant d’être « mangés » par la mort. Or, Djambal semble avoir d’autres préoccupations que de se lancer dans un mariage sans ressources financières. Ses études sont plus importantes à ses yeux que toute autre chose. Malgré tout, ses parents ne cessent de lui mettre la pression.
Outre la pression des parents, il y a également celle de la société. « Marie-toi, Dieu se chargera du reste. » Voilà la conception dominante promouvant le mariage, peu importe les conditions du moment. La position de Djambal est considérée comme relevant du paradigme occidental et non du nôtre. « Les gens me reprochent d’avoir des idées occidentalisées pour la simple raison que j’ai une autre conception du mariage implicitement ou explicitement différente, affirme Djambal. Ils disent que, nous les étudiants, nous ne voulons pas nous marier qu’après être sortis de la fac et après une intégration professionnelle. »
Se lancer malgré tout
Néanmoins, d’autres camarades comme Issa se sont mariés avant même de finir les études et d’avoir un emploi. C’est leur choix et je le respecte. Issa est issu d’une famille financièrement stable. Lui et sa femme sont pris en charge par les parents. Pour ma part, j’estime qu’on ne se marie pas pour les autres, car le mariage, c’est une responsabilité qui exige beaucoup de choses à la fois.
Et puis, je garde comme une relique cette phrase de Claude Michelet dans son roman Les palombes ne passeront plus : « Parce que l’amour et l’eau fraîche, c’est bon pour les midinettes et les inconscients, mais pas pour les gens sérieux qui connaissent la dureté de la vie, le prix des choses et les dangers qui menacent les unions guidées par la seule passion aveugle. »
« Simple-viens-manger »
Lors d’une discussion houleuse au grin sur la problématique du divorce au Mali, un camarade m’a traité de « simple-viens-manger ». A entendre ses propos, je me rends compte que je ne suis à ses yeux qu’un irresponsable, ou disons un moins considéré rien que par mon statut de célibataire. Le chanteur Roberto Magic Sapeur ne dit pas autre chose, quoique de façon plus triviale, quand il affirme qu’« Il n’y a pas plus âne qu’un célibataire ». Dans ce morceau, qui déchaînait l’hilarité au sein des célibataires eux-mêmes, il est clairement dit, en substance, que « le célibataire ne peut devenir imam, chef de village voire même un leader et qu’il n’a aucune espère de considération dans la société ». Pire, personne ne lui fait confiance. C’est dire à quel point la perception véhiculée sur le célibataire est négative.
Ces commentaires, ce n’est pas la première fois que je les entends. Pire, d’aucuns vont jusqu’à dire : si tu ne te maries pas, c’est que tu es en adultère avec la fille d’une autre personne. Certains s’avancent jusqu’à mettre en doute ta virilité.
Je suis maintenant arrivé à la conclusion qu’être célibataire dans notre société, c’est un lourd fardeau, mais il faut savoir l’assumer et laisser le temps faire, car ce n’est qu’un stade parmi d’autres après tout. « Qui se presse à danser plus vite que la musique, risque de danser mal », a dit l’adage.
Source: Benbere