Jeudi 15 septembre, le rapport de l’ONG Suisse Public Eye mettait en lumière la piètre qualité des carburants disponibles en Afrique et les pratiques peu scrupuleuses des négociants suisses en matières premières. Il ressort que sur les 40 échantillons de carburants prélevés par les auteurs du rapport dans les huit pays d’Afrique étudiés, aucun ne pourrait être commercialisé en Europe car ces carburants ont des teneurs en soufre entre 200 et 1000 fois supérieurs aux normes sanitaires européennes. Avec des conséquences désastreuses sur la qualité de l’air donc sur la santé publique.
Si rien n’est fait, plus de 30 000 personnes pourraient mourir prématurément de pollution atmosphérique sur le continent africain d’ici 2030. C’est en tout cas la conclusion d’une étude menée par l’ICCT, une ONG spécialisée dans la promotion des véhicules propres.
Le soufre n’est pas le seul responsable de la pollution de l’air, mais son action est particulièrement pernicieuse. Car non seulement, il contribue à l’émission de particules fines qui se logent profondément dans les poumons et provoquent de nombreuses maladies cardiaques et respiratoires, mais en plus le soufre détruit les technologies de contrôle des émissions comme les particules à filtre de diesel. Autrement dit, si la teneur en soufre des carburants utilisés reste identique, même une généralisation des véhicules propre sur le continent n’aurait que peu d’effet.
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Or, tout indique que le parc automobile va augmenter dans les prochaines années puisqu’on estime que la population urbaine pourrait tripler d’ici 2050 sur le continent. Et si les études restent encore rares sur le sujet, un rapport récent de la Banque mondiale a montré qu’au Ghana, pour la seule année 2013, la pollution de l’air avait coûté 542 millions d’euros en consultations médicales.
■ Des pays qui prennent des mesures fortes
L’ONG Public Eye, à l’origine du rapport sur les carburants toxiques, incite les Etats à mettre en place des législations plus contraignantes. Elle cite notamment l’exemple vertueux des cinq pays de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, la Tanzanie, le Kenya, le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda, qui depuis le 1er janvier 2015 se sont accordés pour faire significativement baisser la teneur en soufre dans le carburant qu’ils importent. Reportage au Rwanda.
Laboratoire de l’Office rwandais de normalisation (RSB). « Cette machine passe au crible tous les composants du carburant. Elle détecte le benzène, mais aussi le soufre. Elle détecte tout », explique Antoine Mukunzi, en charge des tests qualité.
Ce type de test est effectué au moins une fois par semaine. En effet, depuis janvier 2015, le Rwanda comme les autres pays de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est a mis en place des normes strictes. La teneur en soufre dans le diesel, par exemple, ne doit pas dépasser les 50 particules par million (ppm) au lieu de 500 ppm par le passé. Les teneurs en plomb ou en benzène ont aussi été réduites. « La teneur en soufre par exemple a été réduite pour des raisons environnementales. Du carburant à forte teneur en soufre génère du dioxyde de soufre dans l’atmosphère et même des pluies acides », précise-t-il.
De nouvelles normes qui, selon Norris Imbayi Ongalo, importateur au sein de la société rwandaise SP n’ont qu’un impact marginal sur les coûts du carburant. « Le processus d’obtention du carburant à faible teneur en soufre augmente certes, à la marge, le coût du produit. Cependant, beaucoup d’entreprises ont trouvé un créneau dans ce secteur, en s’en servant comme d’un argument marketing », souligne-t-il.
Un impact d’autant plus réduit que cette nouvelle législation est intervenue dans un contexte de baisse des cours mondiaux du pétrole.
Source : RFI